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La connaissance de la compression médullaire lors d’un traumatisme se révèle très importante d’un point de vue clinique et neurologique. Cette partie de la revue de la littérature s’intéresse à tous les systèmes de mesure ayant pour but de quantifier la compression médullaire lors d’un traumatisme. A l’instar des cliniciens qui utilisent la mesure de l’obstruction du canal rachidien (par IRM, TDM ou rayons X) pour quantifier la compression médullaire, toutes les techniques présentées ici sont des techniques expérimentales de mesure de l’occlusion du canal.

Chang et al. (1994) a été le premier à développer un outil de mesure qui puisse donner accès à l’occlusion du canal rachidien en dynamique (Figure 1.16). Il a utilisé un tube creux en polymère flexible qu’il a inséré dans un segment vertébral à l’intérieur même du canal rachidien. Le tube est relié à un circuit fermé dans le lequel un fluide circule à un débit constant. Durant les simulations de traumatismes effectués sur le segment vertébral, les fragments osseux expulsés dans le canal rachidien compriment le tube et augmentent ainsi la pression du fluide. La variation de pression du fluide est alors mesurée par un capteur de pression situé dans le circuit fermé. L’évolution de la variation de pression du fluide en fonction de l’occlusion du canal est logarithmique. Une des principales limites de ce capteur est son étendue de mesure. Le capteur est seulement capable de mesurer une occlusion maximale du tube de 55% (D. G. Chang et al., 1994). De plus, le tube utilisé ne remplit pas totalement le canal rachidien. L’occlusion du tube diffère donc de l’occlusion du canal rachidien. Enfin, la réponse du système est lente, présentant un temps de réponse supérieur à 5ms. Cette technologie a ensuite été utilisée à plusieurs reprises (Carter, Mirza, Tencer, & Ching, 2000; Ching, Watson, Carter, & Tencer, 1997) et améliorée (Carter et al., 2000). Ainsi, le nouveau capteur développé dans une étude similaire réalisée par Carter et al. (2000) permettait de mesurer l’occlusion du tube jusqu’à 75%.

Figure 1.16 Représentation schématique du système de mesure de l’occlusion du canal rachidien développé par

Chang et al. (1994) Tirée de Carter et al. (2000)

Une autre approche pour mesurer l’occlusion du canal a été développée par Raynak et al. (1998). La conception de l’outil de mesure est sensiblement identique à la technique précédente : un tube creux en polymère flexible est inséré dans un segment vertébral dans lequel circule un fluide (Figure 1.17). En revanche, le fluide employé par Raynak et al. (1998) est une solution saline conductrice d’électricité. Un courant électrique circule dans le fluide et 8 électrodes sont placées tout au long du tube de manière transverse. Chaque électrode mesure le potentiel électrique de la section de fluide conducteur sur laquelle elle est située. Un changement de section du tube crée un changement de potentiel électrique du fluide conducteur selon la loi d’Ohms :

= (1.1) : Résistance électrique (en Ω)

: Résistivité de la solution saline (en Ω.m-1)

: Longueur du tube (en m) : Section du tube (en m²)

Ainsi, l’occlusion du canal est accessible en temps réel via la mesure du potentiel électrique de diverses sections du fluide (Raynak et al., 1998). Grace à la répartition des électrodes sur toute la longueur du tube, la mesure de l’occlusion est segmentée, ce qui permet de localiser l’endroit exact de l’occlusion maximum. Cependant, Nuckley et al. (2002) a par la suite apporté une nuance sur la mesure effectuée par le transducteur. En effet, le tube ne remplit le canal rachidien que dans le plan sagittal lors des essais réalisés. Ainsi, uniquement la mesure du diamètre antéro-postérieur du canal rachidien était accessible (Nuckley, Konodi, Raynak, Ching, & Mirza, 2002). Zhu et al. (2008) a confirmé cette nuance en précisant que l’appareil mesure l’occlusion du tube, et non l’occlusion du canal rachidien, sur un intervalle de mesure allant de 0 à 64% (Scicchitano, 2015; Zhu et al., 2008).

Figure 1.17 Représentation schématique du système de mesure de l’occlusion du canal rachidien développé par Raynak et al. (1998)

Adaptée de Raynak et al. (1998)

Panjabi et al. (1995) a utilisé une technique totalement différente (Figure 1.18). Des bandes flexibles d’acier sont fixées sur les parois du canal rachidien de spécimens cadavériques humains. Les bandes d’acier forment un pont reliant les parois opposées du canal rachidien dans le plan antéro-postérieur. Des jauges de déformations sont localisées sur la partie centrale de chaque bande d’acier. Lors d’un traumatisme, l’occlusion du canal engendrée par des fragments osseux sollicite les bandes métalliques en flexion. Cette flexion est alors mesurée et quantifiée par les jauges de déformations, puis reliée à un déplacement axial après étalonnage. Ainsi, ce capteur ne mesure pas l’occlusion du canal à proprement dit, mais bien la longueur de pénétration des fragments osseux à l’intérieur du canal (Panjabi et al., 1995). L’auteur

souligne la grande fragilité de cet appareil de mesure lors de la simulation de traumatismes vertébraux.

