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Les participants à l’étude sont 294 enfants inuits âgés entre 8.5 et 14 ans (M = 11,3 ans; ÉT = 0,8 an) vivant au Nunavik, une région de la province de Québec, Canada, située au nord du 55e parallèle à environ 1500 kilomètres de Montréal. Cette région comprend 14

villages totalisant plus de 11 000 habitants, distribués le long des côtes du détroit d’Hudson et des Baies d’Hudson et d’Ungava. Les participants issus de trois cohortes, recrutés pour documenter l’exposition aux contaminants environnementaux et leurs effets neurocomportementaux, le Cord Blood Monitoring Program (1993-1998) (Muckle, Ayotte, Dewailly, Jacobson, & Jacobson, 2001; Muckle, Dewailly, & Ayotte, 1998), le Environmental Contaminants and Child Development Study (1995-2001) (Jacobson et al., 2008) et le Nunavik Preschool Study (Boucher et al., 2011; Muckle et al., 2011), ont atteint l’âge de 11 ans entre 2005 et 2010.

Des 432 femmes éligibles à participer au Cord Blood Monitoring Program, 403 ont accepté de participer (Dallaire et al, 2002). L’échantillon originel du Environmental Contaminants and Child Development Study avait permis d’inviter 333 femmes enceintes à participer à l’étude, desquelles 158 participantes ont été exclues pour les raisons suivantes : autre enfant déjà recruté (13.5%), impossibilité de les joindre (2.4%), refus (18.5%), fausse- couche ou mortalité périnatale (4.5%), absence de données biologiques (5.6%), déménagement (3.4%), adoption à l’extérieur du village (2.8%) et désistement (3%). L’échantillon final comprenait 175 femmes (Muckle et al., 2001). La cohorte du Nunavik Preschool Study, a permis de recruter 417 mères enceintes. De ce nombre, 59 participantes

couche ou n’étaient pas joignables. 110 femmes ont refusé de participer. L’échantillon final est de 177 participantes, et les raisons de la mortalité expérimentale sont : enfant adopté, mort de l’enfant, impossibilité de joindre la mère, et refus de poursuivre l’étude.

Les critères d’inclusion de la présente étude sont que l’enfant soit âgé entre 10 et 13 ans, que son poids de naissance soit  2.5 kg, que le temps de gestation soit  35 semaines, qu’il n’ait pas de maladie neurologique ou développementale connue et ne soit pas médicamenté lors de l’évaluation. Les familles sont invitées à participer à un suivi à ce moment. Les enfants ayant participé à l’étude du Cord Blood Monitoring Program, à la Environmental Contaminants and Child Development Study et à la Nunavik Preschool Study, ainsi que les enfants dont les échantillons de sang de cordon étaient disponibles et dont les concentrations de DHA, de mercure et de biphényles polychlorés (BPC) étaient dans les quartiles inférieurs et supérieurs, ont été invités à participer au suivi à 11 ans (Boucher et al., 2011). Les 294 participants de la présente étude sont issus de ces trois cohortes1. Sur les 294 participants de l’échantillon final, 8 protocoles du CBCL n’ont pas

été retournés par l’enseignant de l’enfant et 4 enfants ont été exclus parce qu’ils avaient un diagnostic de maladie d’origine neurologique. Les participants provenaient des trois plus gros villages situés sur la côte de la Baie d’Hudson, soit Puvirnituq, Inukjuak et Kuujjuarapik.

Procédures

Procédures lors du suivi à 11 ans. Les parents des enfants sélectionnés sont contactés par téléphone par l’infirmière de recherche qui les invite à rencontrer l’équipe avec leur enfant pour obtenir de l’information sur les objectifs et procédures de l’étude. Après l’obtention du consentement écrit du parent, le plus souvent la mère biologique ou adoptive, un consentement verbal est obtenu de l’enfant. Cette étude a été approuvée par les comités d’éthique de l’Université Laval et de Wayne State University.

