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aux chrétiens

III. 1. 4 : Marcus Aurelius minime protector christianorum fuit

Cette perspective se conforme très bien à la pietas toujours montrée par Marc-Aurèle qui, bien que ouvert à certains rituels étrangers, se montre très attaché au mos majorum497 d’où les chrétiens étaient exclus. La raison de cette exclusion se trouve dans la poena du passage Apologeticum V, 6 et que Tertullien explique de manière claire ainsi que polémique plusieurs fois ailleurs : « confessio nominis, non examinatio criminis » 498 . Or, à notre avis, cette perspective de contestation de la part Tertullien est marquée aussi de manière indirecte par le mot forte utilisé dans l’Apologeticum. Pour la comprendre, il faut entrer dans le détail, voire les deux niveaux du texte créés par Tertullien. La première remarque le message que Tertullien veut transmettre aux magistrats, notamment le fait que si des chrétiens se étaient trouvés parmi les soldats, ceci n’aurait été qu’un heureux hasard pour Marc-Aurèle. La deuxième nous explique pourquoi Tertullien a été poussé à utiliser ce terme : il n’aurait pas trouvé de références spécifiques ni sur des soldats !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

497 La question de la pietas de Marc-Aurèle est très bien abordée par MIGLIORATI, Iscrizioni…, pp. 93 - 94. En outre, par rapport aux cultes étrangers, la H.A. Vita Marci XIII, 1 nous donne une idée de l’ouverture de Marc-Aurèle à l’égard de toutes les cérémonies d’origines étrangères. Par contre, le Senatus consultum de Bacchanalibus (« décret sénatorial concernant les Bacchanales ») édité au cours de l’année 186 av. J.C pour interdire ces cultes ainsi que PAUL. Sent., 5. 21. 2 (« Qui

novas sectas vel incognitas religiones inducunt ex quibus animi hominum moveantur, honestiores deportantur, humiliores capite puniuntur ») éditée très probablement au cours du règne de Marc-Aurèle montre de manière claire la politique ménée par les institutions envers des rituels dangereux. Par rapport à PAUL. Sent., 5. 21. 2 cf. BEGGIO, Aspetti del…, pp. 132-133 et SPERANDIO, Nomen Christianum…, p. 97, note 296. Les Sententiae Receptae Paulo sont tirées par S.RICCOBONO [ET ALII],Fontes Iuris Romani Antejustiniani in usum scholarum, Edictio Altera Acta et Emendata Leges, Auctores, Liber Syro-Romanus, Negotia, Florentiae 1940 - 1943

(désormais FIRA II).

498 Apol. II, 3. Le chapitre conclusif sera consacré à la problématique de la législation anti-chrétienne. Ici il suffira de rappeler que l’argumentation fondamentale de l’Apologeticum de Tertullien se fonde sur les contradictions de la législation romaine qui se base sur la confessio

nominis et non sur l’examinatio criminis. Pour les autres passages où Tertullien rappelle ce chef

! *&"! chrétiens ni sur les légions dans lesquelles ils auraient servi. Il l’utilise savamment donc pour faire croire qu’il le connaissait mais que ni Marc-Aurèle ni même ses auditeurs de Carthage n’en avaient connaissance.

Par ailleurs, cette attitude méfiante que nous proposons envers les affirmations de Tertullien est renforcée par ce qui suit : la dernière partie de ce paragraphe de l’Apologeticum n’est que rien de plus qu’un chef d’œuvre de l’art rhétorique très contradictoire. Nous le proposons à nouveau :

« […] Sicut non palam ab eiusmodi hominibus poenam dimovit, ita alio modo palam dispersit, adiecta etiam accusatoribus damnatione, et quidem taetriore. »499.

