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Pour réaliser un test du principe d’équivalence, il est nécessaire d’accéder à l’accé-lération différentielle δg entre les deux atomes. Dans ce chapitre, je présente comment extraire δg à partir du déphasage et des mesures données par chacun des interféro-mètres Rubidium et Potassium.

J’explique également comment estimer ce déphasage en présence de bruits d’ac-célération, type de bruit que l’on retrouve dans l’avion.

5.2 Mesure de l’accélération différentielle 123

5.2.1

Déphasage différentiel

Afin de connaître l’accélération différentielle entre les deux nuages atomiques et ainsi effectuer un test du principe d’équivalence faible, les deux interféromètres Rb et K doivent fonctionner en parallèle et simultanément. En sortie de chacun des interféromètres, nous mesurons le rapport de la population d’atomes en|F = 2isur le nombre total d’atomes (situé dans les états |F = 1i et |F = 2i), donné par (Eq. 1.19) :

PRb= P0Rb+ARbcos(ΦRb),

PK= P0K+AKcos(ΦK). (5.2)

Avec Pi

0, Ai et Φi, l’offset, l’amplitude et la phase des franges des interféromètres Rubidium et Potassium. La phase inertielle Φi est directement reliée aux accéléra-tions du nuage atomique ai

m par rapport au miroir de rétro-réflexion Raman. Nous supposons ici que le terme de phase est uniquement d’origine inertielle et que les déphasages associés à l’état d’énergie interne des atomes (déplacements lumineux, champ magnétique, bruit sur la différence de phase des lasers, etc.) sont compensés ou négligés. Dans le cas contraire, un terme de phase s’ajoute pour chacun de ces effets.

Le déphasage atomique différentiel ∆Φ peut donc s’exprimer ainsi :

∆ΦrRb−ΦK =kRb e f f Z +∞ −∞ aRb m (t)fRb(t)dt−kK e f f Z +∞ −∞ aK m(t)fK(t)dt, (5.3) avec fi(t)la fonction de réponse de l’interféromètre.

Le déphasage ∆Φr est exprimé dans le référentiel de l’expérience (par rapport au miroir), or le paramètre d’Eötvös permettant de tester le principe d’équivalence, fait intervenir l’accélération des nuages d’atomes dans le référentiel terrestre. En notant, gRb, gK et gm l’accélération respective des nuages de Rubidium, de Potassium, et du miroir de rétro-réflexion dans le référentiel terrestre, on peut exprimer ai

m pour

chacun des atomes tel que :

arb

m =gRb−gm,

aKm =gK−gm. (5.4)

où :

gm = g0(t) +˜a(t), (5.5)

avec g0(t), l’accélération de pesanteur subit par le miroir et ˜a(t)l’ensemble des accé-lérations de l’avion, comprenant les forces agissant sur la carlingue (portance, traînée, poussée des moteurs,...) ainsi que les vibrations de l’appareil engendrées par les mo-teurs par exemple.

∆Φ =ΦRb−ΦK = (SRbgRb− SKgK) −g0(SRb−SK) −δ ˜φM, (5.6) avec SRb et SK, les facteurs d’échelles des deux interféromètres Rubidium et Potas-sium (S = ki

e f fT2

i). Le terme δ ˜φM représente la contribution des vibrations et bruits d’accélération du miroir, et est donnée par :

δ ˜φM =

Z +∞

−∞ ˜a(t)(kRbe f ffrb(t) −kKe f ffK(t))dt (5.7) Afin d’avoir une lecture immédiate de δg= gRb−gK, terme traduisant une éven-tuelle violation du principe d’équivalence, nous ajustons les facteurs d’échelle de chaque interféromètre de façon à les rendre égaux SRb = SK = S. Les vecteurs d’onde effectifs ke f f étant fixés, il faut donc ajuster les temps d’interrogations TRb et TK de façon à satisfaire l’égalité (Fig. 5.2) :

kRbe f fTRb2 = kKe f fTK2. (5.8) On obtient ainsi TRb/TK =qkK e f f/kRb e f f ≈1.0088.

Espace

Temps

-T

Rb

-T

K

0 +T

K

+T

Rb

Figure 5.2 Schéma du double interféromètre simultané Rb/K. La différence du temps d’in-terrogation TRb/TK ≈ 1.0088 fut choisie de façon à ce que les deux interféromètres aient le même facteur d’échelle.

