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Membranes inorganiques et membranes hybrides

CHAPITRE I. ASPECTS THEORIQUES DES PROCEDES DE PERVAPORATION ET DE PERMEATION DE VAPEURS

I.3. M EMBRANES DE PERVAPORATION

I.3.3. Membranes inorganiques et membranes hybrides

I.3.3.1.Caractéristiques du matériau

Les membranes inorganiques, déjà utilisées dans les domaines de la filtration (ultrafiltration, microfiltration), ont été étudiées plus récemment pour la fabrication de membranes de pervaporation. L’adaptation de ce type de matériau au domaine de la pervaporation a commencé dans les années 1990 pour mettre à profit leur très bonne résistance thermique et mécanique et leur meilleure résistance aux phénomènes de gonflement et aux effets de couplage (cf. partie I.3.2.6).

D’un point de vue industriel, les progrès réalisés durant les années 1980 et 1990, ont permis la mise au point de membranes sans défaut majeur et ont conduit à leur industrialisation à partir de 1995. Les premières membranes inorganiques développées sont de type nanoporeuse et sont constituées de silice amorphe [16]. Une évolution importante de ce type de matériau est apparue au cours des années 2000 avec l’incorporation de fonction organiques pour stabiliser les liaisons siloxanes (Si-O-Si) [59]. On parle alors de membrane hybride (organique/inorganique).

Un autre type de matériau inorganique a aussi été utilisé pour développer de nouvelles membranes : les zéolites [17]. La maîtrise de la mise en forme de ce matériau sous forme de membrane a permis d’utiliser les propriétés intéressantes des zéolites, connus et utilisés auparavant dans des domaines divers : catalyse, adsorbant, tamis moléculaire, …

Les deux classes de matériaux inorganiques seront présentées ci-après. I.3.3.1.a.Membranes zéolites

Les zéolites sont des cristaux d’aluminosilicates constitués de motifs répétés tétraédriques SiO4 et AlO4, connectés par des atomes d’Oxygène voisins. Il existe une grande diversité de zéolites utilisées pour la fabrication de membranes de pervaporation : type A [17], type T [60], type NaY [61],

Chapitre I. Aspects théoriques des procédés de pervaporation et de perméation de vapeurs matériau des propriétés hydrophiles ou hydrophobes ainsi qu’une stabilité aux acides [64]. La particularité de ce type de matériau réside dans la structure du réseau cristallin qui forme des « cages » poreuses permettant la pénétration de certaines molécules [65]. La maîtrise de la fabrication de ces matériaux permet de contrôler la taille de ces pores et donc de sélectionner la molécule cible à extraire du courant d’alimentation du procédé [66] [67]. La couche de zéolite est déposée sur un support microporeux généralement constitué à base d’alumine. Un exemple de structure de cages zéolites est présenté sur la Figure I-19 et une photo réalisée au MEB d’une membrane zéolite sur la Figure I-20. La couche active, épaisse de quelques dizaines de µm est représentée en haut de la photo; le support poreux, constitué d’alumine α, est représenté en bas de la photo.

Figure I-19. Schéma des « cages zéolites » [65] Figure I-20. Coupe transversale d’une membrane zéolite au MEB [64]

I.3.3.1.b.Membranes à base de silice amorphe et membranes hybrides

L’utilisation de silice amorphe pour fabriquer des membranes de pervaporation a été initialement étudiée au Japon [16] et a ensuite été développée par l’institut de recherche ECN (Energy research Centre of the Netherlands) aux Pays-Bas. Les premières études portaient sur la séparation organique/organique et sur la déshydratation de solvants [68], [69]. Les membranes silice amorphe sont préparées par hydrolyse d’alcoxyde de Silicium : Si(OEt)4. Le réseau des membranes de silice est formé par la liaison Si-O-Si et présente éventuellement des groupements fonctionnels qui confèrent à la membrane sa nature hydrophile ou hydrophobe. La structure de ce type de membrane est microporeuse et permet la diffusion des molécules à travers ses pores. Les problèmes de stabilité à l’eau des liaisons siloxanes (Si-O-Si) ont conduit au remplacement des précurseurs initialement constitués de Si(OEt)4 par les molécules de substitution de type BTESE (Bis(TriEthylSyloxyl)Ethane) ou BTESM (Bis(TriEthylSyloxyl)Méthane) qui permettent de remplacer les liaisons SI-O-Si par des liaisons Si-C-C-Si. Ces deux molécules sont présentées sur la Figure I-21.

Figure I-21. Précurseurs des membranes à base de silice produites par ECN / gauche : BTESE et droite : BTESM

Ces membranes sont alors qualifiées de membranes hybrides car elles présentent des liaisons organiques et inorganiques. Cependant, leur mécanisme de séparation et leur structure de la membrane sont similaires aux membranes inorganiques ; elles sont donc comparables à ces dernières et sont donc présentées ensemble.

Le changement de précurseur lors de sa fabrication permet d’augmenter l’hydrophobicité du matériau et donc d’améliorer la tenue dans le temps de celui-ci. ECN a breveté cette membrane, commercialisée sous le nom de HybSi®. La couche active est donc constituée d’un matériau hybride organique/inorganique. Elle est ainsi qualifiée de membrane hybride par ses fabricants. Cependant, cette membrane, issue des recherches sur la silice amorphe, est la seule à être commercialisée et possède toutes les caractéristiques d’une membrane inorganique ; elle sera donc considérée comme telle dans le reste du manuscrit. La structure de la membrane est présentée sur la Figure I-22.

