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I.8 Nettoyage et désinfection

I.8.4 L’hypochlorite de sodium

I.8.4.1 La chimie de l’hypochlorite de sodium

Nous n’aborderons pas ici le cas du chlore moléculaire qui n’est stable en solution aqueuse qu’à des pH acides (pH < 4.5). Dans le domaine du traitement des eaux, l’utilisation du terme général chlore fait référence à son hydroxyde : l’acide hypochloreux (HClO), et à la base conjuguée de celui-ci : l’ion hypochlorite (ClO -).

Eq.I.5 La réaction de l’hypochlorite de sodium avec l’eau conduit à la formation d’hydroxydes de sodium (augmentation du pH) et de l’acide faible HClO. En milieu basique, celui-ci perd son proton et se dissocie en sa base faible, l’ion hypochlorite :

↔ Eq.I.6

Eq.I.7

Avec :

- K1 la constante d’acidité du couple HClO / ClO

-

- h la concentration en protons.

K1 varie en fonction de la température (T en Kelvins) selon l’équation suivante (Morris 1966):

Eq.I.8

Selon le pH et la température, HClO et ClO - apparaissent tour à tour en solution. A partir des équations Eq.I.7 et Eq.I.8, il est possible de définir des zones de prédominance en fonction du pH et de la température, comme le montre la figure I.9.

Figure I.9 – Domaines de prédominance de l’acide hypochloreux et de l’ion hypochlorite en solution

aqueuse, en fonction du pH et de la température

La stabilité de l’hypochlorite en solution aqueuse est limitée dans le temps, en effet, l’ion hypochlorite peut réagir avec l’eau et former du dioxygène et l’ion chlorure selon la réaction suivante (Durliat et al. 1997) :

Eq.I.9 La température est un facteur déterminant de la stabilité d’une solution d’hypochlorite. En effet, une augmentation de température (T > 40 °C) entraine une augmentation de la vitesse de réaction de l’équation Eq.I.9, ainsi que la dismutation du chlore de l’hypochlorite selon 2 mécanismes différents (Rudolf et al. 1995, Adam et al. 1999, Kraft et al. 1999) en fonction du pH de la solution :

Pour un pH basique Eq.I.10

Pour 5 < pH < 9 Eq.I.11

En conséquence, il n’est pas recommandé d’utiliser une solution d’hypochlorite de sodium à chaud. Du point de vue de la désinfection, l’acide hypochloreux possède un pouvoir bactéricide beaucoup plus important que l’ion hypochlorite. En effet, l’absence de charge de l’acide hypochloreux lui permet de pénétrer plus facilement des parois de micro-organismes et virus qui portent des charges électriques négatives et qui s’opposent ainsi à l’approche d’anions tels que l’ion hypochlorite (Durliat et al. 1997). Il a, par exemple, été montré par Clark et al. en 1964 que l’introduction de 0.1 ppm d’acide hypochloreux dans une colonie de bactéries Escherichia Coli conduit à la destruction de 99 % de celle-ci en un temps 100 fois plus court qu’avec l’introduction de 0.1 ppm d’ion hypochlorite (Sourni-Saquet 1999).

Il est donc indispensable de déterminer la concentration en acide hypochloreux dans une eau pour en évaluer le pouvoir de défense contre une éventuelle contamination. Dans le domaine de l’hygiène des eaux, on parlera donc de «teneur en chlore libre actif» pour la concentration en acide hypochloreux et de «teneur en chlore libre potentiel» pour la concentration en ion hypochlorite, ce dernier possédant la capacité d’évoluer vers l’acide hypochloreux en fonction de l’acidité du milieu (Eq.I.6). L’addition de ces deux concentrations est appelée concentration en «Chlore Libre Total» ou CLT.

Bien qu’elle n’ait pas détecté d’effet notable sur la santé, l’Organisation Mondiale de la Santé fixe la concentration en chlore libre total [CLT] maximale admissible dans l’eau de distribution à 5 ppm (OMS 1996). En pratique, la [CLT] mesurée dans la grande majorité des réseaux de distribution d’eau potable varie de 0.04 à 2.0 ppm (DGSESC 2009).

