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b) Détermination des grandeurs physiques à partir des points expérimentaux

2.3.2.1 Matériel utilisé

La plupart des dispositifs de chauffage in-situ pour TEM utilisent des membranes telles celles présen-tées précédemment (§ 2.2.2.2, p. 55) : le chauffage est alors effectué sur la totalité de la membrane, support de Si compris. Le chauffage est donc lent, avec une forte inertie, et une dérive importante lors des observations.

Le LPN s'est récemment équipé d'un système de chauffage in-situ Aduro de la marque Protochips (Fig. 2.3 6 (a)). Ce système consiste principalement en une membrane (opaque) de SiC régulièrement percée, et couverte d'une membrane de SiNx continue (50 nm d'épaisseur) (Fig. 2.3 6 (b)). Des contacts d'or permettent d'imposer un courant dans la fine membrane de SiC, dont la résistance électrique est calibrée et bien supérieure à la résistance équivalente du reste du circuit : il en résulte alors une dissipation thermique confinée dans la membrane. Ce système permet un chauffage quasi exclusif de la membrane, sans chauffage du support de la membrane, c'est-à-dire sans thermalisation. Ce système permet des chauffages et des trempes quasi-instantanés (106 K s–1 dans le catalogue).

La difficulté d'utilisation de ce type de membrane réside dans le fait qu'elles sont « actives », et que dans notre cas, le dépôt de matériaux conducteurs, comme l'Al, peut modifier la résistance globale du système s'il est effectué directement sur les contacts d'or, et ainsi de réduire fortement l'échauffement de la membrane, contrôlé par le courant imposé. Nous avons donc mis au point un protocole de dépôt, utilisant un masque. Ceci a permis de déposer l'empilement Al/a-Si uniquement à l'endroit adéquat (Fig. 2.3 6 (c)), sans court-circuiter les contacts.

Le contrôle du dépôt sur la membrane peut alors s'effectuer très simplement par mesure de la résis-tance électrique entre les bornes des contacts d'or, en utilisant directement l'électronique fournie par Protochips : la valeur mesurée avant dépôt ne doit pas changer.

1 mm aSi SiNx SiC (R ~ 29 kΩ) Al Contacts Au Support Si i Membrane intacte Membrane percée a b c

Figure 2.3 6 (a) Aspect d'une membrane Aduro de Protochips. (b) Coupe montrant la membrane chauffante de SiC, le revêtement de SiNx, les contacts d'Au, et l'empilement Al/a-Si. (c) Méthode de expérimentale pour empêcher tout dépôt de métaux sur les contacts d'Au.

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2.3.2.2

Résultats

L'échantillon est chauffé par des impulsions de 0,5 s. On considère qu'il passe instantanément de la température ambiante à 300 °C, et de même dans le sens inverse.

La température et la durée des impulsions (300 °C pendant 0,5 s) ont été choisies à partir des valeurs déterminées précédemment de taux de nucléation, et de vitesse de croissance radiale : les valeurs choi-sies permettent de mettre en œuvre des expériences suffisamment précises et brèves, limitant ainsi les dérives thermiques.

Au début des expériences, nous observons en continu l'échantillon en TEM-BF, et nous vérifions les clichés de diffraction de différentes zones de sa surface, en nous rappelant que la distance inter-grains est de l'ordre du micromètre. Nous appliquons un premier créneau de température de 300 °C pendant 2 s (nucléation), nous observons alors que certaines zones de l'échantillon diffractent (Fig. 2.3 7 (a)). Ces figures de diffraction correspondent à du Si en axe de zone [111]. À l'aide d'un diaphragme, nous sélectionnons une tache Si {220} de la figure, afin de nous placer en champ sombre. Ce procédé rend également invisible tous les grains d'Al d'orientation aléatoire, car les paramètres de maille de l'Al et du Si sont distincts. Nous pouvons alors voir que les 2 s de chauffage ont suffi à former des grains de Si d'environ 100 nm d'extension latérale : la Fig. 2.3 7 (b) présente une extrémité d'un tel grain, l'origine des temps de la Fig. 2.3 7 est prise à cet instant.

