• Aucun résultat trouvé

L'enseignement de la culture en classe de langue étrangère ou seconde n'est pas chose aisée. Tout d'abord, cet objet n'est pas prioritaire dans la démarche d'enseignement, car la priorité est généralement donnée à l'enseignement linguistique. Ensuite, les évolutions méthodologiques depuis les années 1980, avec la didactique interculturelle, ont modifié les modèles traditionnels d'enseignement culturel, lesquels reposaient en grande partie sur l'usage du manuel scolaire. Aujourd'hui, le manuel est toujours utilisé, mais la didactique interculturelle a assez largement déserté la réflexion à son sujet, ce qui place la classe de langue-culture dans une contradiction : comment utiliser un matériel qui n'est plus légitimé dans les discours de recherche ? Le champ de l'interculturel semble cependant connaître aujourd'hui une remise en question de ses concepts fondamentaux. Y aurait-il, dans les renouvellements qu'il vise, matière à réamorcer une réflexion sur l'enseignement culturel/ interculturel dans les manuels ? C'est à cette question que nous allons essayer de répondre.

Nous présenterons d'abord les évolutions récentes de l'enseignement culturel, afin de situer la problématique des manuels scolaires dans ce champ. Nous essaierons ensuite de connaître les raisons du décalage entre théories didactiques et pratique de classe/ usage des manuels, avant d'exposer ce qui constitue selon nous une pierre d'achoppement de la didactique interculturelle : la question des savoirs (ou connaissances) culturels/ interculturels.

Mais avant d'entrer dans le vif de notre sujet, nous souhaiterions placer quelques éléments définitoires du manuel en tant que genre de discours, et en tant que forme sociale répondant à des sphères d'usages et de représentations spécifiques.

1 Préambule – Éléments constitutifs du genre manuel de langue étrangère ou seconde

« La production du discours, oral comme écrit, est structurée par les genres du discours. (…) Prendre la parole, c'est non seulement le faire dans telle ou telle langue, mais également dans tel ou tel genre, qui impose ses contraintes comme la langue impose les siennes (...) » (Détrie, Siblot et Vérine 2001, p.129).

Contrainte exercée sur le discours, le genre permet en même temps d'« articuler des formes linguistiques à des fonctionnements sociaux. » (Branca-Rosoff 2002, p.282). Prendre en compte les caractéristiques génériques et textuelles du manuel est inévitable si l'on prétend cerner sa production de sens, et relier les représentations et effets de sens étudiés aux contraintes énonciatives propres à ce discours.

Nous ne prétendons pas ici fournir une réflexion exhaustive sur le « genre manuel de LE/S ». Tout d'abord celle-ci n'a pas, à notre connaissance, été formalisée ; un grand nombre de chercheurs s'est intéressé à cet objet, mais la réflexion générique reste encore relativement fragmentaire. Ensuite, seuls certains axes ont été jugés pertinents pour notre propre analyse ; et ils correspondent souvent autant à des lieux de questionnement qu'à des savoirs stabilisés.

Le manuel est marqué, selon Lebrun 1993, d'une hétérogénéité à tous les niveaux, que ce soit en termes de dispositif éditorial ou de règles d'écriture. Concevoir un manuel relève d'une activité très complexe, dont nous ne mentionnerons que les principaux aspects. Guy Capelle résume ses enjeux dans un article où le manuel porte le nom de « méthode » et se définit comme « un genre de texte particulier conditionné par une série de variables : qui écrit, pour qui, sur quoi, pourquoi, comment. En d'autres termes, l'auteur, le destinataire, le contenu, l'intention et la manière sont des variables interdépendantes dont le maniement plus ou moins élaboré contribue à sa création et son efficacité, notion capitale pour les méthodes. » (Capelle 1997, p.26).

Cependant plusieurs points de vue sont possibles sur l'objet-manuel, ce qui est pour Choppin la raison de la rareté de travaux de fond sur la question : « sous une apparente banalité, le manuel est un produit complexe qui se prête à des approches multiples et ordinairement dissociées : l'enseignant y voit surtout un outil pédagogique, l'homme politique un vecteur d'idéologie, le parent d'élève une charge financière, le sociologue un certain reflet de la société... » (Choppin 1992, p.4).