À travers une analyse plus attentive de cette phrase, nous voyons que les deux parties de l’argumentation sont en contradiction. Selon Tertullien, si d’un côté Marc-Aurèle n’avait pas éliminé de manière officielle l’illégitimité du nomen christianum, d’un autre côté il aurait officiellement condamné ceux qui auraient osé le dénoncer avec une condamnation plus grave que celle infligée aux chrétiens. Et honnêtement, comment une personne qui accuse un homme d’être chrétien peut-il être condamné si, officiellement, le nomen christianum reste illicite ? La phrase de Tertullien, déjà en contradiction, montre un autre point faible : il s’agit de l’utilisation qu’il fait du mot accusator. Aucune étude parmi les nombreuses dédiées à Tertullien et à son langage juridique500 n’a mis en exergue la valeur de ce terme qui, par contre, joue un rôle déterminant pour la construction de l’image de Marc-Aurèle comme protector christianorum.

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499 « S’il est vrai qu’il n’a pas publiquement mis à l’abri d’une peine de tels hommes, du moins l’a-t-il écartée publiquement d’une autre manière, en allant jusqu’à ajouter une condamnation pour les accusateurs, et plus horrible encore ». Sur cette traduction cf. supra note 406.

500 Pour les études des années 1975 - 1994, avec aussi les références aux fondamentales contributions précédentes (e.g. A.BECK, Römisches Recht bei Tertullian und Cyprian: eine Studie

zur frühen Kirchenrechtsgeschichte, Halle 1930) cf. R.BRAUN [ET ALII], Chronica Tertullianea et

Cyprianea : 1975-1994. Bibliographie critique de la première littérature latine chrétienne, Paris

1999. Pour les années 1995 - 2014 cf. les recensions faites par F.CHAPOT [ET ALII] (« Chronica Tertullianea et Cyprianea », Revue d'études augustiniennes et patristiques, Turnhout 1996-2015) aux publications de l’année précédente : (1996 : pp. 295 - 320) ; (1997 : pp. 349 - 376) ; (1998 : pp. 307 - 339) ; (1999 : pp. 391 - 423) ; (2000 : pp. 273 - 311) ; (2001 : pp. 357 - 398) ; (2002 : pp. 331 - 371) ; (2003 : pp. 353 - 390) ; (2004 : pp. 393 - 423) ; (2005 : pp. 375 - 413) ; (2006 : pp. 433 - 461) ; (2007 : pp. 325 - 367) ; (2008 : pp. 315 - 364) ; (2009 : pp. 279 - 327) ; (2010 : pp. 291 - 340) ; (2011 : pp. 375 - 427) ; (2012 : pp. 323 - 372) ; (2013 : pp. 379 - 439) ; (2014 : pp. 381 - 425) ; (2015 : pp. 325 - 364).

! *&#! Toutefois les réflexions de T. Georges501 nous mènent à des conclusions intéressantes : ce chercheur, dans son commentaire à l’Apologeticum de Tertullien, se montre sceptique par rapport à cette disposition de Marc-Aurèle évoquée par Tertullien et, par la suite, il la compare avec le rescrit d’Hadrien à Minucius Fundanus (ap. H.E. IV, 9) : le princeps fait suite à une epistula du prédécesseur de Fundanus, Quintus Licinius Silvanus Granianus502, qui avait demandé des instructions concernant les dénonciations envers ceux qui accusés d’être chrétiens. Hadrien est très clair : il faut punir les dénonciateurs des chrétiens, mais dans le cas où ils ne montreraient pas des preuves certaines à charge des accusés. Ceux-ci sont dits calumniatores503. Cette affirmation nous permet de percevoir un intéressant jeu de mot fait par Tertullien : il emploie trois fois le mot accusator en référence à la dénonciation d’un chrétien : Ap. V, 2 et 6 ; Ad Scap. IV, 18504. Or, nous savons que entre la fin du IIe et le début du IIIe siècle, c’est-à-dire lorsque Tertullien écrivait son Apologeticum (197-198), il n’y a plus aucune différence remarquable au niveau formel entre le terme accusator et les deux autres, index et delator : les trois mots indiquent désormais indifféremment ceux qui soutiennent une accusation formelle face à un magistrat, en ayant des preuves à charge contre l’accusé505.

