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Adjusted vegetetation proportion

6 Chapitre : Discussion générale et perspectives

6.1 Marqueurs polliniques locaux du pastoralisme, implications pour la reconstitutions des activités pastorales

L’approche des analogues actuels développée dans les montagnes du Pays basque avait comme objectif de reconstituer les activités pastorales du secteur étudié, à partir de données polliniques fossiles d’une petite tourbière de référence. La reconstitution de l’utilisation du territoire et des dynamiques pastorales (déprise, emprise pastorale), pour les deux derniers millénaires, a été envisagée à l’échelle du bassin versant de la tourbière. Afin de mener à bien cette opération, la constitution d’un référentiel actuel pollinique et floristique, dans des espaces gérés traditionnellement, s’est imposée pour calibrer le signal pollinique et différentier les taxons polliniques provenant de la végétation locale et ceux de la végétation régionale.

Les analogues actuels ont été sélectionnés pour recouvrir un large panel de communautés végétales rencontrées sur le secteur d’étude. Pour chaque analogue, des données floristiques, polliniques et des paramètres environnementaux et anthropiques ont été acquis. Généralement, les relevés de végétation sont effectués suivant la méthode traditionnelle de Braun Blanquet (Gaillard et

al., 1992, 1994) ou par analyse fréquentielle (Hjelle, 1997, 1998, 1999a). Pour cette étude, la méthode

phytosynusiale intégrée (De Foucault, 1986, Gillet, 1986, Julve, 1986, Gillet et al., 1991, Gillet & Gallandat, 1996) a été privilégiée car elle renseigne sur la structure horizontale et verticale de la végétation et permet de mieux comprendre la relation pollen/plante (chapitre 3). La confrontation de l’ensemble de ces données, via des analyses multivariées (analyse de redondance), a permis d’ordonner les sites suivant des variables explicatives significatives (test de permutation). Les assemblages polliniques se différentient suivant un degré d’ouverture des milieux, de richesse nutritive

Un assemblage pollinique contient deux composantes : une composante pollinique locale et une composante pollinique régionale. Reconstituer les activités humaines à l’échelle locale implique de distinguer ces deux composantes. Ainsi, les analyses ont permis de discriminer un cortège de taxons polliniques traduisant une activité pastorale locale (chapitre 3 et 4) et indiquant la présence locale des plantes émettrices (chapitre 3). La présence simultanée des taxons, Asteroideae,

Cichoriodeae, Cirsium-type, Galium-type, Ranunculaceae, Stellaria-type and Potentilla-type dans un

spectre pollinique indique une activité pastorale locale. En revanche d’autres taxons, communément utilisés pour appréhender l’impact de l’homme sur son environnement (Behre, 1981), comme

Artemisia, Cerealia ind., Chenopodiaceae, Plantago lanceolata, Plantago major/media, Rumex acetosa/acetosella, Rumex obtusifolius-type, Rumex sp., Secale et Urtica dioica reflètent une activité

humaine régionale (RHAPI) et ne renseignent pas sur l’utilisation du territoire autour des points de prélèvement pollinique.

D’autres études similaires ont été entreprises dans les pays scandinaves (Gaillard et al., 1992, Hicks & Birks, 1996, Hjelle, 1999a, Räsänen, 2001) et également pour les montagnes alpines (Court- Picon et al., 2005, 2006). La confrontation des résultats révèle que certains taxons présentent principalement une valeur régionale et sont difficilement extrapolables à d’autres régions (chapitre 3). Ces divergences peuvent être induites par un contexte géologique, climatique, édaphique, topographique, anthropique propre à chaque région. D’autres facteurs comme la dispersion et la production pollinique peuvent être différent suivant les secteurs d’études (chapitre 5). Les marqueurs polliniques locaux du pastoralisme (LPPI) mis en évidence dans cette étude sont valables pour des secteurs cristallins des zones de montagne des Pyrénées atlantiques.

Cette étude souligne l’importance et la nécessité d’élargir les études végétation actuelle/pluie pollinique actuelle/type d'utilisation du territoire afin d’identifier les taxons marqueurs des activités (pastorales, agricoles, fauchage) pour un secteur donné. Certes, ce genre de travail exige une collecte de données conséquente qui doit recouvrir un maximum de communautés végétales et de type d’utilisation du territoire. Néanmoins les analogues actuels et le pool de taxons identifiés, pour cette étude, comme marqueur des activités pastorales permettent d’interpréter plus précisément les diagrammes polliniques du secteur d’étude et d’appréhender, pour une échelle locale, les activités pastorales et leur dynamique.

