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2.3 Essais de cristallisation

2.3.1 Matériel et méthode

Principe de la cristallisation en goutte suspendue

Le principe de cristallisation d'une protéine est de porter progressivement une solution de la protéine dans un état de sursaturation, provoquant ainsi la nucléation, puis la croissance des cristaux. La solubilité d'une macromolé-cule est fonction de nombreux paramètres tels que sa concentration, le pH, la température, la force ionique, l'eet d'additifs, d'agents précipitants... La cristallisation est un compromis entre les facteurs thermodynamiques (solu-bilité) et cinétiques (nucléation et croissance cristalline). Lors de la cristalli-sation, la concentration de la macromolécule augmente jusqu'à atteindre la zone de nucléation favorable à l'obtention de cristaux [A-B]. Lors de la crois-sance des cristaux, la concentration de la solution diminue jusqu'à atteindre la limite de la courbe de solubilité [B-C] (gure 2.11).

La méthode la plus commune pour la cristallogenèse est celle de la goutte suspendue. Une solution réservoir (d'un volume de l'ordre du millilitre)

conte-Fig. 2.11  Diagramme de phase d'une protéine. Par diusion de vapeur, de la goutte vers le réservoir, on se déplace du point A au point B. Après formation des cristaux, le reste de la solution se retrouve au point C. nant un agent précipitant, un tampon et éventuellement des additifs est mise à équilibrer avec une goutte contenant de la protéine et les même éléments que le réservoir mais moins concentrés (le plus souvent d'un facteur deux). La goutte (d'un volume de l'ordre du microlitre) est déposée sur une lamelle en verre siliconé et l'étanchéité du dispositif est assurée grâce à de la graisse de silicone (gure 2.12) (plaques Hampton) ou un joint en polymère (plaques Nextal).

Des échanges de vapeur ont lieu de la goutte vers le réservoir. La goutte étant initialement plus diluée en agent précipitant que le réservoir une éva-poration progressive se produit par échange de vapeur d'eau, pour

favori-Fig. 2.12  Schéma de principe de la cristallisation par la méthode de la goutte suspendue. L'équilibre se fait par diusion des agents volatiles de la goutte vers le puits jusqu'à ce que la concentration du précipitant soit identique dans les deux.

ser l'établissement de l'équilibre thermodynamique. L'état de sursaturation s'établit donc progressivement en augmentant simultanément la concentra-tion de la protéine et de l'agent précipitant, ce qui peut conduire à l'obtenconcentra-tion de cristaux.

Techniques expérimentales

Les essais de cristallisation sont classiquement réalisés en utilisant des kits regroupant des conditions ayant montré leur ecacité pour d'autres pro-téines. Pour éviter cette tâche fastidieuse de recherche des premiers germes cristallins, des robots ont été mis au point qui automatisent la réalisation des boites de cristallisation. Deux types de robots existent. Les robots mi-crogouttes (comme celui disponible à l'IBS, de type Tecan) mélangent 1 µl de protéine avec 1 µl de solution du puits. Les plaques utilisées sont des plaques Greiner comportant 96 puits, chacune pouvant servir à déposer 3 gouttes distinctes. Il est donc possible de tester 288 conditions par plaque. Les robots nanogouttes (comme celui disponible à l'EMBL, de type Carte-sian) procèdent d'un principe similaire, mais avec des dépôts de protéine dix fois plus faibles (jusqu'à 200 nl).

2.3.2 Essais de cristallisation

Démarche expérimentale

Pour cristalliser la POR, j'ai d'abord essayé des conditions très ciblées, exploitant les résultats déjà obtenus sur les protéines les plus similaires en séquence. La deuxième phase a été beaucoup plus large, utilisant les kits de cristallisation disponibles sur le marché. La troisième phase a consisté à tenter de résoudre les problèmes posés par la dégradation de la protéine.

Les premiers essais de cristallisation ont été menés sur la POR de Syne-chocystis. En réalisant un alignement de séquences entre celle de la POR et toutes celles de la PDB1avec le logiciel FASTA [Pearson and Lipman, 1988], j'ai pu déterminer les protéines qui présentaient la plus grande homologie de séquence.

