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MECANIQUE DU CONTACT ET FROTTEMENT SOLIDE

Statics and dynamics of adhesion between two soap bubbles

THEME 4 MECANIQUE DU CONTACT ET FROTTEMENT SOLIDE

Résumé : Nous avons développé plusieurs expériences originales permettant de sonder les champs mécaniques à une interface frottante rugueuse. Nous avons montré qu’il était possible d’obtenir les champs de pression et de glissement interfaciaux à partir des images en lumière transmise de la zone de contact. Par ailleurs, nous avons intégré un micro-capteur de type MEMS (développé en collaboration avec le CEA-LETI à Grenoble) dans une membrane élastomère afin de mesurer directement le champ des contraintes immédiatement sous l’interface. Ces mesures ont permis d’identifier et d’interpréter des déviations aux modèles mécaniques classiques décrivant les champs de contraintes à une interface frottante.

Le frottement solide est un mécanisme qui met en jeu un large spectre d’échelles spatiales. Les contraintes macroscopiques sont contrôlées par la géométrie des objets en contact, tandis que les processus dissipatifs sont généralement confinés dans les toutes premières couches moléculaires en contact. Les échelles intermédiaires ne peuvent cependant être ignorées : en effet, la plupart des surfaces usuelles, même les plus finement usinées, présentent une rugosité aléatoire à l’échelle du micron. L’interface entre deux solides au contact n’est donc généralement pas homogène mais formée d’un grand nombre de micro-contacts isolés qui supportent l’ensemble de la charge appliquée entre les deux objets. Dans une approche mécanique de type milieu continu, une telle interface multi-contacts peut être décrite comme une fine couche d’un matériau composite intercalée entre les deux blocs solides. Cette couche possède des caractéristiques mécaniques contrôlées par les propriétés statistiques des micro-aspérités qui la composent, en particulier la distribution des hauteurs de leur sommet. Bien que d’épaisseur très faible (de l’ordre de la hauteur typique des aspérités, i.e. ~µm), son comportement mécanique est central pour la compréhension des contraintes s’établissant dans les deux objets en contact statique ou en frottement.

B ) M E S U R E O P T I Q U E D E S C H A M P S D E C O N T R A I N T E S E T D E D E P L A C E M E N T

Nous avons étudié les propriétés de ces couches en développant des mesures in situ fondées sur une observation optique de l’interface multi-contacts en lumière transmise. L’encart haut de la Figure 7 montre une image typique obtenue entre une lentille de verre sphérique et un bloc élastomère transparent dont la surface au contact est rugueuse. Les aspérités micrométriques diffusent la lumière et induisent sur toute l’image des modulations de l’intensité lumineuse transmise. Lorsque l’on déplace la sphère lisse à la surface du bloc rugueux, les micro-aspérités en contact sont d’abord entrainées par la sphère puis glissent à sa surface sans subir d’altération détectable. Nous les avons utilisées comme marqueurs de position pour mesurer, par vélocimétrie par corrélation d’images (CIV), le champ de déplacement dans le plan de l’interface2. Nous avons ainsi étudié la transition vers le glissement : dans la géométrie utilisée, celle-ci se produit par croissance d’une zone périphérique glissante qui coexiste avec une zone centrale circulaire collée (Figure 7), dont le rayon décroît et s’annule lorsqu’est atteinte la force seuil nécessaire au glissement macroscopique. Ces mesures de haute résolution spatiale, associées à l’utilisation d’un matériau relativement mou, ont également permis de caractériser la déformation élastique de la couche rugueuse avant la mise en glissement associée au fléchissement des aspérités individuelles. Nous avons ainsi pu évaluer un module de cisaillement effectif de cette couche, qui est environ 100 fois plus faible que celui du matériau massif.

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Figure 7: (Figure de gauche) Encart bas : schéma du montage dédié à l’étude optique de l’interface entre un bloc élastomère de PDMS rugueux (6) et une lentille sphérique en verre (7). Le bloc est solidaire d’un support transparent (5) à travers lequel on éclaire le contact (8). Ce support est relié à une platine de translation par deux bilames (1 et 2) permettant de mesurer, à l’aide de capteurs de position (3 et 4), les charges normale P et tangentielle Q appliquées. Une platine, motorisée permet de déplacer à vitesse constante V le bloc. Courbe : Evolution typique de la charge tangentielle lors d’une expérience de mise en charge. Encart haut : Image de l’interface pour P=0.33 N. La ligne pointillée délimite la zone de contact. (Figure de droite) Champ des déplacements dans le plan de l’interface rugueuse, mesuré par corrélation d’images au cours d’une charge quasi-statique (V=4µm/s, charge Q~ 0.204 N correspondant aux 4 cercles rouges sur la courbe de charge). Les déplacements sont représentés par la déformation de lignes initialement rectilignes verticales. Ces mesures mettent en évidence au sein du contact (frontière en pointillés rouge) la coexistence d’une région centrale collée (déplacement nul, représentée par la zone grisée) et d’une région périphérique de micro-glissement. Les déplacements sont multipliés par 30 pour être visibles.

