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L'énigme des neutrinos solaires et atmosphériques

2.3 Mesure de la masse des neutrinos

En parallèle aux expériences sur les oscillations qui sont sensibles à la diérence de masse, d'autres expériences cherchent à mesurer de manière directe ou indirecte la masse absolue des neutrinos. En tenant compte des résultats sur les paramètres d'oscillations (sin2θ12, sin2θ23, m2

21 etΔm2

23), il est possible de calculer dans le cadre de modèle l'échelle des masses en fonction de la hiérarchie des masses, normale ou inversée, comme le montre la gure 2.25.

Il existe deux façon de mesurer la masse des neutrinos, soit par la mesure directe dans la radioactivité

Figure 2.24  Nombre d'événements νe observés en fonction de l'énergie [33].

Figure 2.25  Echelle des masses eectives suivant la hiérarchie des masses, normale (g. de gauche) ou inversée (g. droite) [32].

2.3.1 Katrin : mesure directe de la masse de νe

En 2001, les expériences Mainz et Troitsk en atteignant leur limite intrinsèque de sensibilité ont posé respectivement mνe <2.3eV (95% CL) et mνe <2.05eV (95% CL). L'expérience KATRIN (Karlsruhe Tritium Neutrino), dans la même lignée que Mainz et Troitsk, cherche à mesurer la masse du neutrino avec une précision de 0.2 eV en examinant le spectre en énergie des électrons émis par la radioactivité

β du tritium dont la demi-durée de vie est de 12.32 années. Dans la désintégration β un neutron d'un noyau se convertit en proton en émettant un électron et anti-neutrino électronique.

3H3He+ e+ νe

Les électrons et neutrinos émis partagent seulement 18.57 keV d'énergie entre eux. Dans la plupart des cas, l'électron et le neutrino emportent avec eux à peu près la même quantité d'énergie. Cependant dans de rare cas, l'électron emporte presque toute l'énergie et le neutrino pratiquement rien. En sélec-tionnant l'énergie de l'électron, il est possible d'observer très précisément la queue de la distribution en énergie de l'électron (cf. gure 2.26). Si le neutrino a de la masse, il doit transporter au moins une quantité d'énergie équivalente à sa masse.

Figure 2.26  Distribution en énergie de l'électron dans la radioactivité β du Tritium.

Le dispositif expérimental de KATRIN [34] est composé d'une source gazeuse de Tritium refroidie à27 K, injectée àune pression de 3.4 × 10−3 mbar au centre d'une chambre ouverte (WGTS). Celle-ci est reliée àune série de trois pompes diérentielles (DPS) et d'une pompe cryogénique (CPS) qui acheminent le tritium vers le spectromètre qui utilise une combinaison entre champ magnétique et champ électrique freinant pour déterminer l'énergie des électrons issus de la radioactivité β du tritium avec une précision de 0.93 eV sur son énergie. En bout du dispositif, un détecteur compte le nombre de β-électrons (cf. gure 2.27).

Figure 2.27  Vue schématique de l'ensemble expérimental de KATRIN.

Les premières prises de données devraient commencer en 2012 sur une durée de cinq ans. Avec la sensibilité de KATRIN, l'échelle de masse du νe dans la désintégration β du Tritium en fonction respectivement de la masse la plus petite m1et m3dans la hiérarchie normale et inversée est représentée dans la gure 2.28.

2.3.2 La double désintégration β sans neutrinos

La nature Dirac ou Majorana des neutrinos reste une question ouverte importante. Du point de vue théorique, si le neutrino est une particule massive de type Majorana, il est possible d'observer une double désintégration β sans neutrino, du fait de l'annihilation du neutrino νe avec son anti-neutrino

νe qui lui est identique (cf. gure 2.29).

Dans la nature, il existe environ 60 isotopes capables de subir une double désintégration β. Jusqu'à présent 10 d'entre eux ont été observés via ce mode de désintégration bien que ce soient des événements rares avec une période de demi-vie supérieure à 1019ans :48Ca,76Ge,82Se,96Zr,100M o,116Cd,128T e,

130T e, 150N d et 238U. Si le processus de désintégration double β sans neutrinos existe, la période de demi-vie atteint alors 1025 ans.

Figure 2.28  Echelle de masse eective du neutrino νe dans la désintégration β du Tritium en fonction respectivement de la masse la plus petite m1 et m3 dans la hiérarchie normale et inversée [32].

Figure 2.29  Schéma de la double désintégration β sans neutrinos.

En mesurant directement l'énergie des deux électrons émis dans la désintégration double β, il est possible de reconnaître une désintégration sans neutrinos ββ(0ν) par l'observation d'un petit pic d'énergie en queue de la distribution (cf. gure 2.30).

En mesurant la période de demi-vie T

1/2 d'un isotope par comptage du nombre de désintégrations

ββ(0ν) T 1/2 −1 = ln2Nnoyauxt Nββ

où  est l'ecacité du détecteur, Nnoyaux le nombre de noyaux actifs, t le temps mesuré et Nββ le nombre de désintégrations ββ(0ν) observées,

on peut calculer la masse eective du neutrino mν par la formule

T 1/2

−1

= GM2 mν 2

où G est l'intégrale de l'espace des phases qui peut être calculée de manière exacte, M2 est la matrice nucléaire de l'isotope [35].

Les masses mi des neutrinos peuvent alors être calculées indirectement par l'équation

mν = miU2

ei= cos2θ12cos2θ13m1+ sin2θ12cos2θ13e+ sin2θ13em3

où α et β sont les deux phases supplémentaires de violation CP liées à la nature majorana du neutrino. En fonction de la hiérarchie des masses et des paramètres d'oscillation, la prédiction des masses est représente par la gure 2.31.

Figure 2.31  Echelle de masse eective du neutrino νe dans la désintégration ββ(0ν) en fonction de la masse la plus petite m1 et m3 dans la hiérarchie normale et inversée [36]. La ligne bleue repésente la limite de sensibilité des expériences de la prochaine génération ββ(0ν).

Les expériences Heidelberg-Moscow et IGEX ont posé une limite supérieure à mν entre 0.33

eV et 1.35 eV pour une période de demi-vie de l'isotope 76Ge supérieure à 1.6 × 1025 années. Cette grande incertitude est due à la diculté de calculer la matrice nucléaire M. Actuellement plusieurs expériences en cours de réalisation cherchent à repousser la limite de mν jusqu'à 10 meV : CUORE,

A cette limite, la dégénérescence des masses va pouvoir être levée avec la possibilité d'exclure la hiérarchie inversée. Ces expériences doivent en outre conrmer ou inrmer l'observation supposée d'une désintégration ββ(0ν) par l'expérience Heidelberg-Moscow dont l'évidence statistique est très discutable.