• Aucun résultat trouvé

III.1 Dégradation des membranes fibres creuses

III.1.5 Masse molaire des polymères constitutifs

Afin de confirmer les évolutions des propriétés macroscopiques, et en particulier la diminution marquée de l’allongement à la rupture, qui laisse présager d’un phénomène de rupture de chaînes des polymères constitutifs de la membrane, une analyse de leurs masses molaires est réalisée. Dans un premier temps, les masses molaires moyennes de la PES de membranes neuves et vieillies sont déterminées par chromatographie d’exclusion stérique (SEC), puis une estimation de l’évolution de la valeur locale de la masse molaire est obtenue à différentes profondeurs sur des membranes neuves et vieillies en déterminant des nano-Tg par microscopie à force atomique (AFM-VITA).

III.1.5.1 Chromatographie d’exclusion stérique

Les masses molaires obtenues à partir de l’analyse des chromatogrammes de membranes neuves et vieillies dans des solutions d’hypochlorite ([CLT] = 350 ± 25 ppm) à pH 8 et différents temps de trempage sont rapportées dans la table III.4.

Tous les chromatogrammes obtenus présentent une distribution monomodale, alors que la membrane est constituée d’au minimum deux polymères (la PES et la PVP). Deux causes peuvent expliquer cette observation : la PES et la PVP possèdent des distributions de masses molaires proches ou la PVP est présente en trop faible quantité pour être détectée par SEC. Etant donné que l’on estime que la PVP représente moins de 3 wt % de la totalité du matériau membranaire (cf. paragraphe III.4.2), il est raisonnable de penser que sa contribution au chromatogramme est négligeable. Nous attribuerons donc l’intégralité de la distribution monomodale à la PES.

Table III.4 – Masses molaires moyennes de la PES de membranes neuves et vieillies dans des

solutions d’hypochlorite ([CLT] = 350 ± 25 ppm) à pH 8 à différents temps de trempage

MP (g mol-1) ̅ (g mol-1) ̅ (g mol-1)

̅ ̅ Membrane neuve 38 406 ± 1 044 16 090 ± 875 41 132 ± 2 201 2.55 ± 0.08 NaOCl pH 8 – 84 h 37 229 15 334 39 620 2.58 NaOCl pH 8 – 192 h 37 646 15 835 40 944 2.58 NaOCl pH 8 – 672 h 36 407 15 407 38 810 2.52 NaOCl pH 8 – 986 h 35 751 15 088 37 761 2.5

Même pour des temps d’exposition très longs, la distribution de masses molaires ne semble pas être affectée de façon marquée. On observe un léger décalage vers les plus faibles poids moléculaires, qui n’est cependant significatif, en prenant en compte l’écart type obtenu sur les membranes neuves, que pour un trempage supérieur à 672 h. Il est donc possible de conclure que la masse molaire de la PES est relativement stable au cours du vieillissement. Par conséquent, dans les conditions que nous étudions, la PES ne semble pas subir de phénomène de rupture de chaînes à grande échelle.

Ces résultats sont cohérents avec les observations faites par Thominette et al., qui rapportent une valeur de ̅ inchangée pour des membranes PES immergées jusqu’à 90 h dans une solution de

NaOCl ([CLT] = 400 ppm, à pH 8) (Thominette et al. 2006). Cependant, ils vont à l’encontre du

mécanisme de rupture de chaînes de la PES au niveau de la liaison C–S du groupement sulfone proposé par différents auteurs à partir de l’interprétation de spectres ATR-IR (Bégoin et al. 2006,

Les évolutions observées au niveau des propriétés macroscopiques ne seraient donc pas induites, comme on aurait pu s’y attendre, par des ruptures de chaînes du matériau constituant en grande majorité la membrane (i.e. la PES).