B ) M E S U R E S L O C A L E S D E F O R C E S S O U S U N C O N T A C T S O L I D E

Dans un contact rugueux macroscopique, l’interface apparaît donc comme l’élément le plus déformable, à la fois en compression et en cisaillement. Par rapport à une interface lisse, la rugosité modifie significativement les conditions aux limites mécaniques qui contrôlent la distribution des contraintes dans le volume des solides en regard. Pour mesurer directement ces contraintes, nous avons noyé un micro-capteur de force dans le bloc élastique rugueux. Ce micro-capteur de type MEMS (Micro-Electro Mechanical System) nous a été fourni par le CEA-LETI (Grenoble); il est constitué d’une membrane de silicium circulaire suspendue sur son périmètre et surmontée en son centre d’une tige rigide cylindrique (Figure 8A). Lorsqu’une force est exercée sur la tige, les déformations induites dans la membrane sont mesurées à l’aide de jauges piezo-résistives. Il permet ainsi de mesurer les trois composantes de la force locale dans une région d’extension millimétrique. Nous avons utilisé ce dispositif pour étudier les champs de contraintes à la base d’un film élastomère rugueux en contact statique ou dynamique.

Sous force normale, nous avons observé des écarts significatifs aux profils prédits par la loi d’Amontons Coulomb et calculés numériquement par éléments finis3. Cette loi stipule qu’un glissement irréversible doit se produire dès lors que le rapport entre la contrainte tangentielle et normale excède un coefficient de frottement supposé uniforme. Ces déviations, observées pour des couches rugueuses de très faible épaisseur, est d’autant plus importante que la charge imposée est faible. Ce résultat a pu être interprété en prenant en compte la compliance finie de la couche rugueuse.

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Figure 8 : (A) Schéma du montage permettant la mesure du champ des contraintes à la base d’un film élastomère rugueux d’épaisseur 2mm en régime de glissement stationnaire. Un indenteur cylindrique est déplacé à vitesse constante V et charge normale constante P à la surface du film. Un capteur de force est présent à la base de ce film (encart) : ce dernier consiste en une tige enfichée dans une membrane en silicium. Les contraintes subies par la membrane sont mesurées à l’aide de jauges piezo-résistives et permettent de mesurer les forces appliquées à la tige. (B) Champ des contraintes mesurées en régime de glissement stationnaire (de gauche à droite : contrainte normale, contrainte tangentielle dans la direction du glissement, contrainte tangentielle transverse).

Des mesures effectuées en régime de glissement stationnaire (Figure 8) ont permis de tester, pour la première fois de façon directe, certains modèles classiques décrivant les champs de contraintes et de glissement à une interface frottante4. Ces expériences ont été réalisées en géométrie cylindre/plan afin de permettre notamment une comparaison avec un modèle semi-analytique de frottement bidimensionnel développé par E. Katzav et M. Adda Bedia au laboratoire. Les écarts entre les profils de contraintes prédits par ce modèle et nos observations expérimentales sont limités mais significatifs. Là encore, ces écarts peuvent être attribués à la compliance de la couche rugueuse mais aussi à la dépendance en pression du coefficient de frottement dynamique, deux effets non pris en compte dans le modèle.

Références :

1. Optical measurement of the pressure at a multicontact interface, Julien Scheibert, Alexis Prevost, and Georges Debrégeas (en preparation)

2. Micro-slip field at a rough contact driven towards macroscopic sliding, Julien Scheibert, Georges Debregeas, Alexis Prevost (soumis)

3. Stress Field at a Sliding Frictional Contact: Experiments and Calculations, J. Scheibert, E. Katzav, M. Adda-Bedia, A. Prevost et G. Debrégeas, J. Mech. Phys. Solids, 57, 1921-1933 (2009)

4. Experimental Evidence of Non-Amontons Behaviour at a Multi-contact Interface, J. Scheibert, A. Prevost, J. Frelat, P. Rey and G. Debrégeas, Europhys. Lett. 83, 34003 (2008)

A

August 2008

EPL,83 (2008) 34003 www.epljournal.org

doi: 10.1209/0295-5075/83/34003

Experimental evidence of non-Amontons behaviour

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