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3/ 3 LA MEMOIRE ET LA RESOLUTION DE PROBLEMES

1 “Ganzbestimmtheit der Teile » [MET36]

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I. 3/ 3 LA MEMOIRE ET LA RESOLUTION DE PROBLEMES

3a. La mémoire

La mémoire peut être définie comme la capacité d’un système (humain, animal ou artificiel) de stocker, retenir et ensuite retrouver des informations. D’un point de vue de l’élaboration de l’information, on peut donc identifier trois étapes principales dans les processus concernés par la mémoire : l’encodage (ou enregistrement), qui consiste dans l’élaboration et la combinaison des informations reçues, le stockage (ou dépôt), qui consiste dans la création d’une représentation permanente de l’information enregistrée et la récupération (ou rappel), qui consiste dans le rappel de l’information déposée en réponse à un certain besoin, pour être utilisée dans un processus ou dans une activité. L’ensemble de ces activités, définies globalement sous le vocable « mémoire », peut être séparé en trois sous- systèmes, ou types de mémoire, en relation avec la capacité et avec la durée de rétention de l’information : le registre sensoriel, la mémoire de travail et la mémoire à long terme. Le registre sensoriel peut retenir un grand nombre d’informations pendant un temps extrêmement court (quelque millisecondes) ; la mémoire de travail peut contenir un nombre limité d’informations pendant quelque secondes (on évoquera en détail ce type de mémoire dans le chapitre suivant) ; la mémoire à long terme peut contenir un nombre très haut d’informations pendant un temps très long : elle ne connait pas en pratique de limites de capacité ou de durée de mémorisation. La mémoire à long terme est celle qui s’approche le plus de notre conception intuitive de la mémoire.

La mémoire à long terme contient donc un très grand nombre d’informations, qui sont déposées sous la forme de représentations mentales de genres différents. Plusieurs distinctions ont été établies pour ce qui concerne la mémoire à long terme, comme celles entre la mémoire épisodique et la

mémoire sémantique ou encore entre la mémoire implicite, ou procédurale

(qui permet l’acquisition et l’utilisation de compétences), et la mémoire

explicite, ou déclarative (qui est responsable de la mémorisation de données

et informations et qui requiert une récupération consciente).

Les représentations mentales

Les informations reçues par le système sensoriel sont élaborées et retenues par la mémoire sous la forme de représentations ou images mentales : les représentations mentales peuvent donc être définies comme les données de

la mémoire. L’apprentissage

Dans le cadre des sciences cognitives, l’apprentissage est l’une des fonctions mentales le plus importantes des systèmes cognitifs (ceux des humains, des animaux ou des systèmes artificiels) ; l’opération d’apprentissage est nécessaire à élaborer les données pour la mémoire, c'est-à-dire les représentations mentales. On peut définir l’apprentissage comme un processus d’acquisition de différents types de savoir, construit en partant des données perceptives et ayant pour finalité l’augmentation de l’expertise d’un individu ou d’un groupe. L’expertise, qui est forcement le résultat d’un processus d’apprentissage, a une fonction déterminante sur la structuration de l’organisation perceptive ainsi que sur les stratégies de résolution de problème.

Par exemple, un processus d’apprentissage importante est celui de la reconnaissance des objets : des expériences ont été conduites afin de comprendre quels mécanismes structurent la reconnaissance d’un objet, par exemple après que celui-ci ait subi une rotation, ou par rapport à des différents angles visuels, ou encore, après qu’il ait subi des déformations. La reconnaissance des objets est basée sur la construction d’une

représentation mentale qui puisse être aisément retrouvée, c’est à dire qu’il ne nécessite un analyse trop complexe ; la compréhension des mécanismes de reconnaissance des objets est importante car elle nous donne des informations sur la façon dont notre système perceptif construit les représentations mentales des objets, archivées dans la mémoire à long terme. Dans notre cas, ce qui nous intéresse (et ce que nous allons chercher d’éclairer avec les expériences) ce sont principalement les aspects géométriques de l’élaboration perceptive à la base de l’apprentissage des formes complexes.

3b. La résolution de problème dans le domaine spatial

Comment on l’a expliqué en détail dans le chapitre I.2, les processus de conception en architecture et en ingénierie peuvent être définis comme une classe particulière de processus de résolution de problème dans le domaine spatial. Ils mettent en jeu des représentations cognitives, des connaissances procédurales (tout ce qui est « savoir faire » ou, en anglais, « know how »), des mécanismes de prise de conscience et aussi des apprentissages dont le concepteur peut ou ne peut pas avoir pris conscience.