Lors de la collecte de données à 11 ans, la mère et son enfant se présentent dans nos locaux de recherche, habituellement une maison de la communauté transformée à cet effet le temps de la collecte. Environ le tiers des enfants proviennent d’une communauté différente de celle où a lieu l’étude et doivent donc prendre l’avion pour nous rencontrer. L’entrevue maternelle d’environ deux heures est effectuée par une assistante de recherche ayant une maîtrise ou un doctorat en psychologie et peut être dispensée en français, anglais ou inuktitut (à l’aide d’une interprète), selon la préférence des participantes. Toutes les questions de l’entrevue sont administrées oralement à la mère (biologique ou adoptive). Le fait que plusieurs femmes aient de la difficulté à lire le français ou l’anglais, ou qu’elles ne parlent que l’inuktitut, a motivé le choix de faire des entrevues plutôt que d’utiliser les questionnaires papier. Dans une pièce séparée, l’enfant est soumis à une batterie de tests pendant l’entrevue maternelle. Après obtention du consentement de la mère, le TRF est télécopié à l’école de l’enfant; son enseignant le complète et le retransmet par télécopieur ou par la poste. La journée d’évaluation est ponctuée de pauses. L’enfant reçoit un cadeau et une compensation financière est offerte à la mère pour la journée.

Procédures lors du suivi à 1 an. La mère et son enfant se présentent au dispensaire de leur communauté pour rencontrer une assistante de recherche ayant une maîtrise ou un doctorat en psychologie. Cette dernière administre des tests à l’enfant, destinés à évaluer plusieurs aspects du développement, et réalise une entrevue avec la mère, en présence d’un interprète si nécessaire. Les questionnaires sont administrés oralement durant cette entrevue d’une durée totale de deux heures et demie. De plus, diverses variables sociodémographiques sont documentées. Un jouet est offert à l’enfant et une compensation financière est offerte à la mère pour son déplacement.

Instruments de mesure

Comportement. L’instrument de mesure retenu pour documenter les problèmes de comportement chez l’enfant est le Teacher’s Report Form (TRF; Achenbach, 1991), un questionnaire complété par l’enseignant de l’enfant. Le TRF comprend 113 items cotés sur une échelle de trois points (comportement dans la moyenne, sous la moyenne ou au-dessus

externalisées des enfants âgés entre 4 et 18 ans. Le critère de significativité du 98e

percentile et plus est utilisé pour conclure que l’enfant présente une difficulté significative, et lorsque le comportement se situe entre les 95e et 98e percentiles, le comportement est

considéré comme étant à la limite de la difficulté significative. En deçà du 95e percentile, le

comportement est considéré dans la normale. Huit sous-échelles sont habituellement dérivées du TRF : anxiété/dépression, retrait/dépression, complaintes somatiques, problèmes sociaux, problèmes de la pensée, problèmes d’attention (comprenant elle-même deux sous-échelles : inattention et hyperactivité), comportements agressifs et comportements de bris de règles. Un score total de PC peut également être calculé. La validité de construit, la fidélité test-retest et la consistance interne du TRF ont été bien établies, et ce dans plusieurs populations différentes (Achenbach, 1991; Bean, Mooijaart, Eurelings-Bontekoe, Spinhoven, 2007; Groot, Koot, Verhulst, 1996; Leung et al., 2006; L. Rescorla et al., 2007). Les corrélations entre les items varient de 0.80 à 0.90.

Une étude comparant les rapports de PC par les parents de douze pays a montré que les patrons de comportements selon le genre et l’âge sont les mêmes à travers différentes cultures, bien que la prévalence des PC diffère selon le pays (Crijnen, Achenbach, Velhulst, 1997). Une autre étude de 2007 effectuée auprès de 31 sociétés et ayant recruté en tout plus de 55 000 enfants âgés entre 6 et 16 ans a obtenu des résultats similaires à ceux de Crijnen et collègues. En effet, la consistance interne des 17 échelles utilisées est semblable entre les 31 sociétés et les moyennes des scores totaux variaient entre 13.1 (Japon) et 34.7 (Puerto Rico). Dans cette étude, bien que les garçons obtenaient davantage de scores élevés de PC que les filles, la différence de genre à l’intérieur de chaque société n’était significative que pour 2 d’entre elles (sur les 24 qui avaient évalué les PC chez les enfants âgés entre 6 et 16 ans) (L. Rescorla et al., 2007). De plus, Achenbach a récemment proposé un éditorial soutenant que les différences individuelles parmi les enfants à l’intérieur même d’une population à l’étude comptent pour 86 à 95% de la variance dans l’étiologie des psychopathologies, ce qui indique que les facteurs liés à la culture et la société dans laquelle l’enfant vit sont d’une moindre importance dans le cadre d’études sur les PC, bien qu’il soit essentiel de les considérer (Achenbach, 2015).

