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Massa Makan Diabaté est né le 12 juin 1938 à Kita (Ouest malien). Après des études primaires dans son pays et secondaires à Conakry (Guinée), il séjourne en France et se spécialise dans les sciences sociales, études consacrées par une thèse d’histoire sur l'épopée mandingue : Essai critique sur l'épopée mandingue (Ms. de l'Université de Paris, 1971). Cet intérêt pour la culture orale148 accompagne son travail de chercheur à l'Institut de recherches en sciences humaines de Bamako, puis directeur de la culture au ministère de l'information au début des années 1970. Il réunit alors la Première Anthologie de la musique malienne (Prix Edison, 1970) avant de rejoindre au début des années 1980 l'Institut fondamental d’Afrique noire Cheikh Anta Diop (IFAN, Dakar, Sénégal). Il disparaît prématurément le 27 janvier 1988 à Bamako.

Le fameux mot de Kèlè Manson Diabaté149, qui a dirigé sa toute première initiation dans la tradition mandingue, signale un itinéraire qui ne fut pas seulement prometteur :

148 L’étude de Mamadou Bani Diallo explique l’ancrage de M.M. Diabaté dans l’oralité et en recense les traces dans l’œuvre poétique : « L’histoire de Soundiata et ses différents traitements dans la littérature d’inspiration orale chez Massa Makan Diabaté », Nouvelles du Sud (Arts - Littératures - Sociétés), Paris, 1991.

149 Diabaté est le neveu de Kèlè Monson, célèbre griot du Mali ; il lui doit, sans doute, sa première démarche de chercheur et d'écrivain, attaché à la tradition orale.

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« Il n’est pas juste que le fruit vert tombe avant le fruit mûr »150.

Massa Makan Diabaté appartient à la première génération d’écrivains maliens de l’indépendance. Son parcours littéraire s’inscrit dans une durée relativement longue de 1967 à 1988, dates-limites de la publication de sa première œuvre et de sa disparition. Au-delà de « l’illusion biographique », dénoncée par Bourdieu151, il est possible de retrouver ici les éléments d’une vie, qui pour fragmentée qu’elle soit, marque des choix constants, préfigurant des positions et des positionnements dans un champ culturel malien en formation.

I.

UNE TRAJECTOIRE D’AUTEUR ATYPIQUE

Chercheur universitaire et écrivain, Diabaté n’a pas délibéré entre le choix d’une écriture scientifique et une écriture fictionnelle, toutes deux se ressourçant dans le même fond oral malinké et lui constituant une alternative. Dans sa biographie de l’auteur, Cheikh M. Chérif Keïta met en évidence la prévalence de l’héritage oral qui constitue un cadre structurant de l’entreprise littéraire :

« Dans une société comme celle des Mandingues, où l’on est d’abord artiste de par sa naissance et son appartenance à une caste avant de le devenir par l’apprentissage, la personnalité et l’œuvre d’un écrivain moderne sont plus déterminées que les critiques ne l’ont révélé jusqu’ici, par la famille et par l’éducation orale qu’elle dispense pendant les premières années de la vie152. »

150 « Rentrée littéraire 2008 : Prix Massa Makan Diabaté, la reconnaissance d’une œuvre de qualité »,

L’Essor (Bamako), 3 décembre 2007. C’est dans « Janjon » que Massa Makan Diabaté utilise cette formule prémonitoire de son oncle.

151 Pierre Bourdieu (1994), op. cit., pp. 81-89.

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Cette éducation familiale n’offrait-elle pas l’indispensable garantie de l’authenticité qui se réclamait de l’enseignement et de la transmission du griot Kèlè Monson Diabaté, père spirituel et initiateur ? Deux questions sont envisagées ici :

- Comment M.M. Diabaté se positionne dans la tradition orale familiale pour définir une démarche d’écrivain qui lui soit propre ?

- Comment l’appropriation de la tradition orale va s’inscrire dans l’écriture en langue française et dans un imaginaire d’auteur ? L’auteur de la trilogie de Kouta s’est plus projeté comme créateur que simple traducteur d’une mythologie close.

A | Une confrontation de modèles

Les Diabaté représentent dans l’espace du Mandé (Mali, Guinée) une famille de griots réputée. Kèlè Manson Diabaté153 incarne au moment de l’initiation du jeune Massa Makan une figure quasi-tutélaire, gardien respecté de la tradition, plus précisément d’une tradition menacée par l’occupation française.

