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Entre valeurs personnelles, professionnelles, organisationnelles et citoyennes, une cohérence intérieure plus grande sur le plan personnel est recherchée; une contribution à une plus grande cohésion sociale constitue également une source de préoccupation. Comment paver une voie interne et externe à ce qui constitue dans un premier temps une source d’anxiété, voire d’angoisse, au sein des organisations et des personnes qui incarnent les différentes fonctions? Comment agir lorsque s’ajoute un contexte de pandémie provoqué par la COVID 19? Entre l’urgence de répondre à un besoin professionnel, de même qu’à un besoin familial qui constitue également un poids important dans la balance, comment décider? Comment prioriser?

Un groupe de travail chargé un jour d’analyser une demande de soutien institutionnel en provenance d’une équipe médicale s’est vu placé au cœur même d’un tel enjeu éthique. Celui-ci se jouait vraisemblablement entre un éclairage éthique à assurer à l’équipe soignante de l’institution et la personne à soigner et sa mère, entre le collectif et l’individuel.

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Une mère dont le fils, âgé de 51 ans et qui n’a aucune qualité de vie, aucune conscience de son environnement, est diagnostiqué complètement dépendant. Il est inapte aux biens et à la personne, étant donné les multiples diagnostics depuis sa naissance. La mère demande donc l’arrêt des soins prodigués à son fils. La mère est la curatrice privée36. Le médecin, préoccupé par la situation, doit s’informer des

critères pour ce genre d’arrêt de traitement.

D’une part, il est possible que l’équipe médicale puisse ouvrir des portes à la demande de la mère. Par ailleurs, la mère dit avoir pris cette décision il y a de cela une semaine lorsqu’elle s’est rendu compte que cela faisait déjà sept ans que son fils vivait dans ce CHSLD, qu’elle se voit vieillir et qu’elle craint de plus en plus de partir avant lui. Le groupe institutionnel de travail auprès de qui la demande de soutien est déposée constate le dilemme devant lequel l’équipe soignante est placée. Comment agir? Le groupe de travail qui, par le truchement de l’équipe soignante, reçoit la demande de la mère doit-il choisir d’agir en soutien à cette équipe ou de se concentrer sur le désir de la mère?

Dans les faits, le groupe de travail a choisi, de concert avec l’équipe soignante, de rencontrer la mère pour qu’elle puisse nommer et expliquer le contexte de son choix de mettre fin aux soins de son fils. Madame a verbalisé avoir vécu une grande partie de son existence en fonction de son fils. Madame nomme que ses valeurs ne l’ont jamais amenée à orienter ses choix en tel sens. Cependant, dans un contexte où elle se voit vieillir et où personne n’est là pour prendre la relève des soins à prodiguer à son fils vulnérable, madame demande à ce que son choix soit respecté pour le bien de son fils. En quoi une équipe soignante se trouve-t-elle dès lors en droit de répondre directement à une telle requête?

Entre l’individuel et le collectif, un choix s’est imposé. Poursuivre le processus d’hydratation et d’alimentation du fils tout en conservant les traitements de confort se serait fait en raison des valeurs de protection de la vie, d’imputabilité, de bienfaisance, de bienveillance, de professionnalisme/collégialité. Ne pas poursuivre le processus d’hydratation et d’alimentation tout en conservant les traitements de confort se serait fait en raison des valeurs de conformité aux lois et à la demande de la mère, d’autodétermination, de compassion, d’engagement affectif, de dignité et de qualité de la vie, de la capacité de la personne et de son autonomie (choix de la vie).

36 La situation décrite, comme de multiples autres qui s’y apparentent, fait partie du patrimoine

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Le défi du groupe de travail est devenu celui de tenir compte des valeurs personnelles de la mère tout en accompagnant l’équipe soignante au meilleur de ses connaissances et de son jugement. C’est ainsi que l’équilibre en est venu à se créer.

Le comité de travail, en consultant le Code civil du Québec à l’article 12, était au fait que « celui qui consent à des soins pour autrui ou qui les refuse est tenu d’agir dans le seul intérêt de cette personne en respectant, dans la mesure du possible, les volontés que cette dernière a pu manifester ».