2.3.2 Observation in-situ au TEM de l'homoépitaxie latérale du Si

25 nm 5 nm–1 f a b c e d 300 °C et 0.5 s TT δtδt t = 0 s t = 0,5 s t = 1,5 s t = 1 s t = 2 s t = 0 s t = 0,5 s t = 1,5 s t = 1 s t = 2 s t = 0 s t = 0,5 s t = 1,5 s t = 1 s t = 2 s

Figure 2.3 7 Résultats d'une expérience de recuit in-situ au TEM. (a) Cliché de diffraction électronique d'un grain de Si orienté selon [111]. (b) à (f) Pas successifs de la croissance du cristal (chauffage à 300 °C par pas de 0,5 s).

Nous réalisons donc une série de créneaux de température de recuit à 300 °C, de 0,5 s de durée. Entre chaque créneau, nous attendons que l'échantillon se stabilise, et nous enregistrons une image en champ sombre, prise toujours à la même position, afin d'observer l'évolution du bord du cristal (Fig. 2.3 7 (b)

à (f)).

Lors des courtes phases de chauffage de 0,5 s, nous pouvons observer l'apparition de nouvelles petites zones claires (c'est-à-dire du Si cristallin de même orientation que celle du cristal filtré par le champ sombre) : ces extensions du cristal apparaissent successivement, de manière ponctuelle. Ainsi, lors de certaines étapes de chauffage, il peut ne rien se produire, comme il peut apparaître une série de nouvelles extensions, qui apparaissent successivement. De cette façon, la surface du grain augmente au cours du recuit, tout en conservant exactement la même orientation cristalline : nous observons donc bien un monocristal de Si en phase de croissance.

La caractéristique la plus remarquable de cette croissance du grain de Si initial est l'avancée du front de croissance par « sauts élémentaires » successifs. Ces pas élémentaires ont des dimensions caractéris-tiques de l'ordre de 10 à 15 nm de côté.

Si l'on se réfère à la littérature (§  1.2.1, p. 22), le processus gouvernant la cristallisation AIC est principalement lié à la diffusion du Si aux joints de grains de la couche d'Al. En effet, aux températures auxquelles nous travaillons, il n'existe quasiment pas de solubilité du Si dans l'Al massif. Ces éléments étant rappelés, il est intéressant de remarquer que la taille caractéristique des sauts de cristallisation est très similaire à la taille latérale des grains d'Al dans l'empilement.

Nous pouvons donc proposer la description suivante de la cristallisation, dont le mécanisme gouver-nerait la cinétique du procédé AIC (Fig. 2.3 8) :

– les atomes de Si diffusent dans les joints de grains de la couche d'Al : leur concentration croît progressivement (Fig. 2.3 8 (a)) ;

– au delà de la concentration d'équilibre, un germe orienté de Si peut nucléer (Fig. 2.3 8 (b)) ; – une fois formé, le germe s'étend quasi instantanément jusqu'à prendre la place d'un grain

d'Al, qui est alors déplacé (processus d'échange ALILE) ;

– l'extension du grain de Si est momentanément stoppée lorqu'elle bute sur les grains d'Al voi-sins ;

– elle progresse à nouveau dès que la barrière d'énergie pour déplacer un nouveau grain est franchie ;

– le petit cristal de Si (représenté en blanc dans la matrice noire de grains d'Al, Fig. 2.3 8 (b)) reste ainsi pendant une durée variable : il a alors pour possibilités de croître dans diverses directions (symbolisées par des flèches) ;

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– le cristal croit dans la direction ayant la barrière de potentiel la plus faible : le remplace-ment du grain d'Al est alors extrêmeremplace-ment rapide (saut éléremplace-mentaire vu expériremplace-mentaleremplace-ment) (Fig. 2.3 8 (b) à (c)) ;

– à nouveau, le cristal de Si a de nombreuses possibilités pour croître latéralement : il reste piégé aux joints de grain de la couche d'Al. Le chemin de remplacement ayant les barrières de potentiel les moins hautes est plus rapide, expliquant le schéma dendritique emprunté par la cristallisation (Fig. 2.3 8 (d)).

