IV.3 Interprétations physiques
V.1.1 Approche cinématique macroscopique
L’orientation des bandes de cisaillement a été déterminée dans le chapitre
précé-dent (θ
lente=θ
MC= 63
◦). Connaissant la déformation imposée en haut de l’échantillon
et l’angle que font les bandes de cisaillement avec l’horizontale, on est capable de
déter-miner le déplacement relatif d’un bloc par rapport à l’autre.
(a) (b)
Figure V.1 – (a) Carte de corrélations après la rupture (ε= 8.8%) pour un
incré-ment de déformation δε= 5.3·10
−7. (b) Carte du champ de déplacement
corres-pondant.
Développement du formalisme
On définit trois vitesses : −→v
i
la vitesse imposée en haut de l’échantillon,−→v
l
la vitesse
d’un bloc latéral et−→v
b
la vitesse du bloc du bas (voirFigure V.2). On fait également les
hypothèses suivantes :
— les deux bandes de cisaillements sont de même intensité ;
— la vitesse du bloc du bas est nulle : −→v
b
=−→0 ;
— sur les bandes, la vitesse est uniquement longitudinale : −→n .(−→v
i
− −→v
l) = 0et−→
n
0.(−→v
l−
−
→v
b
) = 0 où−→n et−→n
0sont deux vecteurs unitaires normaux aux bandes ;
— les bandes sont des bandes de cisaillement pur, sans compaction.
Dans le repère(Oxy) indiqué enFigure V.2, on pose :
−
→v
i= 0
v
i!
;−→v
l= x
ly
l!
;−→n = −sin(θ)
−cos(θ)
!
;−→n
0= sin(θ)
−cos(θ)
!
(V.1)
La troisième hypothèse conduit aux relations suivantes :
−
→n .(−→v
i
− −→v
l) = 0⇔x
lsin(θ)−(v
i−y
l) cos(θ) = 0 (V.2)
−
V.1. CINÉMATIQUE DE DÉFORMATION 91
θ
~
v
i~
v
l•
~
v
b~
e
y~
e
x~
n
~
n
0D
G
H
B
Figure V.2 – Schéma représentant les différentes notations retenues pour l’étude
cinématique.−→v
i
,−→v
l
et−→v
b
sont respectivement les vitesses imposée en haut de
l’échan-tillon, du bloc latéral et du bloc du bas. −→n et −→n
0sont deux vecteurs unitaires
nor-maux aux bandes de cisaillement. ,H ,B ,D G indiquent respectivement les
blocs du haut, du bas, de droite et de gauche.
On en déduit ainsi les composantes du vecteur vitesse−→v
l:
x
ly
l!
=
vi 2 tan(θ) vi 2!
(V.4)
Le déplacement relatif attendu d’un bloc par rapport au blocD durant unH
temps∆t est alors :
||−→v
i− −→v
l|| ×∆t= v
i2
s
1
tan
2(θ) + 1×∆t∼25nm (V.5)
pour un angleθ = 63
◦et une vitesse imposée0.9µm·s
−1avec∆t =
120
s(δε= 5.3·10
−7).
Vérification à l’aide du suivi de speckle
La vérification de l’ordre de grandeur du déplacement relatif entre deux blocs
exprimé à l’Équation(V.5) consiste à mesurer directement la translation du speckle
au voisinage de la bande. Pour cela, les figures de speckle sont découpées en fines
tranches parallèles à la bande de cisaillement. La Figure V.3 illustre la manière
représentées sur une carte de corrélation et non directement sur une image de speckle.
La largeur et le nombre de ces tranches ne sont pas non plus respectés pour une
meilleure visualisation.
O
x
y
FigureV.3 – Représentation du découpage en fines tranches parallèles à la bande de
cisaillement. Pour une meilleur visualisation, la largeur et le nombre de ces tranches
ne sont pas respectés et sont indiquées sur une carte de corrélation au lieu d’une
image de speckle.
En pratique, les tranches sont parallèles à la bande de cisaillement et d’une
lar-geur de seize pixels sur l’image de speckle ce qui correspond à la taille d’un métapixel
sur les cartes de corrélations comme celle de la Figure V.3. De plus, la tranche du
milieu est centrée sur la bande de cisaillement. La technique pour mesurer le
dépla-cement des figures de speckle est celle présentée au paragraphe II.4.2. Pour chaque
tranche, les déplacements relatif entre deux images de speckle ∆x et ∆y
respecti-vement selon les axes (Ox) et (Oy) sont moyennés sur six mille couples d’images
(I
1, I
2). Ces déplacements sont mesurés pour des écarts en temps entre les figures
de speckle∆t = 0.25,0.50,0.75 et 1.00 s. Ces écarts entre les images sont issus d’un
compromis entre un déplacement suffisamment grand pour être mesuré et pas non
plus trop grand au risque d’utiliser des couples images de speckle complètement
décorrélées (voir paragraphe II.4.2).