1.1 Un discours de scolarisation

La vocation la plus évidente du manuel est de faire faire des apprentissages. En effet, parmi ses différentes fonctions, « la principale d'entre elles est de présenter sous une forme condensée, des connaissances et des activités d'une manière susceptible de favoriser leur apprentissage par l'élève ; cela le distingue d'autres ouvrages scientifiques n'ayant pas ce souci pédagogique. » (Verdelhan-Bourgade 2002, p.37). Transmettant les savoirs jugés utiles par l'école, il est « un vecteur important de la scolarisation », comme « intégration de l'enfant dans le monde scolaire ». Il est à la fois « reflet du discours de l'école comme institution et discours spécifique à l'objet-manuel » (ibid., p.37-38).

1.2 Un discours institutionnel

Le manuel est en même temps un discours institutionnel. D'une manière générale, « (…) l’analyse de discours semble inséparable de la notion d’institution. (…) les notions centrales et fondatrices de positionnement ou de place d’énonciation restent étroitement articulées à une référence aux institutions de production et de diffusion du discours. » (Oger 2005, p.113). L'institution peut se définir comme « tout dispositif qui délimite l’exercice de la fonction énonciative, le statut des énonciateurs comme celui des destinataires, les types de contenus que l’on peut et doit dire, les circonstances d’énonciation légitimes pour un tel questionnement » (Maingueneau 1991, cité dans Oger 2005, p.113). Ainsi, « au sens large, le discours institutionnel (institutionnalisé et institutionnalisant) peut comprendre l’ensemble des discours que l’on peut considérer à des degrés divers comme des discours ''autorisés'' dans un milieu donné, sans référence nécessaire à l’État (…). Par conséquent, institution peut en venir à désigner l’ensemble des contraintes qui pèse sur l’exercice de la fonction énonciative ». (Oger et Ollivier-Yaniv 2003, p.128).

Mais l'on peut entendre le discours institutionnel dans un sens plus strict, à savoir « le discours produit officiellement par un énonciateur singulier ou collectif qui occupe une position juridiquement inscrite dans l’appareil d’État, qu’il soit fonctionnaire ou représentant politique. » (ibid., p.127). Ceci est souvent le cas pour les manuels, notamment pour ceux que nous étudions, car ils sont la plupart du temps écrits par des membres du ministère de l'Éducation (inspecteurs d'enseignement, conseillers pédagogiques ou enseignants). Le degré d'institutionnalisation du manuel peut sembler moindre dans les cas où le manuel relève d'une édition privée, et non de l'État. Cependant, dans les manuels de notre corpus, les manuels

d'édition privée font l'objet d'une procédure d'agrément, qui les soumet à la validation d'un comité représentant le ministère de tutelle.

Les manuels scolaires sont des discours institutionnels signés par des auteurs (du moins c'est le cas dans notre corpus), mais où l'effacement de l'énonciateur est constitutif (absence de « je »). Ce qui, selon les interprétations, peut conduire à les concevoir soit comme des discours sans sujet, la voix d'une idéologie sans visage, soit comme des discours polyphoniques (écrits par des équipes d'auteurs) dont l'énonciation est presque impossible à attribuer à des individus. L'analyste peut alors opter soit pour une figure théorique d'énonciateur-auteur unique, soit pour une responsabilité collective et diluée... Nous n'entrerons pas dans ce vaste débat, nous nous contenterons de voir ce que les positionnements énonciatifs relevés dans les manuels manifestent dans le cadre d'une énonciation située, et forcément autorisée, qui contribue à reconduire les pratiques tout en les transformant.

« Le discours pédagogique est le plus idéologique de tous les discours. » (Reboul 1984, p.9). Le même auteur ajoute que l'éducation « ne peut pas ne pas être idéologique. Son discours véhicule nécessairement des projets, des buts, des valeurs qui ne seront jamais objectifs et qui seront toujours en conflit avec d'autres. Et je n'imagine pas qu'il puisse en être autrement. Un discours pédagogique sans idéologie serait un discours vide. » (ibid., p.165).

