II.2 La spectroscopie par diffusion multiple de la lumière (DWS)
II.2.2 Mesure de la déformation
Théorie de la diffusion
Le principe général de la DWS venant d’être exposé, intéressons-nous aux mécanismes
de diffusion qui entrent en jeu. En optique, la diffusion élastique de la lumière par des
particules sphériques est décrite, à partir des équations de Maxwell, par la théorie de Mie.
On peut évoquer le cas limite pour des objets diffusants de petites tailles par rapport à la
longueur d’onde (<
10λ) qui correspond à la diffusion Rayleigh. Dans ce régime de diffusion,
la lumière incidente est diffusée de manière isotrope avec une efficacité différente selon la
longueur d’onde (Figure II.9(a)). Le chemin optique suivi par la lumière dans un tel
milieu est parfaitement décrit par une marche aléatoire. C’est ce phénomène qui explique
la couleur bleu du ciel. Les objets diffusants étant les molécules de gaz qui composent
l’atmosphère, leurs tailles sont bien inférieures aux longueurs d’ondes du domaine visible.
Les molécules diffusent donc la lumière venant du soleil dans toutes les directions avec
une efficacité plus grande pour le bleu que le rouge. C’est pour cette raison que le ciel
nous paraît bleu la journée. À l’aube ou au crépuscule, la lumière traverse une plus grande
épaisseur d’atmosphère. Le bleu étant toujours mieux diffusé que le rouge, nous ne voyons
quasiment plus de bleu lors d’une observation directe du soleil.
II.2. LA SPECTROSCOPIE PAR DIFFUSION MULTIPLE DE LA LUMIÈRE (DWS) 33
Rayleigh. Désormais la lumière subit une diffusion à petits angles. Dans ce cas la
direc-tion de propagadirec-tion de la lumière diffusée reste proche de celle de la lumière incidente
(Figure II.9(c)). Pour ce régime de diffusion, on peut définir une longueur de transport
l
∗(transport mean free path) correspondant à la distance que la lumière doit parcourir
pour perdre la mémoire de sa direction de propagation initiale (Figure II.9(d)). Dans
le régime de diffusion Rayleigh où la diffusion se fait de manière isotrope, la longueur de
transportl
∗correspond à la distancel entre les diffuseurs (FigureII.9(b)). La valeur de
la longueur de transport est une fonction de la nature et de la taille des diffuseurs ainsi
que de la longueur d’onde de la lumière incidente. Les longueursl etl
∗sont reliées par la
relation suivante :
l
∗= l
1− hcos(θ)i (II.3)
oùθest l’angle de diffusion entre la lumière incidente et la lumière diffusée eth·ireprésente
la moyenne sur tous les angles de diffusion par évènements le long d’un chemin optique.
On retrouve le fait quel
∗≥l et que dans le cas de la diffusion Rayleigh, l’isotropie donne
hcos(θ)i= 0 etl
∗=l.
Nos échantillons de matériau granulaire sont des billes de verre d’un diamètre moyen
de90µmet éclairées par une lumière laser dans le visible (λ= 532 nm). Nos expériences
se placent donc dans le second régime de diffusion décrit. La configuration expérimentale
permet d’étudier la figure de speckle produite par la lumière rétrodiffusée. Dans cette
configuration, la lumière émergente a suivi une multitude de chemins optiques différents
à l’intérieur du matériau mais dont la distribution des longueurs est piquée sur la valeur
d’environ 2l
∗[PWZH90]. Cela permet de résoudre spatialement la technique de
visua-lisation. En effet, la figure de speckle obtenue en rétrodiffusion correspond à la figure
d’interférences de rayons lumineux ayant majoritairement sondés un volume de matériau
de l’ordre de(l
∗)
3.