Les travaux de recherche en sciences cognitives relatifs aux processus de résolution de problème dans le domaine spatial ont pour but de comprendre comment le système cognitif élabore des représentations procédurales et organisationnelles lorsqu’il est confronté avec un problème qui consiste à aboutir à une certaine structure d’ensemble à partir d’éléments isolés qui doivent être appariés, par actions directes ou dans un plan image sur l’écran d’un ordinateur. Un tel appariement repose sur des règles et procédures qui, en principe, ne sont pas communiqués au sujet et qu’il doit trouver. Une première distinction importante sépare, par exemple, les stratégies visuelles des stratégies verbales : il s’avère que les individus qui ont recours aux stratégies du type géométrique n’ont que rarement recours aux stratégies verbales tandis que les individus qui ont recours à ces dernières semblent les utiliser également de manière préférentielle [MAC78] [KYL84]. Certains auteurs se sont alors posé la question de savoir dans quelle mesure le type de communication (verbal vs non-verbal) d’instructions ou de règles de transformation à respecter peuvent influencer le processus de résolution de problème chez les uns et chez les autres [ROB97]. La résolution de problèmes met donc en jeu des connaissances procédurales que le sujet possède déjà ou qu’il doit acquérir au cours du processus. Ces connaissances peuvent être formalisées en termes d’étapes critiques. Par exemple, dans le cas de la conception architecturale, nous savons (voir le chap. I.2) que le processus de résolution de problème procède à travers un processus séquentiel, dans lequel ils existent des « tournures conceptuelles » qui marquent les étapes fondamentales dans l’évolution vers la solution finale. Dans le domaine des sciences cognitives, ces « tournures conceptuelles » sont définies « étapes critiques ».

Procédures et étapes critiques

Les procédures de résolution de problèmes peuvent donc être analysées en termes d’étapes critiques. Ce sont ces dernières qui permettent de comprendre par quels chemins on doit passer pour arriver d’une idée de départ (du « problème posé ») à la solution finale souhaitée. Une étape critique du processus peut être définie comme une opération transformationnelle, ou une chaîne d’opérations, indispensable(s) à l’évolution du processus de conception dans la bonne direction (c'est-à-dire vers la solution souhaitée). L’identification des étapes critiques d’un processus de résolution de problèmes est nécessaire pour comprendre le processus même et pour pouvoir communiquer sur le processus (avec le concepteur lui-même ou avec d’autres personnes).

Le point focal de tout raisonnement conceptuel en termes de configurations spatiales est la réalisation de la configuration finale (qui corresponde à la résolution du problème spatial posé). Ainsi, les processus de résolution de problèmes dans le domaine spatial mettent en jeu, au niveau des opérations transformationnelles, des boucles perception-action, réels ou imagées, verbalisées ou non selon la stratégie adoptée par l’individu. Fréquemment, les individus réalisent des étapes critiques dans la conception sans en prendre conscience [ROB97], ou sans pouvoir expliciter le raisonnement qui les a amenés à passer par la réalisation de cette étape.

3c. La mémoire de travail

Comme on l’a exposé dans le chapitre précédent, la mémoire humaine est composé de deux parties fondamentales distinctes : la mémoire à long terme, qui a une capacité très large (elle est essentiellement un réservoir, capable de contenir un nombre très important d’informations) et la mémoire de travail, qui, au contraire, a une capacité limité de 7 (+/-2) regroupements (en anglais « chunks ») d’information. A partir de la découverte, faite par A.G. Miller [MIL56] en 1956, de la capacité limité de la mémoire de travail, Newell et Simon [NEW72] ont développé un modèle qui propose que la résolution de problème correspond à un ensemble de processus cognitifs qui se passent essentiellement dans la mémoire de travail. Pour affronter un problème qui se présente dans l’environnement externe à l’organisme, une représentation du problème est construite dans la mémoire de travail. Des connaissances et des procédures pertinentes pour la solution du problème sont cherchées dans la mémoire à long terme et utilisées dans la mémoire de travail. Au delà, et allant plus loin, A. Baddeley a développé cette théorie du rôle de la mémoire de travail dans la résolution de problème pour inclure dans ce processus d’autres types d’activités cognitives parmi lesquelles la formation d’images mentales. Ce modèle propose que, en raison de sa capacité limitée, la plupart des activités cognitives, comme la pensée et la résolution de problème, sont trop complexes pour être élaborées et gardées dans la mémoire de travail. Tout le matériel qui est traité dans la mémoire de travail va en fait disparaître très rapidement. Ce modèle propose donc que toutes les activités cognitives complexes requièrent une élaboration séquentielle, dans laquelle les premières étapes doivent être gardées pour être utilisées dans les étapes suivantes. En plus, les connaissances et les procédures retirées de la mémoire à long terme doivent être gardées d’une façon qui les rende facilement accessibles pour les processus en cours, ce qui est nécessaire car la recherche de matériel dans la mémoire à long terme est un processus relativement lent. Pour tenir compte de ces questions, le modèle de Baddeley propose donc que les activités cognitives directement concernées par la pensée et la résolution de problème se passent dans ce qu’il appelle l’administrateur centralet les résultats partiels, ainsi que le matériel nécessaire issu de la mémoire à long terme, sont gardées à part dans des dépôts temporaires (en anglais appelles « stores » ou « caches »). En tout cas, en raison de la décadence rapide des informations dans la mémoire de travail, il faut que ce qui est temporairement stocké dans ces dépôts soit constamment « rafraîchi » pour être retenu. Ces recherches ont pu démontrer la complexité de l’articulation de cette forme de mémoire et, pour cette raison, elles ont conduit à la définition de mémoire de