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501 T.GEORGES, Tertullian "Apologeticum", Freiburg-Basel-Wien-Herder 2011, pp. 127 - 128. 502 Cf. E. GROAG - A.STEIN, Prosopographia Imperii Romani saec. I. II. III, Pars I, W. de Gruyter & Co, Berolinum 19332, p. 284. Le texte d’Eusèbe rapporte le nom Serennius Granianus. À ce propos, P.R.AMIDON (The Church history of Rufinus of Aquileia, Washington D.C. 2016, p. 151 note 24) argue : « Serennius is a later miscopy ».

503

H.E. IV, 9 : « “A Minucius Fundanus. J’ai reçu une lettre à moi adressée par Serennius Granianus, homme clarissime, à qui tu as succédé. Il ne me semble pas bon de laisser cette question sans examen, de peur que les hommes ne soient inquiétés et que ne soit offerte aux dénonciateurs une aide dans leur perversité. Si donc les habitants de ta province peuvent soutenir clairement leur plainte contre les chrétiens au point d'en répondre devant un tribunal, qu’ils aient recours à cette seule voie, mais qu’ils ne se contentent pas de pétitions ou de cris. Si l’on veut intenter une accusation, il serait bien plus convenable, en effet, que tu en connaisses toi-même. Si donc quelqu’un porte une accusation et démontre que ces gens font quelque chose de contraire aux lois, dans ce cas-là, prends une décision selon la gravité du délit. Mais, par Hercule, si quelqu’un produit cette déclaration pour calomnier, prononce un verdict sur cette conduite criminelle, et aie le souci de la punir”. Tel est le rescrit d’Hadrien. ». Par rapport à ce rescrit cf. D.ANNUNZIATA, « ‘Nomen Christianum’ : sul reato di cristianesimo », Rivista di Diritto Romano - XIV - 2014

http://www.ledonline.it/rivistadirittoromano/, pp. 2, 6, 8 (consulté en avril 2016), mais aussi SPERANDIO, Nomen Christianum…, p. 87, note 262.

504 Pour la fréquence d’un mot dans les ouvrages de Tertullien nous avons utilisé la base de données en ligne pour les textes latins classiques, le Library of Latin Texts (LLT). Il mérite aussi d’être mentionné le texte de G.CLAESSON, Index Tertullianeus, Paris 1974-1975, car il reste une pierre angulaire pour Tertullien.

505

L.FANIZZA (Delatori e Accusatori: l’iniziativa nei processi di età imperiale, Roma 1988, pp. 19 - 20) par rapport au Ier siècle affirme : « L’accusatore […] è detto infatti accusator, ma svolge anche il ruolo di index e di testis, e a lui si fa riferimento come delator alla fine del resoconto. Questi termini non sono tra loro sinonimi, ma ciascuno esprime una situazione diversa rispetto

! *&$! Cependant, comme nous l’avons dit auparavant, l’accusator est sujet à punition exclusivement dans le cas où il accuserait quelqu’un d’être chrétien sans preuves certaines. C’est à ce moment qu’il devient un calumniator (« εἴ τις συκοφαντίας χάριν τοῦτο προτείνοι, διαλάµβανε ὑπὲρ τῆς δεινότητος καὶ φρόντιζε ὅπως ἂν ἐκδικήσειας »)506

. Pouvons-nous alors envisager la présence d’une disposition contre les calumniatores décrétée par Marc-Aurèle autrement inconnue ? Georges montre un lien intéressant avec un passage de l’H.A. (Vita Marci XI, 1) qui fait mention d’un acte législatif de Marc-Aurèle qui mérite notre attention :

« Cavit et sumptibus publicis et calumniis quadruplatorum intercessit adposit falsis delatoribus nota. Delationes, quibus fiscus augeretur. »507.

Le chercheur toutefois ajoute qu’il n’y a ici aucune mention des chrétiens. Et en effet, nous pensons que cette disposition n’a rien à voir avec la législation anti-chrétienne. Voici pourquoi : cette phrase se place dans un contexte consacré par le rédacteur de la H.A. Vita Marci à toute une série de réformes faites par le princeps (H.A. Vita Marci IX, 7 – XI, 10) dans le domaine public. En particulier, dit le rédacteur (H.A. Vita Marci X, 10 - 12), il s’intéresse à l’administration de la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