Lorsque la protection de la vie humaine est en jeu, le dilemme devant lequel se retrouvent le ou les sujets implique nécessairement un conflit de valeurs morales non négligeable. Le droit de refuser des soins, d’autant plus lorsque ce refus entraîne la mort, est un droit qui peut paraître inconciliable avec le droit à la vie. La Cour suprême a déjà statué que le droit à la vie reconnu par les chartes ne doit toutefois pas signifier une obligation de demeurer en vie, en plus de reconnaître la valeur constitutionnelle du droit à l'autonomie. Les membres du groupe de travail retiennent donc que le droit de refuser un traitement médical est fondamental pour la dignité, l’autonomie et l’inviolabilité de la personne, et que ce principe a maintes fois été reconnu dans notre société, en plus d’être récemment codifié au sein de la Loi concernant les soins de fin de vie (article 5).

Le groupe de travail qui accueillait la demande de l’équipe soignante comprenait que le dilemme est d’autant plus important lorsque le consentement ou le refus ne provient pas de la personne elle-même, mais de son représentant légal, comme c’est le cas ici. La personne majeure inapte, incapable de fournir un consentement éclairé, est représentée dans l’exercice de ses droits par sa mère, laquelle est habilitée à donner un consentement substitué aux soins de son fils pourvu que cela respecte le cadre légal applicable.

Au terme de sa démarche réflexive, le groupe de travail a tout de même considéré qu’il n’appartenait pas aux membres de juger des motifs à l’appui de la demande de la mère ni de déterminer si cette décision était prise dans l’intérêt de l’usager, comme il ne leur appartenait pas non plus à eux seuls de juger du caractère libre et éclairé de son consentement.

Les membres comprenaient qu’il pouvait s’agir d’un fardeau lourd de conséquences pour le médecin ou une équipe soignante qui doit évaluer ces aspects, lesquels relèvent de leur responsabilité professionnelle. Si en vertu du cadre légal exposé, le médecin est d’avis que la mère, à titre de représentante

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dûment désignée, donne un consentement libre et éclairé et ce, dans l’intérêt de son fils, les membres sont d’avis que le droit de refuser un traitement doit être vu comme le corollaire du droit à consentir à des soins et qu’il y a donc lieu de respecter la volonté exprimée à l’effet de refuser les soins de base.

Pour reprendre les enseignements de la cour, « le droit de refus prime sur l’obligation de fournir les soins de base, soit l’alimentation et les breuvages »37.

En fait, il s’est agi ici de tenir compte à la fois de la demande de la mère et du droit de refus qui prédominait sur l’obligation de fournir les soins de base. Cela dit, les valeurs sur lesquelles le groupe de travail a choisi de s’appuyer à proprement parler n’ont pas été les valeurs personnelles de la mère. Sans qu’elle ait nommé explicitement ses valeurs personnelles, la mère a tout de même avoué qu’elle n’aurait pas choisi d’agir en ce sens plus tôt dans sa vie.

Dans un contexte de COVID-19, les événements se précipitant, il peut également s’avérer difficile, exigeant, voire impossible, à première vue d’administrer les protocoles de soins en harmonie avec les attentes individuelles autant que collectives. À titre d’exemple, il se trouve actuellement des membres de personnels du milieu de la santé et des services sociaux qui expriment haut et fort aux diverses instances administratives leurs incompréhensions, leurs attentes sans pour autant disposer d’indicateurs qu’ils sont entendus. On demande à ces mêmes personnes de faire des choses, de poser des gestes au point de se demander si la vie professionnelle n’est pas en train de tourner au cynisme. En d’autres termes, comment mieux conjuguer aspirations personnelles et réalité organisationnelle? Tant dans un tel contexte que dans la vie dite normale, le défi demeure. L’attention aux personnes, à leurs aspirations, leurs rêves, leurs désirs constituera toujours un enjeu de première ligne, surtout lorsqu’il s’agit d’être congruent entre les différentes éthiques qui nous convient à la performance. Qui de nous passe une seule journée sans faire face à des choix plus ou moins déchirants les uns que les autres? Aspirer à une humanité nouvelle ou renouvelée, n’est-ce pas consentir à faire partie des acteurs qui ont opté de faire une différence, que celle-ci vienne de ce qui les constitue comme individus ou collectivités?