Déterminants psychosociaux. L’âge de la mère, son niveau d’éducation, son statut d’emploi (non/oui) et son occupation, le fait de recevoir de l’aide sociale (non/oui), la parité avant la naissance de l’enfant cible, le nombre d’enfants habitant avec la mère, le village de résidence, le nombre de personnes par pièces du logement (crowding), la langue parlée lors de l’entrevue, le statut d’adoption de l’enfant, la détresse psychologique maternelle, la violence conjugale, les capacités de raisonnement non verbal et l’intelligence verbale de la mère ont été évalués par l’entremise de plusieurs instruments de mesure.

Statut socioéconomique. L’index Hollingshead (1975) est utilisé afin de documenter le statut socioéconomique des ménages. Ce dernier est obtenu en considérant le niveau d’éducation, le revenu et la profession des pourvoyeurs financiers de la famille. Cet instrument indique le niveau standard de scolarité sur une échelle de 1 à 7 et le statut d’emploi sur une échelle de neuf points. L’intérêt de cet indice réside dans le fait qu’il est adapté à la population à l’étude. De plus, il tient compte du prestige associé à un emploi et non pas seulement du salaire de l’individu.

Violence conjugale. Le Conflict Tactics Scale (CTS; Straus, 1979) est utilisé pour documenter la violence perpétrée entre conjoints. Il documente la façon dont les conjoints s’y prennent pour résoudre leurs différends. Il mesure également les capacités de raisonnement et de négociation pour la résolution de conflits et l’agression physique et psychologique envers son partenaire et subie par ce dernier (Straus, 1979, 1990, 1996). Le CTS-1 comprend 19 items divisés en trois sous-échelles : violence, agression verbale et raisonnement. Le CTS-2 (Straus, Hamby, Boney-McCoy, & Sugarman, 1996) comporte quant à lui 39 items répartis en 5 sous-échelles : agression psychique, agression psychologique, négociation, blessures et abus sexuel. La mère doit indiquer à la fois les comportements violents de son conjoint envers elle et ses propres comportements agressifs envers lui. La répondante indique sur une échelle de 1 à 6 la fréquence des comportements durant la dernière année (1 = « jamais » à 6 = « plus de 20 fois »). Le CTS-1 est utilisé lors de l’entrevue postnatale pour une centaine de mères, tandis que le CTS-2 est utilisé pour l’évaluation à 11 ans. Ces instruments démontrent une bonne validité de construit ainsi

de populations ayant différentes problématiques (e.g. individus incarcérés) et cultures (Jones, Ji, Beck & Beck, 2002; Moraes & Reichenheim, 2002; Newton et al., 2001; Straus, 2004). Concernant la consistance interne, les coefficients de fidélité varient entre 0,8 et 0,9 pour les échelles d’agression verbale et de violence (Straus, 1979).

Détresse psychologique maternelle. Le questionnaire des Indices de détresse psychologique de l’Enquête Santé Québec (IDPESQ; Préville et al., 1992) et 4 questions sur les idéations et gestes suicidaires sont utilisés pour mesurer la détresse. L’IDPESQ a été développé à partir du Psychiatric Symptom Index (PSI; Ilfeld, 1976). La version courte de l’IDPESQ est utilisée dans la présente étude; elle comprend 14 items qui sont disposés sur une échelle de type Likert où 1 = « jamais », 2 = « parfois » et 3 = « souvent ». Elle évalue les symptômes non spécifiques de dépression, d’anxiété, d’irritabilité et de problèmes cognitifs chez l’adulte durant la dernière semaine. L’instrument a été validé auprès d’un échantillon aléatoire de 2018 sujets de 15 ans et plus issu de l’Enquête Santé Québec comportant 19 016 sujets (1987). Elle a également été utilisée dans l’Enquête Santé Québec auprès des Inuits du Nunavik 1992 (Jetté, 1994). La fiabilité de l’IDPESQ-14 est démontrée chez les femmes, les hommes, pour une population mixte et pour divers groupes d’âge (Jetté, 1994). Le coefficient de consistance interne (alpha de Cronbach) est de 0,89 pour les 14 items.

