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La mesure « habiter dans sa propre région »

CONCLUSION : DES INTENTIONS A LEUR MISE EN ŒUVRE

ANNEXE 6 : LA DEUXIEME REVISION ET ACTUALISATION DU RSV

3.6 P OLITIQUE FONCIÈRE ET IMMOBILIÈRE 32 Cette politique veut favoriser :

3.6.3 La mesure « habiter dans sa propre région »

La mesure « wonen in eigen streek » du décret flamand de politique foncière et immobilière (Livre 5, articles 5.1.1. à 5.3.3) a défrayé la chronique en 2010.

Cette mesure innovante illustre bien la volonté du Gouvernement flamand de prendre des mesures juridiques et contraignantes pour accomplir sa tâche foncière, comme elle en exprime clairement le souhait dans le passage suivant du projet d’addendum au RSV :

« La politique foncière et immobilière tient compte des possibilités sur le plan du partena-riat public-privé, ou sur le plan de la réalisation des objectifs publics par des acteurs privés. Pour prouver la réalisation de ces objectifs publics, des instruments juridiques clairs et contraignants sont toutefois nécessaires. »37

Avec cette mesure, une condition particulière est créée dans le cas de la cession de biens localisés en zones d’extension d’habitat (WUG – woonuitbreidingsgebied, l’équivalent de nos ZACC)38 dans les communes à forte pression foncière ou à solde migratoire élevé (interne ou externe).

Les communes flamandes concernées sont celles qui répondent aux critères suivants :

« Art. 5.1.1. Le Gouvernement établit tous les 3 ans et pour la première fois au cours du mois civil dans lequel ce décret entre en vigueur une liste des communes qui satisfont aux 2 caractéristiques reprises ci-après sur la base des statistiques les plus récentes : 1° la commune appartient jusqu’à 40 pour cent aux c ommunes flamandes dans lesquel-les le prix moyen des terrains est le plus élevé par mètre carré ;

2° la commune appartient :

a) soit aux 25 % de communes avec l’intensité de migration interne la plus élevée ; b) soit aux 10 % de communes avec l’intensité de migration externe la plus élevée.

La liste, stipulée à l’alinéa premier, est publiée au Moniteur Belge.

Pour l’application de l’alinéa premier, nous entendons par « intensité de la migration » : la somme des immigrations et émigrations communales au cours d’une période d’observation, ventilée en :

1° migration interne, faisant référence aux mouveme nts entre communes en Belgique ; 2° migration externe, faisant référence aux mouveme nts de et vers l’étranger. »

Les communes où se droit s’applique sont au nombre de 69 (sur 308) et sont localisées sur la carte ci-dessous.

37 ID, p. 55.

38 Sur ces ZAD en Flandre, voir l’Atlas des zones d’aménagement différé et le site qui leur est consacré : http://www2.vlaanderen.be/ruimtelijk/wugatlas/index.html.

En Flandre, les WUG représentent 12% des superficies du plan de secteur vouées à l’habitat. Au sein des disponibilités encore existantes au sein de ces zones vouées à l’habitat, cette proportion est toutefois bien plus élevée car les WUG n’ont à ce stade été que très partiellement mises en œuvre.

La mesure « habiter dans sa propre région » instaure que toute personne pouvant faire valoir une attache forte à sa commune peut activer un droit prioritaire de cession dans les cas suivants et lorsqu’il s’agit d’un bien situé en WUG :

- vente ;

- location pour plus de 9 ans ;

- location par droit d’emphytéose ou de superficie.

Il s’agit donc en quelque sorte de l’instauration d’un droit de « réquisition » ou de « préemp-tion » accordé aux individus. Ce qui n’est pas rien en termes d’innovapréemp-tion !

Cette attache forte est reconnue par une commission d'appréciation provinciale qui établi le lien suffisant avec la commune sur base des éléments suivants :

« Article 5.2.1 - § 2. Pour l’application du § 1er, 2e alinéa, une personne a un lien suffi-sant avec la commune si elle satisfait à une ou plusieurs des conditions suivantes : 1° avoir était domicilié dans la commune ou dans un e commune avoisinante pendant au moins 6 ans de manière ininterrompue, à condition que cette commune soit également reprise sur la liste stipulée à l’art. 5.1.1 ;

2° à la date du transfert, réaliser des activités d ans la commune, pour autant que ces activités occupent en moyenne au moins la moitié d’une semaine de travail ;

3° avoir construit avec la commune un lien professi onnel, familial, social ou économique en raison d’une circonstance importante et de longue durée. »

Le décret a pour but déclaré d’aider des groupes cibles à demeurer dans leur région, et par là de tenter de résoudre certains des problèmes générés par la hausse des prix de l’immobilier acquisitif ou locatif.