all’altra, anche se quella configurata dall’index si può connotare in vario modo in riferimento a fasi diverse del processo. Index designa infatti colui che è al corrente di una circostanza in quanto ne abbia conoscenza diretta; può così essere citato come testimone se decide di assumerne le funzioni, o svolgere il ruolo di accusator nelle sue diverse articolazioni se ne è formalmente investito. In questa ultima ipotesi l’index si connota come delator se si fa strumento del principe per promuovere un giudizio servendosi capziosamente delle notizie in suo possesso, che può addirittura aver precostituito. » ; M. F. PETRACCIA, Indices e delatores nell'antica Roma: occultiore indicio proditus; in occultas delatus insidias, Milano 2014, p. 13 : « È infatti grazie

all'accentramento del settore criminale in capo allo Stato, settore al quale in precedenza i cittadini potevano accedere con le loro delazioni, che vennero a sbiadirsi, soprattutto a partire dell’età severiana, le differenze tra le varie tipologie dei collaboratori di giustizia sino a scomparire del tutto in riferimento a circostanze attinenti all’ordine pubblico e all’aspetto economico. In effetti sono le stesse fonti giuridiche di epoca imperiale ad impiegare come sinonimi index, delator,

accusator e le forme derivate. Ad esse va aggiunto quanto affermato da Ulpiano : Indicasse est detulisse, arguisse, accusasse, convincisse ».

506

E. SILVERIO, « Indices, Delatores e Accusatores. Questioni terminologiche relative a ‘delatori’, ‘correi dissociati’ e ‘collaboratori di giustizia’ », Bollettino della Unione Storia ed Arte, 6, (2011), p. 267 : « Il definitivo processo di omologazione (n.d.r. des trois termes index,

accusator, delator) venne favorito, tra II e III sec. d.C. dall’estensione dell’obbligo per tutti coloro

che avessero voluto denunciare un crimine, sia già esistente nel sistema delle quaestiones

perpetuae che sorto nella cognitio extra ordinem, di sottoscrivere in qualità di accusatores o subscriptores un apposito verbale redatto da un pubblico ufficiale e contenente l’accusatio. Questo

obbligo venne predisposto per consentire la punibilità di accusationes calunniose, che in precedenza per motivi procedurali avrebbero potuto essere perseguite solo se relative ad un crimen delle quaestiones ».

507 « Il surveilla les dépenses publiques et sévit contre les calomnies des délateurs, en faisant apposer la marque d’infamie aux auteurs de fausses déclarations [faites pour recevoir le quart des biens de l’accuse] et en ne tenant en aucun compte des délations qui enrichiraient le fisc ».

! *&%! justice et aux dépenses publiques (H.A. Vita Marci XI, 1 et 4). Or, la structure de la phrase rend plausible de penser à une action générale de Marc-Aurèle contre les calomniateurs, contre ceux qui réexaminent ces déclarations, mais aussi contre ceux qui accusent quelqu’un d’être chrétien sans avoir de preuves. Cependant, nous montrerons des différences entre cette disposition de Marc-Aurèle et la législation anti-chrétienne.

Tout d’abord, nous remarquons que le rédacteur de l’H.A. affirme que ces fausses dénonciations sont faites pour s’approprier d’un quart des biens de l’accusé et qu’il n’y a aucun indice à cet égard dans la législations anti-chrétienne. Par la suite, en reprenant le texte de la H.A. Vita Marci, nous lisons que les auteurs de fausses déclarations reçoivent la marque d’infamie (« adposita falsis delatoribus nota ») alors que le rescrit d’Hadrien parle plutôt d’un punition contre le calumniator qui fait référence à la gravité de l’accuse (« διαλάµβανε ὑπὲρ τῆς δεινότητος ») et qui, comme le dit Tertullien, est encore plus atroce (« et quidem tetriore ») de la peine infligée aux chrétiens. Enfin, Marc-Aurèle dispose de ne pas tenir compte des délations qui enrichiraient le fisc : cela nous apparaît comme un élément qui connote une disposition concernant expressément les biens privés des citoyens. Par conséquent, ces dispositions de Marc-Aurèle contre ces calomniateurs ne sont pas comparables aux prescriptions d’Hadrien et aux données de Tertullien. Par ailleurs, comme nous le montrerons dans le prochain chapitre, il n’y a qu’une procédure contre les chrétiens à l’époque de Marc-Aurèle : celle accusatoire contre le nomen christianum. Il se peut, alors, que Tertullien fasse référence à une epistula de Marc-Aurèle envoyée, peut-être, à l’issue d’un climat d’intolérance tel que celui qui s’était vérifié à Lyon, dans lequel le princeps réitère la décision d’Hadrien et rien de plus508.