Ainsi, le premier terme de l’équation 5.6 devientS(gRb−gK), correspondant à la mesure du WEP.

On s’aperçoit également que l’égalité des facteurs d’échelle implique l’annulation du seconde terme g0(SRb− SK). Ce qui est particulièrement important puisque dans le cas contraire, on ne pourrait pas différencier une violation du WEP (1er terme), d’une variation de la grandeur inertielle g0dans le temps.

5.2 Mesure de l’accélération différentielle 125

5.2.2

Réjection des vibrations

Le troisième terme de l’équation 5.6, δ ˜φM, est le bruit de phase différentiel dû aux fluctuations d’accélération du miroir. Il fait notamment apparaitre la fonction de réponse de l’interféromètre différentiel fd(t) = (kRb

e f ffrb(t) −kK

e f ffK(t))(Eq. 5.7). Cette dernière ainsi que sa transformée de Fourier sont représentées sur la figure 5.3.

Fo nct io n de po nse n or m ali sée Temps (s) |Ha )| no rm al isé e ω/2π (Hz) Interféromètre K Interféromètre Rb Interféromètre K-Rb

a)

b)

Figure 5.3 a) Représentation des fonctions de réponse, dans le domaine temporel, des accélé-romètres Potassium (en rouge), Rubidium (en bleu) et de l’accéléromètre différentiel (en vert). Elles sont normalisées par la valeur maximale de kKfK(t). Le rapport TRb/TK

a ici été accentué, de façon à bien marquer la différence entre les deux fonctions de réponses K et Rb et ainsi faire ressortir la fonction de réponse différentielle, tout en respectant la conditionSRb= SK est respectée. b) Réponse en fréquentielle de l’accélé-romètre Potassium (en pointillé rouge) et de l’accélél’accélé-romètre différentiel (en vert) pour T = 1 s, avec dans ce cas TRb/TK =1.0088.

On observe que l’accéléromètre différentiel opère une réjection des vibrations à basse fréquence. En effet, les fluctuations d’accélération inférieures 1/T se moyennent sur la durée de l’interféromètre (grâce à l’égalisation des facteurs d’échelles). Ce-pendant l’interféromètre différentiel reste tout de même sensible aux fréquences de vibrations rapides devant 1/T et lentes devant 1/(TRb−TK), auxquelles

l’interfé-RbK

simple.

Dans le cas où on souhaite conserver TRb = TK, l’interféromètre reste alors sen-sible à basse fréquence.

5.2.3

Estimation du déphasage différentiel

Avec l’égalité des facteurs d’échelles, on peut écrire l’équation 5.6 sous la forme ∆Φ= Sδgδ ˜φM. L’objectif consiste alors à extraire la contribution du bruit δ ˜φM, afin de mesurer le terme de phase δφ = Sδg, nous révélant directement une éventuelle violation du principe d’équivalence.

L’équation 5.2 peut être reformulée de façon à faire apparaître une phase com-mune, ΦK dans notre exemple, et le déphasage δφ entaché du bruit de phase δ ˜φM :

PRb= P0Rb+ARbcos(ΦK+δφ+δ ˜φM),

PK= P0K+AKcos(ΦK). (5.9)

La méthode de détermination du déphasage différentiel la plus simple est appelée la méthode des ellipses [Fitzgibbon 99, Foster 02].

Elle consiste à ajuster les données de probabilités de transition (PRb, PK)=(x, y), tirées de l’équation 5.9) par une ellipse d’équation :

Ax2+ Bxy+ Cy2 =1. (5.10)

Cette ellipse est centrée en (PRb 0 , PK

0) et sa forme dépend des paramètres de ARb, AK et δφ. Le bruit δ ˜φM joue quant à lui, sur l’élargissement de l’ellipse.

La régression elliptique des données nous permet de calculer le déphasage diffé-rentiel δφ, donné par :

δφ=cos−1 −B 2√

AC 

. (5.11)

Dans le cas d’un déphasage nul, l’ellipticité est nulle également et on obtient simplement un segment. L’apparition d’un déphasage constant va ouvrir l’ellipse, avec une ellipticité maximale pour δφ=π/2[π].

