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PARTIE 3 RECOMMANDATIONS AU SERVICE ACHAT

A. Matrice de Stacey : définir la complexité

Nous répondrons à la question, « dans quels cas se servir d’une méthode agile ? » en plusieurs étapes. La première étape consiste à identifier la complexité du projet. Ralph Stacey, théoricien britannique de l’organisation, présente la notion de complexité via la matrice qu’il a mise au point : « The Stacey

Matrix ». Via cette matrice, Ralph Stacey, définit la complexité en fonction de deux critères :

 Le niveau d’accord (axe Y) : Est-ce que l’ensemble des parties prenantes sont en accord sur le besoin ? Sur le résultat souhaité ? Plus le degré d’entente est faible, plus la notion de complexité augmente. L’incertitude est également à prendre en compte vis-à-vis du besoin. Suis-je certaine de mon besoin, du résultat que je veux obtenir ? Ce que nous cherchons à déterminer ici c’est le « Quoi ? ». Si notre besoin est flou et peut être amené à changer dans le temps ou évoluer, alors notre niveau d’incertitude sera élevé.

 Le niveau d’incertitude face à la situation (X) : Est-ce que je suis certaine de la technologie ou de l’approche retenue pour arriver à mon résultat, à ce que je souhaite obtenir ? Est-ce que

l’ensemble des parties prenantes au projet sont en accord sur cette approche et sur la technologie retenue ? Ce que nous cherchons à déterminer ici c’est le « Comment ? ». On évalue le degré de certitude sur comment mener/construire le projet. Exemple : le client à une idée de son besoin mais ne sait pas à quoi va ressembler la solution finale.

Figure 822 : Matrice de Stacey

Une fois le niveau certitude identifié pour notre besoin et la technologie utilisée, nous sommes en mesure d’identifier via la matrice (voir représentation ci-dessus) si notre besoin est dit complexe ou non. En effet, Ralph Stacey identifie ensuite 4 états décrits ci-après :

 Simple : Le niveau d’incertitude est quasi nul pour les deux axes. Nous sommes situés en bas à gauche du graphique. Cela signifie que nous savons exactement ce dont nous avons besoin et comment l’obtenir. Il s’agit ici d’achat simple en termes de complexité (et non pas selon la matrice de Kraljic vu précédemment. Nous reviendrons sur le lien entre ces deux matrices dans un troisième temps) ou achat standard, étant facilement identifiable sur le marché.

Il s’agira donc pour l’acheteur d’appliquer le processus d’appel d’offre/projet dit classique qui est très efficace dans le cas où le besoin est connu et stable dans le temps. L’acheteur réalisera son cahier des charges fonctionnel et technique et lancera sa consultation auprès des fournisseurs identifiés dans son panel ou sur le marché. Un travail en étroite collaboration avec les fournisseurs n’est dans ce cas-là pas recherché en priorité et la méthode de travail itératif telle que le veut l’agilité n’est pas pertinente dans ce cas.

22GUIETTE Thiery. Comment définir un projet complexe ? [en ligne]. Disponible sur :

 Compliqué : Il y a davantage d’éléments connus qu’inconnus. Le niveau d’incertitude est faible à moyennement fort pour l’un des deux axes.

Etant donné que les incertitudes sont faibles et que le niveau d’accord entre les parties prenantes relativement élevé, l’objectif pour l’acheteur est d’avancer sur le projet. Les éléments qui restent inconnus pourront être clarifiés par le fournisseur en posant davantage de questions au fournisseur. C’est à l’acheteur de travailler avec les parties prenantes pour faire avancer le projet. C’est également à l’acheteur de faire appliquer son leadership si quelques personnes (et non pas la majorité) ne sont pas en accord ou réfractaires au changement. Il n’y a dans cette catégorie pas d’issue majeure qui pourrait bloquer le projet.

 Complexe : Il y a davantage d’inconnus que d’éléments connus. C’est un besoin nouveau pour lequel nous ne sommes pas certains de ce que nous voulons (nous avons une idée vague ou un enjeu connu mais nous ne savons pas y répondre techniquement). Dans ce cas il est intéressant pour l’acheteur de travailler avec les clients internes et parties prenantes via un développement de projet dit itératif et incrémental. La méthode agile permettra dans ce cas de travailler en collaboration avec le(s) fournisseur(s) et de retravailler petit à petit le cahier des charges avant d’arriver à la solution finale correspondant totalement au besoin du client. Le nombre important d’inconnus ne permet pas à l’acheteur d’avancer efficacement et en satisfaisant pleinement le client interne via un processus achat séquentiel. Le manque d’interaction entre chacune des parties prenantes ne permettant pas de tester les idées ou solutions émanant du fournisseur ou du client interne. Grâce à la mise en place d’une méthode agile, chaque inconnue pourra être testée, adaptée et validée progressivement tout au long du projet.

Dans cet état « complexe », l’achat n’est pas standard et la solution finale nécessite une adaptation, une personnalisation voire un développement propre à l’entreprise.

 Chaotique : très peu d’éléments sont connus aussi bien au niveau du besoin/enjeu qu’au niveau de la technologie/solution. Ce sont des projets qui bien souvent sont remis chaque année sur la table et où il n’y a pas d’avancement car les parties prenantes ne trouvent pas d’accord et ont un degré d’incertitude trop élevé. Dans ce type de projet, Stacey dit que l’acheteur/chef de projet doit savoir faire preuve de leadership et prendre les décisions, trancher entre les parties prenantes et faire accepter la décision si un trop grand nombre ne tombe pas d’accord. L’acheteur devra ici mener une conduite du changement avec les membres réfractaires à la décision.