Ce qui est sûr, c’est que l’époque de Marc-Aurèle est loin d’être un temps de paix pour les chrétiens. Au contraire, nous trouvons des apologies et des martyrs qui nous indiquent un climat très différent. À cet égard, il suffit de rappeler Athénagore d’Athènes et Théophile d’Antioche qui seront objets d’étude dans le prochain paragraphe509. Ici nous anticipons simplement que quelques années après le ‘miracle de la pluie’, probablement pendant le séjour de Marc-Aurèle et !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

508

En toute prudence nous envisagions que cette disposition aurait pu être contenue dans une

epistula / mandatum telle quelle mentionné par Méliton avec les termes δόγµατα / διατάγµατα (ap. H.E. IV, 26. 5-11).

509

! *&&! Commode à Athènes à la fin de l’été 176510, Athénagore conteste à Marc-Aurèle et Commode le chef d’accusation principal, le nomen christianum (Legatio I, 2. 19, 3. 25; II, 1. 4, 2. 14-20, 4. 28-33, 5.40-41) et le corollaire : les accusations d’athéisme, d’anthropophagie et d’inceste (Legatio III, 1) qui sont signalées aussi par Théophile (Traité à Autolycus III, 4 et 15) après l’an 180. Les témoignages de Athénagore et Théophile attestent de manière claire la présence continue d’un climat d’intolérance qui est très loin de s’arrêter511. Cela démontre qu’aucun acte législatif n’avait atténué le climat d’intolérance. Par conséquent, il nous paraît très improbable que Marc-Aurèle ait promulgué palam des actes législatifs favorables envers ceux qui sont appelés chez Tertullien eiusmodi homines.

À propos de cette expression, Ramelli soutient qu’elle serait la marque inexorable du lexique juridique utilisé par Aurèle. Elle affirme que Marc-Aurèle utilise l’expression huiusmodi homines dans un rescrit promulgué contre toute forme de superstitio illicita : les condamnés sont relégués dans des îles. Or, bien que ici, les chrétiens ne soient pas mentionnés de manière explicite, Ramelli envisage l’hypothèse que ce récit aurait été adressé même contre eux. Elle laisse entendre aussi que Tertullien aurait emprunté cette expression dans la dépêche officielle consultée512. Nous réfutons cette interprétation en considérant que les !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

510 Nous utilisons le terme « probablement » compte tenu des recherches de B.POUDERON (« Les ‘écoles’ chrétiennes de Rome, Athènes et Alexandrie : Justin et son disciple Tatien ; Athénagore »,

Bulletin de Littérature Ecclésiastique, CXIII/4, Octobre-Décembre 2012, p. 389) qui envisage que

l’apologie aurait pu être composée au sein d’un contexte alexandrin à cause des citations des poètes produites dans la Legatio. Cela demanderait de remonter à une date légèrement plus haute pour sa consigne à Marc-Aurèle et à Commode, notamment entre la fin 175 et le printemps 176, compte tenu de son séjour à Alexandrie pour lequel cf. aussi supra note 159.