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Marc Jean, Ph. D., est professeur titulaire à l’Université du Québec à Chicoutimi depuis maintenant plus de 25 ans. Il exerce dans le domaine de l’éthique professionnelle et organisationnelle, à la fois à titre d’enseignant, de chercheur et de clinicien. Son approche pédagogique consiste à construire des nouveaux savoirs éthiques dans et à partir de la pratique en partenariat avec les participants. Il s’intéresse aux enjeux éthiques tels que portés par les acteurs de la vie organisationnelle. Il cherche à voir, au contact de ses interlocuteurs, comment devenir, avec et par eux, des partenaires d’une vie bonne, avec et pour les autres, dans des organisations à la recherche du mieux-être, du mieux-faire, du mieux-vivre ensemble, en l’occurrence au moment de coconstruire un partenariat avec le milieu social, médico-social et sanitaire.

La création du GRIR résulte de la rencontre de deux volontés : l’une, institutionnelle et l’autre, professorale. Sur le plan institutionnel, après un débat à la Commission des études sur l’opportunité d’un Centre d’études et d’intervention régionales (CEIR) à l’UQAC, les membres de la commission décidaient, le 4 avril 1981, de « différer la création d’un centre d’études et d’intervention régionales, de favoriser l’éclosion et la consolidation d’équipes en des groupes de recherche axés sur les études et intervention régionales ». Deux ans plus tard, la Commission des études acceptait et acheminait la requête d’accréditation, conformément à la nouvelle politique sur l’organisation de la recherche. Reconnu par l’UQAC depuis 1983, le GRIR s'intéresse aux problèmes de développement des collectivités locales et régionales d'un point de vue multidisciplinaire.

Les objectifs du GRIR

Le GRIR se définit comme un groupe interdisciplinaire visant à susciter ou à réaliser des recherches et des activités de soutien à la recherche (séminaires, colloques, conférences) en milieu universitaire, dans la perspective d’une prise en main des collectivités locales et régionales en général, et sagamiennes en particulier. Les collectivités locales et régionales, objet ou sujet de la recherche, renvoient ici à deux niveaux d’organisation de la réalité humaine. Le premier niveau renvoie à l’ensemble des personnes qui forment un groupe distinct par le partage d’objectifs communs et d’un même sentiment d’appartenance face à des conditions de vie, de travail ou de culture à l’intérieur d’un territoire. Le deuxième niveau est représenté par l’ensemble des groupes humains réunis par une communauté d’appartenance à cette structure spatiale qu’est une région ou une localité, d’un quartier, etc.

En regard des problématiques du développement social, du développement durable et du développement local et régional, le GRIR définit des opérations spécifiques de recherche, d’intervention, d’édition et de diffusion afin de susciter et concevoir des recherches dans une perspective de prise en main des collectivités et des communautés locales et régionales; d’encourager un partenariat milieu/université; de favoriser l’interdisciplinarité entre les membres; d’intégrer les étudiants de 2e et 3e cycles; de produire, diffuser et transférer des connaissances.

Les activités du GRIR

À chaque année, le comité responsable de l’animation scientifique invite plusieurs conférenciers et conférencières du Québec et d’ailleurs à participer aux activités du GRIR. C’est ainsi que des conférences sont présentées rejoignant ainsi plus de 500 personnes issues non seulement de la communauté universitaire (étudiants, employés, professeurs, etc.), mais aussi du milieu régional. Le comité responsable de l’édition scientifique publie chaque année des publications de qualité. Ce volet du GRIR offre à la communauté universitaire et aux étudiants des études de cycles supérieurs l’occasion de publier des actes de colloque, des rapports de recherche ou de synthèse, des recherches individuelles ou collectives. Vous pouvez consulter la liste des publications sur notre site internet : http://grir.uqac.ca/