travail à la place de la précédente définition de mémoire à court terme.

Les premières études sur la mémoire de travail ont été conduites sur l’audition, pour laquelle a été proposée l’existence d’un système de stockage temporaire, définit comme une boucle phonologique (en anglais buffer ou

loop), dans lequel sont déposés par exemple, les mots nécessaires pour la

construction d’un discours, qui sont retirés de la mémoire à long terme et utilisés au fur et à mesure par l’administrateur central. De la même façon, dans le cas de la vision il y a un système de stockage temporaire des informations, le calepin visuo-spatial. Pour être plus précis, on sait en fait

qu’il y a deux systèmes de ce genre relatifs à la vision : l’un (celui qui nous intéressera le plus) c’est un système spatial dans lequel l’information spatiale est stockée et traitée à travers des « mouvements intérieurs » : comment par exemple imaginer de se déplacer dans un environnement ou de manipuler un objet. La deuxième composante visuelle du calepin visuo-spatial est apparemment liée aux propriétés visuelles non-spatiales, comment par exemple la couleur. On sait que l’information stockée dans le calepin visuo- spatiale est utilisée activement pour la construction des images mentales, qui sont un élément fondamental dans la pensée et dans les processus de résolution de problème. La présence des composants auditifs et visuels dans la mémoire de travail a déjà reçu plusieurs supports expérimentaux ; on suppose donc l’existence d’autres systèmes similaires associés avec les autres sens. Au delà des fonctions très spécifiques de la boucle

phonologique et du calepin visuo-spatial, dans la résolution de problème un

rôle central et unificateur est évidemment assuré par l’administrateur central, qui recherche dans la mémoire à long terme et traite des connaissances et des procédures pertinentes spécifiquement pour la tâche à accomplir, ainsi que des connaissances plus générales relatives à l’organisation, au déroulement temporel et à la planification.

La mémoire de travail et les processus de conception

Le processus de conception est un processus de résolution de problème basé sur une séquence récursive d’activités qui concernent la pensée, l’élaboration et manipulation d’images mentales, le dessin, ses re- interprétations et l’utilisation de plusieurs types de connaissance stockés dans la mémoire à long terme. Comme l’expliquent parfaitement Purcell et Gero dans leur article [PUR98], dans le modèle de la résolution de problème proposée par Newell and Simon (qu’on vient de décrire dans le paragraphe précédent), l’une des questions centrales est la capacité limitée de la mémoire de travail. Quand la complexité et /ou la taille du problème dépasse ces limites, le problème est séparé ou décomposé en sous-problèmes et sa résolution est séquentielle, ce qui signifie que la mémoire de travail procède à travers une élaboration sérielle. En plus, des aides externes à la mémoire, comme du matériel écrit, des dessins ou des diagrammes, sont utilisés. La décomposition, l’élaboration sérielle et l’utilisation d’aides externes à la mémoire sont des modes qui permettent de réduire la charge de la mémoire de travail. Les problèmes de la conception d’artefacts sont des problèmes complexes, en raison du fait que ce genre de conception concerne la manipulation d’information perceptives/spatiales, simultanément avec l’utilisation de connaissances conceptuelles issues d’un nombre considérable de disciplines et de connaissances procédurales spécifiques à la résolution de problèmes spatiales. On peut donc supposer que la mémoire de travail

joue un rôle fondamental dans le déroulement d’un processus de conception spatiale : celui-ci est caractérisé par la décomposition en sous-problèmes, par l’élaboration séquentielle et par l’utilisation d’aides extérieures, ainsi que par la présence d’une planification unitaire et d’organisation globale des objectifs. La compréhension des modes de fonctionnement de la mémoire apparait donc fondamentale dans le but de développer des connaissances utiles à l’amélioration des processus de conception spatiale.

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