La réactivité de l’acide hypochloreux est considérée de façon générale, comme étant plus importante que celle de l’ion hypochlorite (Deborde et al. 2008). En effet, la polarisation de la liaison Cl-O dans le sens Clδ+  OHδ- de l’acide hypochloreux lui confère un pouvoir oxydant accru. Dans le cas de composés organiques, les trois principaux modes d’action de HClO seront :

- Des réactions d’oxydation sur des fonctions réductrices - Des réactions d’addition sur des liaisons insaturées

- Des réactions de substitution électrophile sur des sites nucléophiles

Il est à noter que certains auteurs rapportent des réactions conduisant à la formation d’espèces radicalaires. En particulier, en 1954, Holst avance l’hypothèse de la génération de radicaux libres à partir de HClO, en présence d’un donneur d’électrons adéquat (Holst 1954). Wienk et al. s’appuient sur cette hypothèse pour proposer les étapes suivant (Wienk et al. 1993 & 1995) :

Eq.I.12

Eq.I.13

Eq.I.14

Ce qui donne la réaction globale suivante :

Eq.I.15

En ce rapportant à la figure I.9, il apparait que les conditions stœchiométriques de cette réaction sont atteintes pour un pH d’environ 8 à 20 °C.

Fukatsu et Kokot font également référence à une éventuelle formation de radicaux libres (Fukatsu et

al. 2001). Le mécanisme de formation qu’ils proposent est uniquement basé sur la décomposition de

l’acide hypochloreux :

Eq.I.16

Eq.I.17

Ce qui donne la réaction globale suivante :

Eq.I.18

I.8.4.2 Mode d’action d’origine radicalaire

L’hypochlorite de sodium étant très largement utilisé dans l’industrie, notamment en tant qu’agent de blanchiment, son effet sur la cellulose et l’amidon a déjà fait l’objet de recherches approfondies. On pourrait s’attendre à ce que, dans une gamme de pH allant de 5 à 12, la dégradation des divers polymères naturels étudiés soit d’autant plus importante que le pH est faible, étant donnée la réactivité supérieure de HClO en comparaison à ClO -. Mais dans de nombreux cas, ce n’est pas la tendance observée. En effet, un maximum de dégradation est souvent mis en évidence pour une zone de pH comprise entre pH 7 et pH 8. Holst observe pour la première fois ce phénomène lors de la mise en contact de cellulose avec différentes solutions d’hypochlorite (Holst 1954), il explique le maximum de dégradation observé à pH 7-8 par une réaction en chaîne mettant en jeu la formation transitoire de

radicaux HO° et ClO°. Epstein et Lewin proposent par la suite une relation reliant la vitesse d’oxydation de l’amidon et les concentrations en HClO et ClO -

(Epstein et al. 1962), qu’ils expriment comme suit :

Eq.I.19

En utilisant la constante d’acidité K1 du couple HClO / ClO -

à 20 °C, nous avons tracé la vitesse relative d’oxydation de l’amidon en fonction du pH de la solution d’hypochlorite, qui présente un maximum aux alentours de pH 7 :

Figure I.10 – Vitesse relative d’oxydation de l’amidon en fonction du pH de la solution

d’hypochlorite

Le même type d’observations a été fait sur la dégradation d’amidons de blé, de maïs et de manioc par différents auteurs (Whistler et al. 1957, Schmorak et al. 1961, Patel et al. 1974).

Il apparait donc évident que la présence de diverses espèces radicalaires peut jouer un rôle non négligeable dans les mécanismes de dégradation et d’oxydation engendrés par une solution d’hypochlorite de sodium. Les différentes réactions présentées ici de façon non exhaustive montrent bien que l’hypochlorite est un milieu complexe dont la composition et la réactivité varient de façon très importante en fonction des conditions d’usage, et en particulier de son pH.

Dans le cadre de notre étude, nous nous consacrerons à évaluer l’effet de la mise en contact de membranes polymères d’ultrafiltration avec des solutions diluées d’hypochlorite de sodium en portant une attention particulière au pH.

II Vieillissement de membranes polymères