La sécularisation des sociétés africaines reste sans doute un des résultats le plus visible et le moins contestable de la colonisation. Saydi Diabaté, le propre père de Massa Makan, prendra le chemin de l’école française et prospérera dans le commerce, de Dakar à Abidjan où il installera des magasins de négoce. Le fils suit naturellement la voie ouverte par le père et reçoit la formation de l’école française, ce qui ne tarde pas à l’opposer à son oncle Kèlè Manson qui ne cache pas son hostilité envers l’enseignement colonial qui a amoindri l’influence de la tradition dans la société mandingue154. Autant que son père, Massa Makan a assez tôt l’intuition que l’avenir est du côté de la langue du colonisateur et davantage encore du côté de l’écriture que de l’oralité. Tout en faisant valoir sa personnalité propre, écartant les prévenances de son oncle contre l’école

153 Méfiant envers toutes les innovations de la technologie européenne, Kèlè Manson accepte, en 1961, d’enregistrer dans les studios de Radio Mali sur un support disque La Geste de Soundiata. C’est la seule œuvre qu’il laisse.

154 Cf. sur cet aspect la notice nécrologique de Notre librairie, « Une voix majestueuse s’est tue », n° 75-76, juillet-octobre 1984, pp. 51-53.

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française, l’enfant entreprend une longue initiation sous la férule, qui s’achève à l’âge de vingt-et-un ans par la récitation publique de la geste de Soundiata155. Le jeune Massa Makan ne travaillera toutefois pas à préparer la succession de son oncle. Il entreprend alors en France des études supérieures qui le coupent pendant une assez longue période de son pays et de sa famille. Son itinéraire universitaire, de la science politique à la sociologie et à l’histoire, marque un recul critique par rapport à la tradition, notamment dans ses expressions institutionnelles, et détermine un renoncement à la fonction familiale de griot.

Dans le Mali des années 1950-1960, cette fonction est largement délégitimée par sa compromission avec l’administration coloniale française et la dictature de Modibo Keita dans l’État indépendant. Il y a en effet un réel désinvestissement de la fonction et de l’ordre de la jaliya (les Maîtres de la parole) qui ne se distingue plus que par son allégeance aux régnants. Transmetteurs d’une mythologie révérée ou simples courtisans, les jali voyaient un profond discrédit frapper leur caste. Discrédit qu’exprime, avec regret, Massa Makan Diabaté qui qualifie – non sans une profonde amertume - le nouveau griot africain de « parasite »156. Confronté à deux perceptions publiques de la jaliya, Diabaté prend ses distances : il ne peut approuver ni la rigidité de Kèlè Manson ni la dérive des griots courtisans et quémandeurs.

Dans l’itinéraire de Massa Makan Diabaté, la formation de l’école française constitue un précieux acquis, lui permettant de lire la tradition dans une perspective plus critique, transcendant les pesanteurs du dogme et de ses rituels. Dès son retour de France, il sait qu’il est un homme de la frontière, de l’entre-deux157 : il est certes dans une tradition, mieux pensée, mais aussi dans la modernité.

155 Cf. le récit initiatique dans Comme une piqûre de guêpe, Paris, Présence africaine, 1980.

156 Entretien avec Radio France internationale (RFI), cité par C.M.C. Keïta (1995, op. cit., p. 119. Voir aussi une critique plus radicale dans L’Assemblée des Djinns (Présence africaine, 1985, p. 88) : « Vous autres, les gardiens de nos traditions ancestrales, vous être moins que rien […] Vous êtes la honte de ce pays qui fut grand »

157 En vérité, la démarche n’est pas semblable à celle des écrivains africains qui quittent l’Afrique pour s’installer définitivement dans les pays d’Occident (Cf. sur cet aspect les travaux de Christiane Albert,

L’Immigration dans le roman africain contemporain, Paris, Karthala, 2005 ; Odile Cazenave, Afrique sur

Seine, une nouvelle génération de romanciers africains à Paris, Paris, l’Harmattan, 2003). Pour Diabaté, il s’agit d’une migration interne, ressourçant au Mali même les acquis de la tradition et de la modernité.

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B | Un compromis.