Lien avec la déformation locale
Nous savons qu’une modification des chemins optiques suivis par la lumière dans le
matériau granulaire conduit à une modification de l’état d’interférence du speckle. En
se plaçant dans la configuration de diffusion multiple de la lumière en rétrodiffusion, les
modifications de chemins optiques seront dus à des réarrangements des diffuseurs dans
un volume de l’ordre de (l
∗)
3. En faisant l’hypothèse que la décorrélation du speckle
est uniquement la somme d’un déplacement affine lié au champ de déformation et d’un
mouvement aléatoire non-affine des diffuseurs de déplacement quadratique moyen h∆r
2i,
la fonction de corrélations peut s’approximer à une fonction de la déformation locale
[EAC08, AMC17] :
FigureII.9 – [Erp10]. (a) Diffusion Rayleigh : la lumière est diffusée aléatoirement
dans toutes les directions. (b) : Chemin optique suivi par la lumière dans le cas d’une
diffusion Rayleigh : un seul diffuseur suffit pour perdre la mémoire de la direction
incidente (l = l
∗). (c) : Diffusion à petits angles décrite par la théorie de Mie. (d)
Chemin optique suivi par la lumière dans le cas d’une diffusion à petits angles : il
faut plusieurs diffuseurs pour perdre la mémoire de la direction incidente (l < l
∗).
g
I≈exp −2ηkl
∗s
3f(ε) +h∆r
2i
(l
∗)
2!
(II.4)
oùη est un facteur optique déterminé empiriquement et dépend des conditions aux limites
optiques. M.U. Vera et D.J. Durian ont donné une estimation de la valeur de η, selon la
nature du matériau diffusant en fonction de l’indice optique effectif, comprise entre 1.5 et
3.5 [VD96]. k est le nombre d’onde (k=
2πnλ) avec λla longueur d’onde dans le vide et
f(ε)est une fonction des invariants quadratiques du tenseur des déformationsεtelle que :
f(ε) =β−χ
2l
∗Tr
2(ε) + β
l
∗Tr(ε
2) (II.5)
où β et χ sont deux constantes de la dimension d’une longueur. Elles dépendent des
propriétés de propagation de la lumière dans le milieu diffusant et peuvent être calculés
dans le cadre de la diffusion de Mie :β/l
∗= 2/15et χ= 0 [BAM91, BM94].
Résolution en déformation
La fonction de corrélationsg
I(Equation II.2) est une fonction normalisée. Ses valeurs
sont donc comprises entre 0 et 1. Une valeur de g
Iproche de 1 correspond à une bonne
corrélation entre les deux figures d’interférences considérées (I
1≈ I
2). Dans ce cas, la
II.2. LA SPECTROSCOPIE PAR DIFFUSION MULTIPLE DE LA LUMIÈRE (DWS) 35
déformation entre les états 1 et 2 est faible. À l’inverse, une valeur de g
Iproche de 0
correspond à une forte décorrélation et à une déformation importante entre les états 1
et 2. En faisant les hypothèses d’une transformation isovolume Tr(ε) = 0
et d’une
contribution non-affine dans la décorrélation négligeable devant le déplacement affine local,
les équations II.4 et II.5 se simplifient de la manière suivante en prenantβ =
215l∗:
g
I≈exp−2ηkl
∗p3f(ε) (II.6)
f(ε) = 2
15Tr(ε
2
) (II.7)
On peut alors déterminer l’ordre de grandeur des déformations observées selon la valeur
de la fonctiong
I:
f(ε)≈ − ln(g
I)
2ηkl
∗√
3 (II.8)
En prenant des valeurs expérimentales typiques pour un milieu granulaire η≈2,
k = n
2λπ=
5322·
π10−9rad·m
−1, n ≈ 1.3 l’indice optique et l
∗= 240µm, on obtient des
valeurs de déformation inférieures à 10
−6et supérieures à 10
−4pour des valeurs de g
Irespectivement comprises entre 0.99 et 0.01.
Dans le document
Étude expérimentale du lien entre réarrangements locaux et friction interne dans un matériau amorphe modèle
(Page 45-48)