L'aspect macroscopiquement dendritique des grains de Si serait alors dû à un mécanisme microsco-pique de remplacement des grains d'Al. De son côté, la cinétique de croissance semble donc être prin-cipalement due à la cinétique de passage d'un grain d'Al à un autre : le remplacement d'un grain étant instantané, une fois débuté.

La raison du piégeage aux joints de grains de l'Al pourrait être dû à : – des impuretés ;

– un agencement cristal de Si/cristal d'Al ;

– des contraintes mécaniques au niveau des grains d'Al, favorisant ou défavorisant leur rem-placement.

Des expériences complémentaires sont nécessaires pour conclure. Nous proposons notamment : – l'observation en haute résolution d'un pas élémentaire : difficile en raison de la légère dérive

de la position de l'échantillon au chauffage, et du caractère parfaitement imprévisible du lieu de progression du cristal ; a b c d Probabilité faible de passer un joint de grains Remplacement rapide du grain d’Al entier Croissances possibles Croissance Cristal de Si Grains d’Al intacts

Figure 2.3 8 Étapes élémentaires du processus de cristallisation du a-Si induite par l'Al. Chaque carré noir représente schématiquement un grain d'Al.

(Fig. 2.3 8) 2.3.2 Observation in-situ au TEM de l'homoépitaxie latérale du Si

– l'utilisation de couches d'Al de caractéristique différente : nous pouvons moduler la taille moyenne des grains dans la couche (modification des conditions de dépôt, pré-recuit, etc.). Une modification identique de la taille des sauts élémentaires de cristallisation validerait complètement nos hypothèses.

– le ralentissement de la cinétique par l'utilisation d'une température plus faible : les sauts élémentaires sont-ils toujours instantanés ?

– tirer de ces expériences des énergies d'activation, et les relier à la cinétique macroscopique de croissance des grains.

2.3.3 Conclusion

Au cours de ce chapitre, nous avons pu montrer que les couches telles que nous les avons déposées ont des constantes cinétiques équivalentes à celles démontrées dans la littérature130 ; et ce, même après un traitement différent des données, tenant compte d'un rayon de déplétion autour des grains. Ce rayon de déplétion influe donc non seulement grandement sur la cinétique de nucléation, mais aussi sur la taille caractéristique des grains une fois la cristallisation complète.

Les tailles de grains accessibles lors d'un recuit de notre empilement sont plus faibles que celles dé-crites dans la littérature. Ceci peut s'expliquer par l'extrême finesse des couches que nous cristallisons, contre plusieurs centaines de nanomètres à plusieurs micromètres dans la littérature. En revanche, nous avons pu voir qu'un simple traitement thermique ne peut pas prétendre augmenter drasti-quement la taille de nos grains : nous devrons donc envisager d'autres moyens. Dans le Chapitre 3.5

(p. 157), nous présentons donc une méthode originale, dont nous avons démontré le concept : l'em-ploi d'une barrière de diffusion lithographiée, à l'interface Al/a-Si.

Nous avons d'autre part amélioré la compréhension du mécanisme de croissance des grains de Si à l'aide d'expériences de recuit in-situ dans le TEM. Ces expériences ont prouvé l'existence de pas élé-mentaires lors de la croissance des germes de Si par homoépitaxie latérale.

Dans le chapitre suivant, nous terminerons de démontrer que les couches que nous pouvons former sont en tous points en conformité avec notre cahier des charges (rugosité, occupation de la surface, morphologie des grains, et tolérance au substrat) ; avant d'utiliser ces couches comme des substrats efficaces pour la croissance de nanostructures de semiconducteurs iii–v de haute qualité.

RÉSUMÉ DU CHAPITRE

La rugosité de la couche finale de Si est due à deux facteurs : la rugosité initiale de la couche d'Al (§ 2.4.2.1, p. 77), et la formation d'ilôts (§ 2.4.2.2, p. 79). Une stratégie peut être menée pour réduire cette rugosité (§ 2.4.2.3, p. 80). On démontre enfin que le Si (111) peut être formé à la surface d'un wafer de Si(100) en n'utilisant que quelques monocouches d'oxyde comme couche séparatrice (§ 2.4.2.4, p. 82).

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2.4

Caractéristiques des cristaux de Si