Les analogues actuels ont été confrontés aux spectres polliniques fossiles d’une petite tourbière (Sourzay), sensée restituer une image locale des activités humaines. La comparaison s’appuie sur deux approches indépendantes et complémentaires (chapitre 4) : celle du transfert actuel/fossile en utilisant le modèle corrélatif et les variables explicatives identifiées (Ter Braak & Prentice, 1988) et celle de la recherche des meilleurs analogues (Overpeck et al., 1985, Guiot, 1990) basée sur le calcul d’un indice de dissimilarité entre les spectres polliniques actuels et fossiles. Les deux méthodes produisent des résultats similaires, toutefois le modèle corrélatif permet d’apprécier la

dynamique de la pression pastorale au cours des deux derniers millénaires et renseigne sur le contexte édaphique, pastoral et d’ouverture du milieu. La deuxième approche fournit une image de la végétation en terme de communauté végétale en apparentant un spectre pollinique fossile avec des spectres polliniques actuels dont on connaît l’environnement végétal (type de végétation). Cette approche met l’accent sur les périodes passées pour lesquelles il manque des analogues actuels, notamment des forêts pâturées. Ce constat implique de compléter le référentiel actuel pour des communautés végétales et des pratiques absentes du territoire étudié, tout en prenant soin de prospecter dans un même contexte lithologique et altitudinal.

Une approche multi-proxy a permis de combiner deux jeux de données indépendantes : étude des assemblages polliniques (comparaison des assemblages actuels et fossiles) et des microfossiles non-polliniques fossiles (MNP) pour reconstituer l’histoire du pastoralisme autour de la tourbière de Sourzay pour les deux derniers millénaires. Les MNP coprophiles offrent la possibilité de restituer, à priori, une image très locale des conditions pastorales exercées au cours de ces 2000 ans (Cugny, 2004). Ce signal MNP est synchrone au signal pollinique pastoral, regroupant le cortège des indicateurs polliniques locaux du pastoralisme « LPPI » (chapitre 4). L’utilisation conjointe des deux jeux de données révèle des périodes d’asynchronismes et de synchronismes entre le signal local (MNP et LPPI) et le signal régional (RHAPI). Ce qui laisse présager, pour certaines périodes (asynchronisme des courbes locales et régionales) une différence dans les modalités d’exploitation pastorale entre le secteur cible de Sourzay et le contexte régional. Cette lecture multi-échelle des données paléoenvironnementales semble indiquer que le secteur de sourzay était géré comme un espace marginal ou un espace de délestage lorsque la surcharge pastorale était trop intense dans les vallées voisines.

Pour mieux comprendre ces données paléoenvironnementales, d’autres disciplines comme l’archéologie pastorale et l’histoire ont été intégrées (chapitre 4). Pour les périodes d’asynchronisme signalées par la courbe des LPPI et MNP coprophiles, la présence de cabanes pastorales est attestée à l’extérieur du secteur de Sourzay. Ce qui semble corroborer l’hypothèse de zones pastorales préférentielles et l’abandon de l’espace marginal de Sourzay lors d’une baisse de la pression pastorale. Néanmoins, cette hypothèse, bien qu’encourageante et stimulante, exige d’approfondir la confrontation interdisciplinaire engagée ces dernières années. De nouvelles dates sur les cabanes pastorales recensées récemment (prospection archéologique 2003) autour de la tourbière de Sourzay permettront de valider ou de nuancer les interprétations paléoenvironnementales. L’établissement de référentiels chronotypologiques des structures pastorales (cabanes, enclos, couloir de traite…) et les connaissances historiques disponibles (Legaz, 2005) permettront de formuler des scénarii des dynamiques socio-spatiales susceptibles d’être confrontés aux modèles de transformation de l’impact environnemental proposé par les analyses paléoenvironnementales (Rendu et al., 2004). De même, la multiplication des analyses paléoenvironnementales sur d’autres tourbières (de petite superficie)

proches de celle de Sourzay, offrirait une meilleure compréhension des modes d’organisation spatiale des activités pastorales et de leurs ruptures. Seule une approche combinée de toutes ces disciplines et de leur échelle de travail fournira une meilleure lecture du fonctionnement des systèmes pastoraux pour les deux derniers millénaires.