III.1.5.2 AFM mode VITA

Pour étudier plus finement les évolutions de masses molaires au sein de la membrane, Romain Prulho (Prulho 2013) a réalisé à l’ICCF des mesures de nano-Tg par AFM-VITA sur des membranes neuves et vieillies dans des solutions d’hypochlorite ([CLT] = 350 ± 25 ppm) à pH 8 durant 672 h.

L’AFM-VITA permet de déterminer la température de déflection du levier correspondant à la température de transition vitreuse locale du matériau en contact avec la pointe (nano-Tg). L’analyse est combinée à des abrasions en profondeur afin de déterminer la nano-Tg à différents points de la section de la membrane. Les résultats obtenus pour des membranes neuves et vieillies sont rapportés en figure III.18.

Figure III.18 – Evolution de la température de déflection (nano-Tg) en fonction de la distance à la surface interne pour une membrane neuve et une membrane vieillie (NaOCl 350 ppm – pH 8 – 672 h) (Prulho 2013)

Au niveau de la surface interne de la membrane neuve, la nano-Tg est d’environ 165 °C. En dessous de la surface, cette valeur augmente, jusqu’à se stabiliser à environ 195 °C à partir de 30 µm de profondeur. La bibliographie donne généralement, pour la PVP, des valeurs de Tg comprises dans une gamme allant de 140°C à 175°C, selon sa masse molaire (Mark 1999, Sakurai et al. 2000, Xu et al.

2002). Concernant la PES, on trouvera communément des valeurs de 180 à 230 °C (Mark 1999, Sasuga et al. 1999, Li et al. 2005). D’autre part, en se reportant aux analyses ATR-IR en profondeur

surface interne de la membrane. Nous pouvons donc attribuer les nano-Tg obtenues sur les 30 premiers microns à un mélange PES / PVP et les nano-Tg détectées en dessous de cette épaisseur à la PES seule. Après immersion dans une solution d’hypochlorite, seules les nano-Tg de surface sont affectées, avec, à l’extrême surface, une diminution d’environ 27 °C. Cette diminution s’accompagne d’une importante augmentation de l’écart type probablement due à l’hétérogénéité de la dégradation en surface. Aucune évolution de la nano-Tg en profondeur de la membrane n’est détectée.

Cependant, nous avons démontré précédemment que l’immersion des membranes dans une solution de

NaOCl engendre une diminution de la quantité de PVP présente à la surface de celles-ci (conclusions

des paragraphes III.4.1 et III.4.2). Si on suppose les masses molaires de la PVP et de la PES inchangées, nous devrions alors obtenir une augmentation de nano-Tg en surface de la membrane dégradée, pour se rapprocher de la Tg de la PES seule. La diminution de 27 °C de la nano-Tg de surface observée après vieillissement nous permet donc bien de conclure que des ruptures de chaînes sont mises en évidence, et que celles-ci ont lieu uniquement en surface de la membrane, dans la zone de coexistence de la PES et de la PVP. Plus en profondeur, lorsque la PVP est absente, aucune modification de masse molaire n’est observée.

Un mécanisme induisant des ruptures de chaînes (et concourant aux modifications identifiées au paragraphe VII.1.4.1) est donc recherché. Grâce à des analyses complémentaires sur de la PVP dissoute dans une solution d’hypochlorite (Prulho 2013), l’ICCF propose un mécanisme d’oxydation radicalaire similaire à celui proposé par Wienk et al. (cf. chapitre I, paragraphe II.3.2.1.1.1, figure I.13- b) avec une coupure en de la chaîne carbonée de la PVP (figure III.19). Ce mécanisme conduit à la formation d’un imide qui possède une vibration IR de faible intensité située aux alentours de 1 735 cm- 1

. Ce produit de dégradation ne peut pas être détecté par ATR-IR, puisque masqué par la bande amide à 1 674 cm-1 de la PVP et par celles de la succinimide (1 700 / 1 770 cm-1).

Figure III.19 – Proposition de mécanisme de coupure de chaîne de la PVP (Prulho 2013)