511 En ce qui concerne Athénagore cf. les études de SPERANDIO, Nomen christianum…, pp. 64 - 65 et 118 ; B.POUDENON, Athénagore…, pp. 23 - 27 ; M.MARCOVICH, Athenagoras: Legatio pro

Christianis, W. de Gruyter, Berlin-New York 1990. Théophile est une source fondamentale car il a

certainement vécu sous Marc Aurèle. Il était évêque d’Antioche en 169 (cf. Chronique par HELM, p. 206) et il connaît la date de la mort de Marc Aurèle (Traité à Autolycus III, 27-28). Il mentionne les accusations d’inceste, d’athéisme et d’anthropophagie que nous trouvons aussi dans la Lettre au passage 1, 14. 73 - 74. Ces accusations sont mentionnées aussi auprès de Justin (Ap. I, 26. 7) et de Tertullien, (Ap. VII, 1, VIII, 1 et XXXIX, 8). Et finalement, Théophile parle des persécutions en Grèce non seulement dans le temps passé, mais aussi dans le présent (Traité à Autolycus III, 30). Pour l’ouvre de Théophile, sa vie et les considérations ci-dessus mentionnée voir : C.BURINI,

Gli apologeti greci, Roma 1986, pp. 349 - 462 ; pour le texte critique cf. R.M. GRANT, Ad

Autolycum of Theophilus of Antioch, Oxford 1970.

512 I.RAMELLI, « Protector Christianorum (Tert. Apol. V 4) il "miracolo della pioggia" e la lettera di Marco Aurelio al Senato », Aevum: Rassegna di scienze storiche linguistiche e filologiche, ISSN 0001-9593, Anno 76, Nº 1, (2002), p. 110 : « L’espressione eiusmodi homines, di impronta palesemente giuridica, – e Tertulliano conosceva bene il lessico giuridico –, sembra vicina al modo piuttosto ambiguo ed indiretto che aveva Marco di riferirsi ai Cristiani nei documenti ufficiali, come dimostra a mio avviso in maniera inequivocabile l’impiego dell’identica espressione huiusmodi homines da parte di Marco stesso in un documento giuridico relativo a quanti diffondono una superstitio illicita. In accordo con questo stile ufficiale ‘coperto’, Marco

! *&'! chrétiens n’étaient pas d’ailleurs condamnés de cette manière comme le montrent bien les études de Beggio513. De plus, d’un point de vue logique l’argumentation est faible : l’utilisation d’une expression dépréciative dans une dépêche officielle qui aurait dû remercier les chrétiens nous apparaît très étrange. Enfin, vu l’illicéité du nomen christianum, comment Marc-Aurèle aurait-il pu remercier de manière officielle ceux qui se déclaraient chrétiens et améliorer leur situation ?

Si Tertullien ne nous donne pas trop de certitude par rapport aux soldats chrétiens qui auraient pu être aux côtés de Marc-Aurèle, peut-être qu’Apollinaire, évêque de Hiérapolis, aurait pu consulter des sources différentes : son témoignage, en tant que le plus proche des événements, pourrait donc nous donner les informations manquantes dans Tertullien. Quelles sont alors les données que nous pouvons tirer de cette source ? Nous précisons qu’Eusèbe lui-même affirme qu’à son époque beaucoup de livres d’Apollinaire ont été conservés et que, parmi les ouvrages parvenus jusqu’à lui, il y avait aussi ce Discours (H.E. IV, 27). Cette information devrait donc nous amener à le croire par rapport à ce qu’il résume d’Apollinaire : la légion qui par sa prière aurait favorisé le prodige, aurait obtenu du princeps un nom par rapport à l’événement, voire κεραυνόβολος / Fulminante. Mais alors, dès lors qu’il avait le texte d’Apollinaire dans son intégralité, pourquoi ne l’a-t-il pas cité vu qu’il s’agissait d’une source favorable à ses arguments ? Car, très probablement, le texte d’Apollinaire n’allait pas dans le sens de son argumentation514. Voici pourquoi.

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rimosse la persecuzione non palam – così come l’aveva introdotta non palam, colpendo formalmente i sacrilegi –, ma comunque di fatto la rese vana (dispersit), le tolse mordente. Questa revoca della persecuzione non palam costituisce per altro una riprova che Tertulliano ha presente la vera lettera e non quella apocrifa […] e che egli citi la lettera vera mi sembra pienamente confermato anche dall’impiego tertullianeo dell’espressione forte nel passo dell’Apologeticum in questione ». La chercheuse fait référence à : D. 48. 19. 30 (MOD. 1 de Poen) : « Si quis aliquid fecerit, quo leves hominum animi superstitione numinis terrentur, divus Marcus huiusmodi

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