Figure I-22. Image réalisée au MEB de la structure de la membrane HybSi (source : www.hybsi/com2)

I.3.3.2.Mise en forme et module

Dans le cas de membranes inorganiques, la mise en forme est limitée à des membranes tubulaires. Ainsi, contrairement au cas de membranes organiques, il n’existe qu’un seul type de technologie de module pour les membranes inorganiques : le module tubulaire. A l’instar des échangeurs de chaleur tubulaire, les modules membranaires tubulaires sont constitués de différents tubes de même longueur regroupés dans une calandre. Selon l’emplacement de la couche active (intérieur ou extérieur des tubes), le liquide peut circuler à l’intérieur des tubes (cas le plus commun) ou dans la calandre. Le principal avantage provient de la turbulence d’écoulement qui permet de

Chapitre I. Aspects théoriques des procédés de pervaporation et de perméation de vapeurs limiter l’encrassement et la polarisation de la concentration. Le module tubulaire proposé par la société Pervatech est présentée sur la Figure I-23.

Figure I-23. Photo d'un module tubulaire (source: www.Pervatech.com)

I.3.3.3.Les fabricants

Il existe un fabricant de membrane inorganique de type zéolitique : Mitsui. De nombreux centres de recherche et d’universités travaillent sur le développement de ce type de membranes, notamment au Japon : firme Mitsubishi, Université de Waseda, … Les membranes en silice amorphe ont été développées aux Pays-Bas par l’institut de recherche ECN qui a vendu des licences de sa membrane HybSi® à Pervatech (Pays-Bas) et CTI (Céramiques Techniques Industrielles) (France). Il existe d’autres entités de taille plus modeste comme IKTS (Fraunhofer Institute for Ceramic Technologies and Systems) (Allemagne) qui développent de nouvelles membranes pas encore commercialisées.

I.3.3.4.Structure générale des membranes inorganiques

Les membranes inorganiques, qu’elles soient de type zéolite ou silice amorphe, sont multicouches comme le montrent les Figure I-20 et Figure I-22. A l’instar des membranes organiques, la couche active est déposée sur un support microporeux généralement constitué d’alumine. Ce support est habituellement issu de membranes de microfiltration. Cependant, la structure générale des membranes inorganiques est rigide, ce qui limite sa mise en forme uniquement à des formes tubulaires. L’épaisseur de la couche active de ces membranes varie de 1 à 30 µm.

I.3.3.5.Mécanisme de transport

Le mécanisme de transport dans les membranes inorganiques est différent de celui des membranes organiques en raison de la nature poreuse des matériaux inorganiques. Ainsi, il n’y a pas de sorption chimique des constituants à l’interface amont mais plutôt une adsorption physique. Le modèle généralement accepté est nommé « adsorption-diffusion » [70]. Les constituants sont adsorbés à la surface de la membrane et diffusent ensuite à travers les pores de la membrane (cages zéolites pour les membranes zéolites et porosité de la couche active pour les membranes en silice amorphe). La nature hydrophile ou hydrophobe de la surface de la membrane joue un rôle essentiel dans la séparation car elle permet de modifier les affinités entre la membrane et les constituants de la charge à 41

traiter. La séparation est donc basée à la fois sur une différence dans la taille des composés et sur une différence de propriétés chimiques.

I.3.3.6.Les limites du matériau

Les membranes inorganiques ont été développées dans le but de dépasser les problèmes rencontrés avec les matériaux organiques (cf partie I.3.2.6). Ainsi, les problèmes de gonflement et de couplage sont quasiment inexistants avec ce type de technologie du fait de l’absence de phénomènes de sorption et de déformation du réseau structural initial. Cependant, certaines limitations sont spécifiques à l’usage de ce type de matériaux :

- La fabrication délicate des membranes inorganiques - Le nombre limité d’applications

- La relative fragilité des matériaux aux chocs - Le coût de fabrication

I.3.3.6.a.La fabrication délicate des membranes inorganiques

Les membranes inorganiques, notamment à base de zéolites, présentent théoriquement des sélectivités très importantes sur de nombreux systèmes différents. En effet, la très grande variété de structures zéolitiques permet de sélectionner des tailles de cristaux faisant passer un constituant de la charge à traiter et pas un autre. Cependant ce potentiel très intéressant n’est possible que si la fabrication des membranes est maîtrisée en agençant tous les cristaux sur le même axe et en garantissant l’absence de défauts au niveau de la surface. Si des défauts sont présents, le transfert de matière se fait sous forme de convection et n’est donc plus sélectif. L’étape de fabrication est donc une étape très délicate qui détermine fortement les performances de la membrane.

I.3.3.6.b.Nombre limité d’applications

Les matériaux inorganiques utilisés pour la fabrication de membranes de pervaporation sont pour la grande majorité utilisés pour la déshydratation de solvants. Seuls quelques exemples de développements de membranes hydrophobes peuvent être cités, comme l’utilisation de zéolites de type ZSM5 [71] ou la transformation de membranes de base silice en hydrophobe [72]. Il est très difficile de récupérer des composés organiques à l’aide de membranes inorganiques car la taille de la molécule d’eau est très petite et peut facilement diffuser à travers les pores de la membrane.

I.3.3.6.c.Sensibilité à la corrosion

Les matériaux inorganiques initialement développés étaient très sensibles à la corrosion. C’est notamment le cas pour les membranes à base de zéolite A et pour les premières membranes développées par ECN. Cependant, l’utilisation de nouveaux types de zéolites, ainsi que l’utilisation de précurseurs organiques par ECN, ont permis de développer de nouvelles membranes moins sensibles à la corrosion.

Chapitre I. Aspects théoriques des procédés de pervaporation et de perméation de vapeurs I.3.3.6.d.Coût de fabrication

Les difficultés rencontrées lors de la fabrication des membranes inorganiques et notamment l’attention particulière qu’il faut fournir pour éviter les défauts font que leurs coûts de fabrication sont importants, jusqu’à 100 fois supérieur à celui des membranes organiques.