Figure 1.18 Représentation schématique du système de mesure de l’occlusion du canal rachidien développée par Panjabi et al. (1995) : (a) Disposition des jauges de déformation sur

les bandes d’acier (b) Vue d’ensemble du système Tirée de Panjabi et al. (1995)

Plus récemment, Wilcox et al. (2002) a proposé une méthode différente de mesure de l’occlusion du canal (Figure 1.19). Le segment vertébral est positionné et aligné entre deux miroirs. Une source de lumière blanche est appliquée sur le premier miroir qui réfléchit la lumière dans le canal rachidien. La lumière est ensuite captée et analysée avec une caméra haute vitesse à l’aide du deuxième miroir réfléchissant, situé au bas du spécimen. Le canal rachidien est donc visible et son obstruction est calculée en post-traitant les images enregistrée par la caméra (Wilcox et al., 2002) (Figure 1.20). Le grand avantage de cette technique est sa capacité à mesurer l’occlusion du canal de 0 à 100%. En revanche, la mesure de l’occlusion n’a pu etre validée qu’en quasi-statique, ce qui constitue une grande limite de cette étude.

Figure 1.19 Représentation schématique du système de mesure de l’occlusion du canal rachidien développée

par Wilcox et al. (2002) Tirée de Wilcox et al. (2002)

Figure 1.20 Images de l’occlusion du canal, issues du dispositif de Wilcox et al. (2002) Tirée de Wilcox et al. (2002)

Le Tableau 1.3 présente un résumé des méthodes de mesure d’occlusion du canal rachidien. Tout d’abord, parmi toutes les techniques de mesure d’occlusion du canal développée, seul Wilcox et al. (2002) mesure réellement le changement de section du canal. En effet, les autres techniques se concentrent sur la variation du diamètre antéro-postérieur du canal rachidien. Pour une FVC, cela correspond à la mesure de la pénétration du fragment osseux dans cette unique direction (Panjabi et al., 1995).

Ensuite, les techniques employées pour mesurer l’occlusion du canal rachidien ne prennent pas en compte les structures anatomiques présentes à l’intérieur du canal (moelle épinière, LCR, pie-mère, dure-mère…). D’autres études insèrent même certaines structures au comportement biomécanique complétement différent (tube de polymère, lamelles de métal, etc.). De plus, toutes ces techniques requièrent un positionnement particulier des segments vertébraux. Ils doivent être parfaitement droits, ce qui diffère totalement de la morphologie normale de la colonne vertébrale. Ainsi, ces techniques changent complètement l’interaction biomécanique et physiologique entre la colonne vertébrale et la moelle épinière.

Enfin, la moelle épinière ne remplit pas le canal rachidien. En effet, dans la région thoracique, le ratio d’occupation du canal rachidien par la moelle épinière est inférieur à 0,5 (Fradet et al., 2014). L’occlusion du canal diffère donc grandement de la compression réelle de la moelle épinière. Ces techniques ne fournissent donc pas une mesure des déformations de la moelle épinière.

Tableau 1.3 Récapitulatif des caractéristiques techniques de mesure du canal rachidien développées

Méthode de mesure de

l'occlusion du canal Performances Notes

(D. G. Chang et

al., 1994) Variation de pression d'un fluide situé dans un tube de

polymère

• Intervalle de mesure de 0 à 75% d'occlusion du tube

• Incertitude de mesure absolue ± 5% • Délai de réponse de 5ms à une sollicitation

durant 15ms

• Ne mesure que l'occlusion du tube et non l'occlusion du canal

• Lent

• Étalonnage en dynamique non effectuée à cause des variations de pression du à l'impact (Ching et al., 1997) (Carter et al., 2000) (Raynak et al., 1998)

Variation de résistance d'un fluide situé dans un tube de

polymère

• Intervalle de mesure de 0 à 64% d'occlusion du tube

• Incertitude de mesure absolue ± 6,5%

• Ne mesure que l'occlusion du tube et non l'occlusion du canal

(Nuckley et al., 2002) (Zhu et al., 2008) (Panjabi et al., 1995)

Lamelles d'acier possédant des jauges de déformation et

sollicitées en flexion

• Intervalle de mesure du diamètre antéro- postérieur du canal rachidien 6-12 mm • Fréquence acquisition maximum de 4000 Hz • Erreur maximum observée de ± 0,20 mm

• Mesure de la pénétration des fragments osseux à l'intérieur du canal

• Fragile en dynamique • Rapide

(Wilcox et al., 2002)

Caméras hautes vitesses filmant l'occlusion du canal

• Intervalle de mesure de l'occlusion du canal rachidien 0-100%

• Incertitude de mesure absolue ± 7% • Fréquence acquisition 2000 Hz

• Mesure réelle de l'occlusion du canal • Intervalle de mesure idéal

• Mesures uniquement validées en quasi-statique