La Figure V.4 représente le champ de déplacement mesuré pour chacune des
tranches. Les longueurs des flèches sont représentées avec une échelle arbitraire pour
permettre une bonne visualisation. La tranche centrée sur la bande de cisaillement
V.1. CINÉMATIQUE DE DÉFORMATION 93
Figure V.4 – Champ de déplacement obtenu par la méthode de suivi du speckle
effectuée sur des tranches le long de la bande de cisaillement. Le centre de la bande
est repéré en rouge. Les flèches sont représentées avec une échelle arbitraire.
est discriminée par une zone aux contours rouges. On observe une transition du
champ de vecteurs au niveau de la bande de cisaillement. Comme on cherche à
déterminer le déplacement relatif d’un bloc par rapport à l’autre, on définit une
nouvelle base de coordonnées cartésiennes alignée sur la bande(−e→
x0
,−e→
y0
)et
représen-tée en Figure V.5. La vitesse exprimée dans cette base aura une composante dite
tangentielle et une autre dite normale.
~
ex
~
ey
~
ex
0~
ey
0θ
Figure V.5 – Schéma représentant la nouvelle base (−e→
x0
,−e→
y0
) dans le repère de la
bande.
La méthode de suivi du speckle permet d’avoir accès aux vecteurs vitesse dont
les composantes sont exprimées dans la base(−→e
x
,−→e
y
). La projection dans la nouvelle
base est :
V
t=−→v .−e→
x0
=V
xcos(θ) +V
ysin(θ) (V.6)
V
n=−→v .−e→
y0
=−V
xsin(θ) +V
ycos(θ) (V.7)
Figure V.6 – Vitesses tangentielle V
tet normale V
nobtenues à partir des
Équa-tionsV.6 et V.7. d correspond au diamètre moyen des billes. La position y
0/d= 0
correspond à la tranche n
◦0, c’est-à-dire la tranche centrée sur la bande de
cisaille-ment.
Les vitesses V
tet V
nsont tracées en Figure V.6. L’abscisse y˜ = y
0/d = 0
correspond à la position de la bande de cisaillement. On observe que de part et
d’autre de la bande et suffisamment loin, la vitesse normale est constante. Ceci
est en accord avec l’hypothèse qu’il n’y a pas de compaction dans la bande. En
revanche, la valeur de la vitesse normale est différente proche du centre de la bande.
Une première explication peut venir de la difficulté à déterminer le déplacement au
milieu de la bande du fait de la décorrélation importante de la figure de speckle. Sur
laFigure V.7 sont tracées les valeurs du déplacement moyen ∆xselon (Ox
0) pour
la tranche centrée sur la bande de cisaillement. On constate que l’incertitude est du
V.1. CINÉMATIQUE DE DÉFORMATION 95
même ordre de grandeur que les valeurs de déplacement trouvées. Cette imprécision
très près du centre de la bande n’a cependant pas d’effet sur la détermination du
déplacement relatif d’un bloc par rapport à l’autre. Une seconde explication possible,
mais peu probable, est l’existence d’un effet 3D de flux orthogonalement à la face
d’observation au niveau de la bande.
Figure V.7 – Déplacement moyen mesuré suivantx pour la tranche centrée sur la
bande.
À partir des vitesses tangentielles, on peut définir la vitesse tangentielle relative
le long de la bande de la manière suivante :
∆V
t(˜y) = V
t(˜y)−V
t(˜y =−∞) (V.8)
La vitesse tangentielle relative∆V
t(˜y)est représentée enFigureV.8. La vitesse
relative d’un bloc par rapport à un autre sera alors ∆V
t(˜y= +∞). Cette valeur de
vitesse ainsi que la largeur de la bande de cisaillementL
b= 2ξ sont déterminées en
ajustant∆V
t(˜y)par la fonction suivante :
f
1(˜y) = ∆V
t(˜y = +∞)
2 ×
1 + tanh
˜
y
ξ
(V.9)
On obtient ainsi ∆V
t(˜y = +∞) = 0.45µm·s
−1et ξ = 4.7d. Pour un écart de
temps∆t =
201s(δε= 5.3·10
−7), on obtient un déplacement relatifU
x0(y
0= +∞) = 23 nm
très proche de la valeur attendue de 25 nm (voir Équation V.5). La largeur de
Cette valeur est en accord avec la littérature qui observe des largeurs de bande de
∼10−20d[Rec06, VS95].
FigureV.8 – Vitesse relative entre deux blocs.dcorrespond au diamètre moyen des
billes. La positiony
0/d= 0correspond à la tranche n
◦0, c’est-à-dire la tranche centrée
sur la bande de cisaillement. La courbe en orange est la représentation graphique de
l’ajustementf(˜y)(ÉquationV.9) avec∆V
t(˜y = +∞) = 0.45µm·s
−1etξ= 4.7d.
Dans le document
Étude expérimentale du lien entre réarrangements locaux et friction interne dans un matériau amorphe modèle
(Page 102-109)