La carbonyle réductase du porc obtient un score de 44 dans FASTA, avec une identité de 26% et une similarité de 54% pour 288 acides aminés. Les cristaux ont été obtenus [Ghosh et al., 2001] avec 36% de sulfate

d'ammo-1La Protein Data Bank (PDB) regroupe les chiers des coordonnées atomiques des macromolécules biologiques dont la structure a été résolue par cristallographie aux rayons X, diusion de neutrons ou d'électrons, RMN, ou encore proposée par modélisation de dynamique moléculaire.

nium saturé et 10 mM de MES à pH 6. La mannitol déshydrogénase (MtDH) de Agaricus bisporus obtient un score de 39 dans FASTA avec 28% d'identité et 57% de similarité pour 265 acides aminés. Les cristaux ont été obtenus [Hörer et al., 2001] pour une concentration de 10 mg/ml de protéine en pré-sence de Tris à pH 7.5, de 18% de PEG 4000 et de 9% de 2-propanol, à partir des kits Hampton. J'ai donc réalisé des boites de cristallisation autour de ces conditions.

J'ai ensuite utilisé les facilités oertes par les robots de cristallisation et testé tous les kits de cristallisation classiques, à diérentes concentrations de protéine et en présence ou en absence du cofacteur (NADPH), qui peut être un élément de stabilisation de la protéine et donc faciliter la cristallisation.

La troisième phase des essais de cristallisation a consisté à lutter contre la dégradation de la protéine que nous avions caractérisé parallèlement grâce à la migration sur gels et à la spectrométrie de masse. Plusieurs techniques ont été envisagées :

1. Une co-cristallisation en présence du substrat, pour stabiliser la pro-téine et ralentir sa dégradation. La Pchlide est classiquement soluble dans le méthanol, aussi connu pour être un excellent précipitant des protéines. Il a donc fallu solubiliser la Pchlide dans un nouveau solvant, le DMSO [Klement et al., 1999]. Les tentatives de cristallisation de la POR sous forme de complexe ternaire n'ont pas apportées d'améliora-tion substantielle aux résultats déjà obtenus.

2. La cristallisation à 4C. L'étude de la dégradation par gel ou spec-trométrie de masse a montrée que la protéine était plus stable à 4C. Tous les essais de cristallisation ont donc été par la suite menés en chambre froide.

3. L'utilisation d'une souche thermophile de la POR. Notre collaborateur Derren Heyes a purié la POR à partir d'une cyanobactérie thermophile T. elongatus. Les études sur sa dégradation à température ambiante et à 4C ont montrées que cette POR était moins sensible à la dégra-dation que celle de Synechocystis. Les essais de cristallisation ont donc exclusivement concerné cette souche par la suite.

4. La mutagenèse dirigée. Une première hypothèse concernant la dégrada-tion de la POR situait la source d'hétérogénéité au niveau de la boucle supplémentaire qui la diérencie des autres protéines appartenant à la famille des alcools déshydrogénases à chaîne courte. Nos collabora-teurs anglais ont essayé de la purier sans cette boucle, sachant que chez la POR de l'orge l'activité est conservée même en son absence [Reinbothe et al., 2003b]. Il a toutefois été impossible de solubiliser la POR mutée de T. elongatus.

nous avons utilisé la thrombine pour cliver l'étiquette.

6. L'utilisation d'antiprotéases adaptées. Les expériences de spectromé-trie de masse ayant permis d'établir que la zone dégradation correspon-dait à la séquence de reconnaissance d'une protéase, la chymotrypsine, des essais de cristallisations ont été réalisées en présence d'un inhibi-teur de celle-ci, la chymostatine. D'autres expériences ont été menées en présence d'EDTA.

Résultats

Les résultats de ces essais n'ont pas conduit à des cristaux. Quelques pistes encourageantes ont bien pu être déterminées, mais l'anement des conditions n'a jamais été concluant. Le phénomène de clivage de la protéine, et l'hétérogénéité moléculaire qui s'en-suit, prenant toujours le dessus et empêchant toute cristallisation.