Si cette méthode est très pratique et relativement simple à mettre en place, elle présente certaines limites.

La présence d’un bruit de phase tel que δ ˜φM, responsable de l’élargissement de l’ellipse, va entrainer un biais sur la mesure du déphasage différentiel δφ. La figure 5.4 présente des simulations numériques pour différents déphasages δφ =

5.2 Mesure de l’accélération différentielle 127

π/2, π/4etπ/8 en présence d’un bruit de phase δ ˜φM =0.2 rad, avec un l’ajustement elliptique des données pour chacun des cas.

(rad) (rad) a) b) c) ~2.10-4 a) ~1.10-1 b) ~2.10-1 c)

Biais de la méthode

en fonction du déphasage

Figure 5.4 Simulation numérique représentant la distribution des points (en bleu clair) de mesures dans le plan (nK, nrb) et l’ajustement par une ellipse (courbe rouge). 250 points de mesures sont utilisés avec des valeurs d’amplitudes AK = 0.3 et ARb = 0.5. L’amplitude σPhi du bruit gaussien δ ˜φM a été fixé à 0.2 radian, et la valeur du déphasage différentiel δΦ modifiée pour des valeurs de π/2 (a), π/4 (b), π/8 (c). La chute de sensibilité introduit un biais de mesure.

On remarque sur cette figure (Fig. 5.4), que le biais de mesure sur le déphasage

δφaugmente lorsque l’ellipse se referme. La sensibilité de l’ajustement, et donc sur la mesure de δφ, est maximale pour δφ = π/2, c’est à dire lorsque les deux inter-féromètres fonctionnent en quadrature. Si ils sont parfaitement en phase, l’ellipse se rapproche d’une droite et la sensibilité tend vers 0, augmentant le biais de mesure.

Ainsi, à l’instar d’un gravimètre atomique où on se place à flanc de franges pour avoir une sensibilité maximale, il est nécessaire d’introduire un saut de phase δφ0sur

On aperçoit ici les limites de cette technique d’ajustement par les ellipses qui conduit à une estimation biaisée du déphasage différentiel en présence d’un bruit de phase δ ˜φM important [Stockton 07]. De plus, il est difficile dans notre cas de faire fonctionner les interféromètres en quadrature lors des phases de micro-pesanteur. En effet nous avons montré, au premier chapitre (Section 1.4.2), que la configuration de double interféromètre en simple diffraction, ne nous permet pas, par un saut de phase δφ0 de placer les deux interféromètres en quadrature.

D’autres méthodes furent étudiées, notamment l’inférence bayésienne, qui fut par exemple implémentée sur un gradiomètre atomique pour estimer le déphasage dif-férentiel [Stockton 07].

Son principe général consiste à estimer le déphasage δφ après N points de mesure, en le décrivant par une certaine densité de probabilité P(δφ), d’écart type σδφ, nous renseignant sur l’incertitude de mesure. Concrètement, la distribution de probabilité Pi(δφ) est mis à jour à chaque cycle, en calculant la probabilité conditionnelle de la valeur de δφ à partir du nouveau point de mesure ni et de la distribution de probabilité Pi1(δφ) estimée au point précédent. Chaque nouveau point de mesure permet donc, de manière récursive, de recalculer et d’affiner la densité de probabilité de la valeur δφ recherchée.

Contrairement à la méthode des ellipses, la méthode bayésienne est sans biais (quelque soit la valeur du déphasage) et permet d’atteindre une meilleure incertitude statistique. Un comparatif détaillé de l’estimation du déphasage différentiel δφ par l’estimation bayésienne avec l’ajustement elliptique fut effectué dans [Stockton 07].

Si elle permet d’accéder à une estimation non biaisé du déphasage même en mi-lieu bruité tel que l’avion, cette méthode nécessite tout de même une grande capacité de calcul et une bonne modélisation des différentes sources de bruit [Varoquaux 08]. Pour conclure, l’ajustement elliptique constitue une bonne approche dans un pre-mier temps car facile et très rapide à mettre en œuvre, et pouvant être réalisé en temps réel. La méthode bayésienne, quant à elle, ne pourra être effectué qu’en post-traitement, mais permettra d’accéder à une estimation plus précise du déphasage, et avec une meilleure incertitude.

5.3 Impact du gradient de gravité et des rotations sur le déphasage