Ces problèmes sont également évoqués à deux endroits de l’addendum (partie consacrée au logement et partie politique foncière) :

« Des problèmes spécifiques requérant de l'attention sont le caractère abordable du logement, en particulier dans des régions spécifiques (la Côte, régions frontalières…) ou dans des régions ayant leur propre dynamique de migration, ainsi que le vieillissement de la population et les effets sociaux de la migration (effet de supplantation de la popu-lation locale). Le décret du 27 mars 2009 relatif à la politique foncière et immobilière prévoit des instruments à cet effet. » 39

« La lutte contre l’exclusion sociale par la réservation d'habitations complémentaires pour la population locale dans des zones d'extension d'habitat, notamment dans les communes aux prix élevés pour les terrains à bâtir et une intensité de migration impor-tante. »40

La mesure « wonen in eigen streek » est en soi et de manière théorique intéressante si on considère qu’elle vise à lutter contre l’exclusion sociale de la population locale dans les communes sujettes à forte pression foncière. En effet, en Flandre comme ailleurs, là où une forte pression foncière s’exerce, où les prix dépassent les prix moyens du marché, les habitants à revenus moyens ou modestes ou les cellules familiales réduites peuvent éprouver des difficultés à rester sur le territoire de leur commune.

Notons que, en Wallonie, certaines communes agissent pour favoriser le maintien de la population locale. Par exemple lorsque certaines d’entre elles décident, dans le cas de la vente de terrains à bâtir leur appartenant, de réduire le prix de vente en cas de cession à des habitants déjà domiciliés sur le territoire communal.

La mesure « wonen in eigen streek » a défrayé la chronique journalistique pour diverses raisons. Parce qu’elle vient après d’autres mesures liées à l’attribution des logements, mesures contestées par les francophones (cas du « Wooncode » qui impose un critère linguistique dans l’attribution des logements sociaux). Mais aussi parce que son champ d’application prêtait à interprétations non désirées : en effet, le texte de loi initial s’appliquait aussi dans le cas des WUG mises en œuvre sans avoir été converties planologiquement en zones d’habitat. Dans ces cas spécifiques, la mesure était aussi appliquée au bâti existant et pas seulement aux parcelles non bâties… Ainsi, la vente ou la location de longue durée d’une maison construite dans une zone de ce type tombait sous l’application de la mesure

« wonen in eigen streek » et pouvait donc être « préemptée » par ceux qui pouvaient faire valoir une attache forte et durable à la commune. Ce dysfonctionnement a été corrigé et, désormais, la mesure ne s’applique plus dans ces cas.

Relevons aussi que la mesure ne s’applique pas dans certains cas, notamment là où d’autres mesures du décret s’appliquent déjà, ce qui en limite le champ d’application.

D’un point de vue juridique, il est possible que l’Europe juge que la mesure contrevient au droit de s’établir là où on le souhaite.

D’un point de vue opérationnel, aura-t-elle les effets positifs escomptés ? Ne sera-t-elle pas rendue inopérante ou inutile par l’existence de diverses autres mesures (par exemple les charges sociales décrites ci-dessous) ? Ne servira-t-elle pas d’autres objectifs non déclarés, à savoir exclure (les francophones et allochtones des communes flamandes, en particulier celles en périphérie de Bruxelles) plutôt qu’inclure ?

39 Addendum FR, p. 5.

40 Id, p. 54.

Seule une évaluation (prévue) pourra éventuellement démontrer qu’elle atteint l’objectif annoncé.

Il est probable que ce décret aura des effets collatéraux notamment en territoire wallon suite au report des personnes ne pouvant justifier d’une attache locale sur le reste du territoire et donc le Brabant wallon. Dans cette province, un surcroit de pression foncière risque d’en résulter. Il ne faut toutefois pas surestimer cet effet car ce report peut également s’opérer vers la Région de Bruxelles-Capitale, vers d’autres communes flamandes voire vers l’habitat existant et les parcelles à vendre dans les zones d’habitat des 69 communes concernées.

3.6.4 Les charges sociales désormais imposées aux promoteurs immobiliers