La question centrale dans l’itinéraire d’écrivain de Diabaté a été de trouver un compromis entre oralité et écriture. Si plusieurs de ses ouvrages restituent la tradition des Mandingues, plus précisément la Geste de Soundiata, il s’agit moins pour lui de traduire que de proposer une réponse originale, plus conforme à la diversité de ses ancrages intellectuels. Cette tension entre oralité et écriture ne manquera pas, inévitablement, de rejaillir dans sa littérature. Il tentera de concilier deux types d’enseignement :

« Aujourd’hui pour revaloriser notre patrimoine culturel, nous devons commencer par bannir tous les préjugés qui pèsent sur la tradition orale, en réduisant la distance qui séparait celle-ci de la source écrite. Mieux en combinant les deux. Réduire la distance, c’est considérer tradition orale et écrite, ou mieux encore source écrite et source orale, comme complémentaires158. »

Dès lors l’œuvre de Diabaté rend nécessaire l’établissement d’un compromis entre ce qui appartient au monde interne malinké, celui de la magie et de la mythologie, et le monde externe celui de l’histoire et de ses nombreuses ruptures, de l’occupation (1857) et de la colonisation françaises de l’ancien Soudan, à l’indépendance et à la création de l’État moderne du Mali (1960). S’il raconte le passé, Diabaté a la pleine conscience – comme beaucoup d’auteurs africains de sa génération – de se projeter dans le récit national, dans ce qui objective l’existence d’une nation. La narration de l’écrivain va ainsi cumuler temps passé et temps présent, portant chacun le poids des solidarités des groupes sociaux aux caractéristiques diverses (peuls, dogons, bambaras, malinké), mais aux acculturations communes (islam, chrétienté), partageant la langue française.

158 La dispersion des Mandéka (en collaboration avec Diango Cissé), Bamako, Ed. Populaires, coll. « Hier », 1970, p.17.

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Si la démarche n’est pas particulièrement éprouvée dans son roman, la problématique culturelle sous-tend la création littéraire de Diabaté. Ainsi l’historicité du groupe malien se fixe-t-elle dans les éléments d’une mythologie de dynasties anciennes. Le retour à Soundiata, loin de nier le temps présent, en devient le symbole. L’identité érodée dans le choc colonial est remembrée dans un récit qui rend perceptible la fondation du groupe humain et de la civilisation qu’il diffuse dans la longue duré. Cette orientation de la réflexion de l’écrivain a semblé l’éloigner des vicissitudes de l’histoire et de la politique quotidienne.

Le récit national emprunte dans l’œuvre de Diabaté deux voies opposées : celles du mythe et de l’histoire. Le mythe répond, comme le note Jean Rousset, d’une sollicitation du temps présent en soulignant :

« la fonction de modèle, d’action exemplaire exercée par le mythe dans les sociétés traditionnelles, où chaque récepteur s’identifie au héros, au dieu, revivant ou rejouant la geste instauratrice pour déchiffrer dans le temps actuel sa propre situation159. »

Cette mise en perspective du monde ancien est appelée dans le projet littéraire de Diabaté à éclairer le présent et à en affiner la substance. Le Mali qu’il raconte agrège à l’événement politique contemporain – la colonisation et l’indépendance – les motifs inaltérables d’empires immémoriaux. Pour autant, l’auteur sait reconnaître, notamment dans son roman, les urgences actuelles d’une société malienne en formation. Pour l’auteur de la trilogie de Kouta, le compromis entre oralité et écriture reste fondamental. Si le roman naturalise le temps présent, celui de l’Histoire, il a aussi pour mission de quêter les survivances du temps long de la tradition et surtout d’en adapter les expressions. Le discours littéraire de Diabaté n’épuise donc pas le recours à la double charge du mythe et de l’histoire ; c’est à leur mesure duelle que s’échafaude le récit national du Mali, dans un entretemps, à la fois contraignant et productif.

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Bernard Mouralis a montré dans Les contre-littératures160 que :

« L’univers auquel renvoient les textes négro-africains est un univers marqué très fortement par une histoire spécifique161. »

Le rapport à l’histoire, Diabaté l’assume pleinement dans son roman où il cherche à comprendre ce qui a justifié la déchéance des peuples et l’ordre colonial qui leur a été prescrit. C’est moins la violence coloniale qui aiguillonne sa narration que le silence que tisse autour de son assujettissement le peuple de l’ancien Soudan français. Il a ainsi privilégié dans son œuvre un regard sur l’histoire qui commence162 - le décours de l’occupation coloniale et l’avènement d’une nouvelle nation - plus de celle qui s’achève.

