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Le droit de propriété est garanti par la constitution en Suisse et représente un élément souvent conflictuel dans l’aménagement du territoire entre les propriétaires fonciers et les acteurs politico administratifs. Si la commune ne possède pas le terrain et qu’un projet privé est conforme en termes d’aménagement du territoire en respectant les affectations (zonage), la commune ne pourra pas s’y opposer parce qu’elle ne dispose d’aucune base légale. En effet, l’expropriation44 des terrains doit se baser sur un intérêt public démontré, ce qui n’est pas le cas pour une revalorisation des sites de gare par une utilisation plus marquée des transports publics. Il existe donc souvent un conflit d’intérêts entre les propriétaires fonciers et les acteurs politico-administratifs qui a débouché ces dernières décennies sur un

43 In Neuchâtel 2007 : Plan directeur cantonal. 1ère phase de révision, décembre.

44 L’expropriation formelle (transfert forcé de tout ou partie du droit de propriété pour cause d’utilité publique de l’exproprié à l’expropriant, avec remise d’une indemnité juste versée à l’exproprié) n’existe pas en AT en Suisse.

Par contre, il est possible d’y avoir recours pour les infrastructures de transport (route, rail, etc.) dans les cas où aucune autre alternative n’est envisageable (RUEGG 2005).

L’expropriation matérielle se distingue de la précédente par le niveau d’atteinte. Le Tribunal fédéral la définit ainsi : Il y a expropriation matérielle lorsque l’usage actuel d’une chose ou son usage futur prévisible est empêché ou limité de façon particulièrement grave, de telle sorte que son propriétaire se trouve privé d’une faculté

essentielle découlant du droit de propriété [ATF 114 Ib 112].

développement continu de la jurisprudence fédérale en matière d’expropriation matérielle, de manière à restreindre drastiquement l’obligation faite aux autorités publiques d’indemniser les propriétaires fonciers en cas d’atteinte portée à leur droit de propriété et qui tiennent à combattre tout projet risquant de modifier l’attractivité (bruit, pollution, exposition, etc.) et la valeur foncière de leur bien. Cependant, en dernier recours, un consensus doit être obtenu, ce qui à tendance à augmenter la spéculation foncière (RUEGG 2000).

« Les pouvoirs publics, en coordination entre canton et communes, doivent se mettre d’accord sur le développement acceptable et souhaitable pour la région avant de donner l’information sur le tracé définitif parce que dès ce moment-là, vous entrez dans un processus spéculatif où finalement il peut encore y avoir une série d’investisseurs et d’individus qui ont des projets qui ne sont pas forcément souhaités » (Ingénieur civil mandaté pour le TransRUN, 17 février 2009).

Les autorités publiques se basent donc sur un travail de promotion et d’incitation pour faire comprendre le bien-fondé d’une politique d’aménagement des sites de gare. D’une part, les plans d’aménagements locaux (PAL) permettent d’y parvenir par une affectation judicieuse des terrains (choix d’affectation, densité). D’autre part, lorsqu’un secteur de localité, de ville ou d’agglomération est identifié comme lieu stratégique, les autorités locales peuvent procéder à une réflexion globale et complète par une procédure de plan de quartier (plan d’affectation spécial). Cette dernière permet de mettre en place un concept général sur le développement d’un périmètre, qui peut ensuite se réaliser par étape pour aboutir à une qualité urbanistique obligeant les différents partenaires à se concerter et à associer l’Etat dans ces démarches. Enfin, une autre possibilité pourrait être d’intégrer davantage le canton dans une planification par le biais de plans d’affectation cantonaux en coordination avec le plan directeur cantonal (PDC) (RUZICKA-ROSSIER 2007).

En conséquence, la maîtrise du foncier apparaît comme un élément fondamental dans un projet d’infrastructure comme le TransRUN. Les actions sur le territoire mettent toujours en jeu le rapport entre les intérêts publics et privés régis par la loi sur l’aménagement du territoire (LAT), qui laisse une place prépondérante aux propriétaires fonciers. Seulement pour des motifs d’intérêt public, la confédération et les cantons peuvent agir par voie législative (politique foncière) et prévoir l’expropriation et la restriction de propriété. En ce sens, la LAT coordonne les mesures prises par la Confédération, les cantons et les communes dans le but d’une utilisation mesurée du sol, notamment en ce qui concerne la protection du paysage (Figure 8). A ce propos, les zones de vignes proches de certaines gares du littoral neuchâtelois sont protégées par la législation fédérale qui interdit la réaffectation de ces zones.

Signalons également que d’autres bases légales et exigences viennent souvent court-circuiter l’application des lois spécifiques (droits d’opposition ou de recours prévus par la LAT, loi sur la protection de l’environnement, ordonnance sur la protection contre le bruit, etc.). De plus, notamment dans le domaine ferroviaire, certaines exigences nouvelles de rentabilité ou de mise en valeur du patrimoine posent des questions qui doivent encore être résolues (cf. règles de police –heures d’ouverture- auxquelles sont soumis les magasins présents dans les gares ou règles de la police des constructions s’appliquant sur les terrains de gare)45. A ce titre, nous allons aborder dans le chapitre suivant la question du lien entre sites de gares et valeurs foncières.

45 D’après les notes du cours d’aménagement du territoire 2005-2006 donné par le professeur Jean Ruegg.

Figure 8 : Les trois niveaux décisionnels en Suisse concernant l’aménagement du territoire.

Source : Ruzicka-Rossier (2007), p. 38.

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La construction d’une nouvelle infrastructure ferroviaire implique des conséquences en termes de valorisation monétaire des territoires alentours :

« Si vous faites passer une ligne à côté d’un terrain, sa valeur risque plutôt de subir une dépréciation liée aux nuisances engendrées (bruit, pollution, insécurité, exposition avec vue sur les voies, absence de gains d’accessibilité, etc.). Par contre, la construction d’une nouvelle gare est déterminante dans la valorisation foncière qui s’ensuit » (Responsable chez CFF Immobilier, 10 octobre 2008).