Les idéations et gestes suicidaires sont mesurés par quatre questions employées lors de l’Enquête Santé Québec auprès des Inuits du Nunavik 1992 et utilisées subséquemment dans d’autres études pour cette même population. Ces questions ont été développées lors de l’étude pilote de l’Enquête Santé Québec de 1987 (Tousignant, Hannigan, & Bergeron, 1984) et sont présentées sous forme non/oui : « Vous est-il déjà arrivé de penser sérieusement à vous suicider (à vous enlever la vie?) », « Cela s’est-il passé au cours des 12 derniers mois? », « Avez-vous déjà fait une tentative de suicide (essayé de vous enlever la vie)? », « Cela s’est-il passé au cours des 12 derniers mois? ».

Finalement, les autres indicateurs psychosociaux considérés sont les caractéristiques maternelles comme les capacités de raisonnement non verbal évaluées par les Matrices

Progressives de Raven (Raven, 1965). Le Peaboby Picture Vocabulary Test (PPVT; Dunn & Dunn, 1981), un test d’intelligence verbale qui corrèle avec le quotient intellectuel, est employé lors de l’entrevue postnatale et celle à 11 ans pour juger à la fois de l’intelligence et de l’acculturation maternelle dans cette population, puisque cet instrument n’a pas été validé dans cette population dont la langue maternelle est majoritairement l’inuktitut. Ainsi, il est possible de penser que ce test permet entre autres de valider dans quelle mesure les mères se sont adaptées à la culture québécoise et canadienne, de par leur niveau de scolarisation et de rapprochement envers les gens du « sud ».

Déterminants biologiques. Les déterminants biologiques documentés sont l’exposition prénatale et contemporaine aux contaminants environnementaux, aux omégas- 3, au tabac, à l’alcool et aux drogues illicites qui ont été mesurés lors de l’entrevue maternelle à 1 et 11 ans. Les contaminants environnementaux ont été documentés dans le sang du cordon ombilical. Ils comprennent principalement les biphényles polychlorés (BPC), le plomb (Pb) et le méthylmercure (Hg), des contaminants sélectionnés pour leur susceptibilité à affecter le développement de l’enfant.

Les analyses sont effectuées au laboratoire du Centre de Toxicologie du Québec. La consommation maternelle de tabac (nombre de cigarettes/jour), d’alcool (fréquence de consommation, présence d’épisodes de consommation excessive (binge), quantité totale et quantité par épisode ou par période), de drogues (fréquence de consommation de marijuana, cocaïne, crack, PCP et de solvants) pendant la grossesse est mesurée lors de l’entrevue maternelle au prénatal, au postnatal et rétrospectivement à 11 ans. Les niveaux d’acides gras polyinsaturés sont documentés dans les échantillons de sang du cordon ombilical. Les détails sur les analyses biologiques sont présentés dans (Muckle et al., 2001).

Analyses statistiques

Les données ont été analysées avec les logiciels SPSS (IBM, 2015). La normalité des distributions a été vérifiée visuellement. Des transformations logarithmiques ont été effectuées sur toutes les variables qui n’étaient pas distribuées normalement. La consistance

Cronbach. Ainsi, les sous-échelles « problème somatique » (alpha = 0.684) et « problème de pensée » (alpha = 0.694) n’ont pas une bonne consistance interne et ont donc été retirées des analyses. Les alphas de Cronbach des autres sous-échelles varient de 0.775 à 0.948.

Dans le but de vérifier l’association entre les déterminants biologiques, les déterminants psychosociaux et les PC, des corrélations de Pearson ont été réalisées. Les analyses ont été effectuées entre les scores composites de problèmes internalisés (sous- échelles « anxieux », « problèmes sociaux » et « retrait » combinés) et externalisés (sous- échelles « inattention », « hyperactivité », « agressivité » et « bris de règles » combinés), avec les variables biologiques et psychosociales. Des régressions multiples ont ensuite été effectuées sur les variables significativement associées aux PC. Les analyses ont d’abord été faites séparément entre les PCI et les PCE, puis ces derniers ont été combinés dans un modèle permettant de vérifier quelles variables étaient les plus significativement associées à l’apparition de PC. Les résultats de ces analyses sont présentés ci-dessous.

Résultats

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