C | La construction d’une œuvre

L'œuvre de Diabaté intègre plusieurs choix de genre et d’écriture littéraire : on y retrouve aussi bien le récit de tradition, la poésie, le théâtre historique que le roman (Cf. Tableau 6). Quatorze titres sont publiés sur une période de vingt et une années, de 1967 à 1988, au Mali et en France, consacrant la cohérence d’une œuvre et donnant une présence reconnue à son auteur dans le champ littéraire malien.

160 Paris, PUF, coll. Sup, 1975.

161 Ibid., p. 177.

94 Tableau 6

La production littéraire de M.M. Diabaté

Genre Titre Éditeur

Roman « La trilogie de Kouta » : - « Le Lieutenant… » (1978). - « Le Coiffeur… » (1979). - « Le Boucher… » (1982).

- Comme une piqûre de guêpe (1981). - L’Assemblée des Djinns (1985)

Paris, Hatier (coll. « Monde noir poche »).

Paris, Présence africaine.

Théâtre - La Mort d’Ahmadou (1969).

- Une si belle leçon de patience (1970).

- Une Hyène à jeun (1988).

Paris, ORTF (inédit). ORTF (inédit). Hatier (coll. « Monde noir poche »)

Poésie - L’Aigle et l’épervier (1975). Honfleur, P.J. Oswald. Récit

(contes, tradition orale)

- Et si le feu s’éteignait (1967).

- La Dispersion des Mandenka (1970 ; en collaboration avec Diango Cissé)

- Kala Jata (1970).

- Janjon et autres chants populaires du Mali (1970).

Bamako, Éditions populaires

du Mali.

95 - Le Lion à l’arc (1986)

Hatier (coll. « Monde noir poche »).

La production littéraire de Diabaté s'organise principalement autour de la tradition mandingue, notamment les figures tutélaires de Soundjata et de l'Almamy Samory. À côté du récit de tradition, le plus pratiqué (7 titre sur 14), de la poésie et du théâtre, le roman – miroir de l’histoire présente - apparaît comme un genre tardif. Avant la publication de la trilogie, les textes de Diabaté prenaient place dans un réseau éditorial assez étroit, du point de vue de sa spécialité et de son audience. On admet que les premières publications de l'auteur publiées à faible tirage par les Éditions populaires du Mali (EPM), à Bamako, ne pouvaient atteindre qu'un public très restreint d'amateurs locaux ou de spécialistes étrangers de la littérature malienne. Son théâtre a profité, bien avant sa publication en volume, de la diffusion radiophonique et reçu la consécration des prix de l'URTNA ou de RFI. Il est vrai que la radiodiffusion en Afrique drainait déjà à cette époque une forte écoute et supplantait la lecture; la consécration de Diabaté par la radiodiffusion rappelle opportunément ses qualités de conteur et l'origine orale de sa littérature.

Les deux premiers ouvrages de Diabaté publiés en France ont bénéficié de la solidité des structures de diffusion de la librairie parisienne; c'est le cas pour Janjon et autres chants populaires du Mali, édité par Présence africaine et de l'Aigle et l'épervier, édité par P.J. Oswald, en 1975. On peut toutefois considérer que leur audience a été limitée. Diabaté ne connaîtra le succès qu’avec la publication, chez Hatier, de la trilogie de Kouta (1978-1982) qui lui apportera, au-delà de son pays, de nombreux lecteurs francophones dans le monde.