Bien entendu, en tant qu'énonciation légitime, le manuel est fréquemment vu comme vecteur d'idéologies. D'une part il peut l'être au titre de n'importe quel discours institutionnel, et d'autre part il est particulièrement sensible à la question de la légitimité des savoirs sur le monde, puisqu'il est en même temps un vecteur de ce savoir. En effet, le soubassement idéologique ou axiologique (dans le sens d'une transmission de valeurs morales et comportementales) du manuel n'est ni séparable des savoirs qu'il transmet, ni de leur mise en mots. Beacco et Moirand résument bien ce fait lorsqu'ils définissent les discours didactiques :

« Idéologies, opinions, représentations sociales, schématisations comme objets sémiotiques sont ainsi devenues autant de formes de ces ''contenus'' discursifs que l'analyse entend mettre en évidence. Doxa, sans aucun doute, mais aussi épistèmè puisque la transmission du savoir, qu'il soit ou non transposé par rapport à une formulation tenue pour originelle, implique le montage discursif de ses propres objets cognitifs qui ne pré-existent pas au discours nécessairement sous leur forme définitive. » (Beacco et Moirand 1995, p.45).

Savoirs et opinions ne sont pas dissociables dans les manuels, et c'est précisément ce qui fait leur force idéologique de « discours de vérité » :

« les manuels, forme intermédiaire de transmission entre enseignant et apprenant, peuvent donner un éclairage pertinent sur les savoirs qu'une société juge utiles de transmettre, mais aussi sur les idées, les préjugés, les représentations véhiculées par cette société et sous-jacentes aux

choix des connaissances transmises. (…) Une société qui bâtit ses propres manuels y insuffle en effet ses valeurs traditionnelles (…) autant que ses savoirs. » (Verdelhan-Bourgade et al. 2007, p.7).

Et « l'enseignement d'une langue n'est pas seulement de l'ordre du linguistique : y interviennent des facteurs culturels et politiques. » (ibid., p.8). Dans cette perspective, les manuels ne sont pas « de simples reflets des relations entre États, des perceptions de l'histoire, la leur ou celle des autres, à un moment donné. Ils aident aussi à construire la nation, ou du moins, une certaine idée de celle-ci. » (ibid.).

Le manuel joue bien sûr un rôle fondamental dans la perpétuation de l'imaginaire qu'une société se donne d'elle-même ; l'école vise à transmettre la représentation d'une continuité dans le temps du « moi collectif imaginaire » que représente la nation, garante d'une cohésion entre les citoyens. Cependant il remplit ce rôle tout en positionnant son discours par rapport aux contraintes socio-politiques du moment, pour continuer de viser un état idéal de socialité qui suggère des réactions (cognitives ou comportementales) à ceux qu'elle éduque.

« Le manuel est le reflet de la société, ou plutôt de ce que les contemporains voudraient qu'elle soit. Il est donc investi d'une fonction, celle de véhiculer des valeurs qui, suivant les lieux et les époques, peuvent considérablement varier. » (Choppin 1992, p.163).

Il est ainsi marqué d'« une impossible neutralité » (ibid., p.164). Indépendamment des contraintes inhérentes au genre, il est « le principal vecteur des valeurs que transmet l'institution scolaire : le choix de la langue (…) et du style (…), la sélection des sujets et des textes, l'organisation et la hiérarchisation des connaissances, obéissent à des objectifs politiques, moraux, religieux, esthétiques, idéologiques, le plus souvent implicites. » (ibid.). Le manuel est donc un vecteur complexe de socialisation. Il se présente « comme un condensé de la société qui le produit ; il est donc historiquement et géographiquement déterminé ». Tout en étant un support des connaissances scolaires, « le manuel est le miroir dans lequel se reflète l'image que la société veut donner d'elle-même ; c'est donc un reflet déformé, incomplet, souvent idéalisé. » En cela « le manuel est révélateur, par ce qu'il dit autant que par ce qu'il tait, de l'état des connaissances d'une époque ainsi que des principaux aspects et stéréotypes d'une société. ». Finalement, comme tous les médias largement diffusés, « le manuel participe étroitement du processus de socialisation, d'acculturation, voire, sous des régimes totalitaires, d'endoctrinement du jeune public auquel il s'adresse. » (ibid., p.19-20). Nous pouvons donc considérer que les différents types de relations représentées pourront servir de modèles sociétaux à l'apprenant, de modèles de socialisation. Le manuel s'inscrit en même temps dans un double mouvement de stabilisation et d'évolution, caractéristique de tout discours idéologique. Fruit d'une énonciation légitime, il est en même temps le facteur d'une

production d'un « ethos légitime » (Oger 2005, p.122). Ainsi, le manuel est avant tout une « médiation » : « Le manuel construit, dans un cadre institutionnel, un rapport entre un sujet scolaire et un savoir. Il est essentiellement médiateur entre ces deux instances. » (Demougin 1998, p.55).

1.3 Le manuel comme médiation

Cette médiation se fait de façon complexe, toute transposition didactique de savoirs savants aux savoirs scolaires passant par le crible des valeurs éducatives nationales :

« Lieu de construction d'un ''rapport à'', le manuel échappe pour une part à son projet didactique affiché et met en jeu des valeurs sociales et culturelles. Comprendre le discours du manuel, c'est, à côté de la nécessaire identification de ses choix scientifiques et didactiques, être en mesure de saisir son fonctionnement médiateur et de déterminer quelles valeurs il peut produire. » (ibid., p.3).

En cela le manuel est vecteur de socialisation, puisqu'il transmet des valeurs morales et comportementales à l'élève. Les manuels de LE/S ont une vocation de socialisation particulière du fait de la représentation d'Autres dans son discours, comme l'a bien exprimé Geneviève Zarate :

« les outils d'enseignement des langues vivantes présentent un intérêt sociologique particulier : ils mettent à plat la relation à l'étranger qu'une société donnée veut offrir en modèle à ceux qu'elle éduque. Leur intérêt est d'autant plus grand que cette relation est exacerbée, les manuels offrant sous une forme concentrée ce qui est généralement présent dans cette société de façon elliptique et disséminée. » (Zarate 1993, p.11)

« Les manuels scolaires de langue sont très sensibles aux fluctuations des relations géopolitiques. (...) Ils sont de véritables objets d'histoire, témoignant des conditions de socialisation d'une génération donnée dans un pays donné et de l'état des relations entre des parties du monde tel qu'il fut vulgarisé. » (ibid., p.25)

Identifier les relations qui se construisent autour du manuel revient à se poser la question suivante : « quels sujets, quels savoirs, pour quelles pratiques ? (…) le manuel est considéré comme une manifestation de l'Institution, une instance discursive, partie d'une formation discursive. » (Demougin 1998, p.56). Ce qui implique de poser le problème de sa fabrication, qui résulte toujours d'un compromis entre des instances multiples :

« le discours du manuel est un compromis assumé par un énonciateur principal (les concepteurs, eux-mêmes membres de l'Institution), entre les nécessités du marché (quantité de textes, droits d'auteurs, illustrations, mise en page...), les travaux de recherche (choix de théories, d'approches, de notions...) et les exigences explicites de l'Institution (programmes, listes de textes...). En fonction de ces paramètres, le manuel assigne au sujet scolaire une place dans l'Institution (des fonctions, une activité, des savoirs à acquérir, un rôle à tenir, des postures) ». (ibid.)

C'est dans ces conditions complexes que le manuel « construit le sujet scolaire, fonde pour une part l'identité de l'élève », sachant que les co-énonciateurs sont divers, « ses

destinataires étant l'élève lui-même (interpellation du sujet dans une logique en miroir), les professeurs (fabrication d'une représentation idéale de l'élève), éventuellement les parents (image de leur enfant comme élève). » (ibid.). Le manuel se présente donc comme un objet textuel fortement polyphonique, dans son énonciation comme dans sa co-énonciation.

1.4 Un objet fortement polyphonique

Le manuel est au carrefour d'une énonciation complexe ; il fait entendre aussi bien les valeurs éducatives de la nation que les choix des divers concepteurs.

Les phénomènes d'interdiscursivité sont par conséquent multiples, le discours du manuel entrant en résonnance avec des textes institutionnels notamment, comme les programmes officiels d'enseignement, mais aussi, plus largement avec l'ensemble des sphères de discours de la société. