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4. Cadre théorique

4.4. La mesure de l’ISF par télédétection

La mesure des surfaces foliaires définies dans le paragraphe 4.3 est une question récurrente et centrale en écologie forestière. Une des réponses majeures à ce problème est l’utilisation de modèles de transfert radiatifs appliqués à la forêt. En effet, ces modèles sont employés et développés depuis presque 40 ans car ils permettent de retrouver de manière relativement précise certaines métriques forestières grâce aux lois physiques qui régissent le comportement des ondes électromagnétiques avec la matière (diffusion, réflexion, transmission, absorption). Dans le cas de la forêt et de la canopée, c’est le comportement des rayons lumineux émis par le soleil (400 à 800 nm) qui est observé quand ces derniers passent à travers la végétation. Ainsi, tout un éventail de théories, de modèles physiques et d’appareils de mesure qui utilisent des modèles de transfert radiatif ou des algorithmes de lancer de rayons ont vu le jour pour déterminer des métriques qui concernent la plupart du temps la canopée, sa surface, sa densité, ses trouées, etc. Les bases de l’utilisation du transfert radiatif en forêt sont posées dans l’ouvrage de référence de Juhan Ross (Ross 1981) et ont été déclinés à de nombreuses reprises par des chercheurs du monde entier (Leblanc et al., 2005; Piboule, 2005; Durrieu et al., 2008; Zheng & Moskal, 2009; Béland, et al., 2014a). Ces modèles sont développés suivant plusieurs approches. En effet, il existe des solutions à une ou à trois dimensions, discrète avec l’utilisation de voxels ou géométriques. Les appareils de mesure les plus connus qui utilisent des modèles de transfert radiatifs sont par exemple, la sonde LAI-2000, la sonde TRAC, la photographie hémisphérique et plus récemment les systèmes lidar. Des modèles couramment employés dans les milieux de forêt sont par exemple ceux étudiés au sein d’un programme européen nommé RAMI (Radiation transfert Model Intercomparison). Les modèles comme DART (Discrete Anisotropic Radiative Transfer) (Grau et al., 2017), Raytran et PBRT peuvent être utilisés pour des simulations d’observations lidar. L’intérêt de ces modèles est

de pouvoir simuler des comportements physiques en s’affranchissant des contraintes du terrain mais aussi d’établir des preuves mathématiques à des théories complexes et à terme d’améliorer et d’automatiser des mesures relativement complexes.

4.4.1. Introduction de la loi de Beer-Lambert et application à la forêt

Les sciences forestières réutilisent souvent les bases d’un concept découvert et mis au point à l’origine en chimie pour décrire le comportement de la lumière dans un milieu translucide et homogène. Ce concept, plus communément connu sous le nom de « loi de Beer-Lambert » porte le patronyme de deux de ses auteurs sans mentionner M. Pierre Bouguer, qui fut son premier créateur. Cette loi mise au point au 18ième et 19ième siècle fait le lien entre la concentration d’un élément chimique dans une solution aqueuse et l’atténuation lumineuse causée sur un rayon incident d’intensité 𝐼0 de longueur d’onde λ dans une cuvette de largeur l (figure 9).

Figure 9 - Absorption lumineuse dans une cuvette de liquide turbide (loi de Beer-Lambert). La cuvette est représentée par le contenant rectangulaire de couleur bleue au centre du schéma. Elle contient une solution aqueuse pigmentée homogène avec une concentration notée c et une absorptivité molaire ε (L.mol-1.cm-1) pour une longueur d’onde donnée. Le rayon lumineux de longueur d’onde λ, représenté par un cylindre rouge sur le schéma, traverse la solution aqueuse sur une distance correspondant à la largeur de la cuvette l avec une intensité incidente 𝐼0 et en ressort avec une intensité transmise 𝐼1.

Ce phénomène s’explique par une relation de proportionnalité entre l’absorbance Aλ d’une solution turbide et sa concentration c en élément pigmenté. La relation est alors :

𝐴

𝜆

(𝑙) = 𝜀. 𝑐. 𝑙 = − log

10

(

𝐼1

où 𝐴𝜆 est l’absorbance de la cuvette pour une longueur d’onde λ (sans unité) ; 𝜀 est l’absorbtivité

molaire de l’élément pigmenté pour une longueur d’onde λ (L.mol-1.cm-1) et 𝐼1

𝐼0 est la transmittance de la cuvette (sans unité). Autrement dit, en ce qui concerne la transmitance, l’intensité lumineuse en sortie est :

𝐼

1

= 𝑒

−𝜀.𝑐.𝑙.ln (10)

. 𝐼

0 (4)

L’intérêt avec les modèles de transfert radiatif ou les algorithmes de lancer de rayons énoncés précédemment est de pouvoir retrouver la concentration de la végétation ou plutôt la proportion de trouée ou d’opacitée de la canopée en calculant le bilan radiatif entre la lumière incidente (𝐼0) et la

lumière transmise (𝐼1) et diffusée à travers la canopée. Pour simplifier, dans la cas d’un système de télédétection passif, (𝐼0) sont les rayons émis par le soleil et (𝐼1) sont les rayons captés par l’appareil de mesure. Dans cet exemple, l’absorbtivité des feuilles à la longueur d’onde étudiée et la distance parcourue par rayons à travers la canopée permettent de calculer la concentration des feuilles et donc la surface foliaire avec des indices comme l’ISF ou l’IST. Dans le cas d’un système actif comme le lidar, les rayons incidents sont émis par l’appareil de mesure lui-même ce qui permet de mieux les maitriser, puis ils se réfléchissent à la surface de la végétation avant d’être captés. La loi de Beer-Lambert n’est applicable que dans certaines conditions. Le milieu turbide, dans le cas de l’espace rempli par la canopée, doit être suffisemment homogène par rapport à la taille et la densité des rayons. À cet égard, les éléments (végétation) qui remplissent cet espace doivent pouvoir être considérés que comme un mélange gazeux par rapport à la résolution spatiale de l’échantilonnage.

La probabilité [𝑃(𝜃)] qu’un rayon avec un angle d’incidence θ passe à travers une canopée uniforme et horizontale (figure 10) est donnée par une loi de Poisson (Ross, 1981; J M Chen & Black, 1992) telle que :

𝑃(𝜃) = 𝑒𝑥𝑝 [−

𝐺(𝜃).Ω(𝜃).𝐿

𝑐𝑜𝑠(𝜃)

]

(5)

 𝐺(𝜃) : est le coefficient d’extinction, il représente la distribution angulaire de toutes les composantes du couvert forestier. Cette distribution tend vers 6 distributions standards : planophile, érectophile, plagiophile, extremophile, uniforme ou sphérique détaillées en annexe (figure 28A4).

 Si 𝛺(𝜃) < 1 : le feuillage groupé (aggloméré par zones).

 Si 𝛺(𝜃) = 1 : le feuillage est aléatoire (cas idéal pour la loi de Beer-Lambert)  Si 𝛺(𝜃) > 1 : le feuillage est ordonné selon un patron régulier

 𝐿 : est l’ISF, soit l’air d’une des faces des feuilles par unité de surface au sol (m²/m²).

Figure 10 - Illustration de la géométrie utilisée pour le calcul de l’ISF en forêt à partir d’instruments optiques (figure extraite de Leblanc 2014).

H est la hauteur (en mètres) entre l’appareil de mesure et la cime des arbres et θ est l’angle d’incidence des rayons lumineux émis par le soleil. 𝐻

cos 𝜃 est la distance parcourue par le rayon lumineux à travers la canopée avant d’atteindre le capteur photosensible.

Dans cette étude le calcul de l’IST a été transposé à l’échelle du voxel comme présenté ci-dessous (partie 4.6). En effet, le cas le plus courant de l’utilisation de la loi de Beer lambert en forêt suggère l’utilisation d’un capteur passif qui reçoit les rayons du soleil transmis à travers la canopée (figure 10). Par opposition, dans cette étude, les rayons transmis détectés après réflexion par la cellule photosensible proviennent d’une source lumineuse monochromatique située au même endroit que cette dernière, c’est-à-dire sous la canopée. L’autre différence importante par rapport à l’emploie d’un instrument passif est que L-Vox réalise l’estimation de la densité de la végétation de manière ultra locale à l’échelle du voxel puis il répète l’opération sur l’ensemble des voxels de la scène.