D | La reconnaissance institutionnelle

Jacques Dubois a défini une des finalités du travail de l’écrivain, saisi dans son rapport à l’institution littéraire qui

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« repose sur un certain nombre d’instances dont la fonction première est d’apporter aux écrivains et à leurs œuvres la reconnaissance d’une identité et d’un classement163. »

La carrière littéraire est nettement balisée par Diabaté dès ses premières productions. Ce souci de reconnaissance et de légitimité fut souvent payant. En 1969, La Mort d’Ahmadou obtient le prix de l’Union des radios et télévisions nationales d’Afrique (URTNA) pour le théâtre radiophonique. À l’échelle de l’Afrique subsaharienne francophone, ce prix représente une consécration de première importance auprès de centaines de milliers d’auditeurs. Il n’était pas alors acquis de passer la sélection de textes de la commission du prix et encore moins d’être dans la liste des concurrents retenus. La distinction, l’année d’après, par le jury du Prix du concours théâtral interafricain de l’ORTF d’Une si belle leçon de patience confirme la sanction d’un travail littéraire constant par des lecteurs et des auditeurs spécialisés.

Diabaté donnera toute la mesure de son intérêt pour les compétitions académiques littéraires en 1971. Il fait alors partie avec Janjon et autres chants populaires du Mali de la sélection pour le Grand prix littéraire de l’Afrique noire attribué par l’Association des Écrivains de langue française (ADELF). Ce prix qui a le prestige d’un « Goncourt africain » (Cornevin), il le partage avec le Camerounais Mviena, auteur d’un essai sur L’Univers culturel et religieux du peuple Beti (Yaoundé, Librairie Saint-Paul, 1970). Le jury justifiera l’attribution du prix à Diabaté

« pour la façon dont il avait rendu en français des éléments de la tradition orale du Mandingue164. »

Cette légitimation du travail de l’écrivain sera encore une fois affirmée, en 1987, par le jury du Grand prix international de la Fondation Léopold Sédar Senghor pour la trilogie de Kouta. Cette reconnaissance institutionnelle aura aussi été celle du chercheur

163 « Du modèle institutionnel à l’explication de textes », dans Maurice Delcroix et Fernand Hallyn (dir.),

Introduction aux études littéraires. Méthodes du texte, Paris-Gembloux, Duculot, 1987, p. 306.

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recevant, en 1970, le prix Edison pour sa Première anthologie de la musique malienne165, compilation savante éditée la même année, à Paris, par Barenreiter-Musicaphon. Ce ne sera pas la moindre des distinctions pour un écrivain et chercheur soucieux de transmettre la culture traditionnelle des Malinké.

À côté de cette reconnaissance par des opérateurs culturels et littéraires du vivant de l’auteur, il y a aussi, non moins importante, par l’inscription de l’auteur et de son œuvre dans la durée, celle des institutions politiques. Le gouvernement malien a dressé le nom de Massa Makan Diabaté au fronton de deux institutions éducative (lycée) et culturelle (théâtre) à Kayes, sa région d’origine, et d’un lycée, à Bamako, dans le quartier de Baco-Djicoroni. Depuis 2007, un prix littéraire national annuel Massa Makan Diabaté, doté par le ministère de la culture, signe la rentrée littéraire au Mali166.

Ultime reconnaissance posthume, élevant l’auteur de la trilogie de Kouta à la dimension d’un écrivain national. Elle ne manque pas d’intérêt dans un pays qui interroge depuis la fin du règne de Moussa Traoré les voies d’une démocratisation pacifique de la vie politique et qui consacre un auteur qui a été dans ses écrits souvent critique contre les dérives du pouvoir autoritaire de la postindépendance.

II.

UN POSITIONNEMENT D’AUTEUR DANS SON TEMPS

La recherche d’un positionnement167 d’auteur par Massa Makan Diabaté s’apprécie sur un plan local, celui de la littérature nationale malienne, mais aussi sur un plan régional, celui des littératures francophones de l’Afrique de l’Ouest.

165 Mamadou Diallo approfondit à la suite de M.M. Diabaté dans son Essai sur la musique traditionnelle

du Mali (Paris, ACCT, 1983) la recension du patrimoine musical national.

166 Le Prix littéraire Massa Makan Diabaté est attribué concurremment avec le Prix Yambo Ouologuem.

167 Selon Dominique Maingueneau : « Cette notion se rapporte à l’instauration et au maintien d’une identité énonciative. Avec une valeur peu spécifique, on souligne par là le fait qu’à travers l’emploi de tel vocabulaire, de tel registre de langue, de telle variété dialectale, de tel genre de discours, un locuteur indique comment il se situe dans un espace conflictuel : en utilisant la lexie « lutte des classe » on se positionne comme de gauche, en parlant sur un ton didactique et avec un vocabulaire technique on se

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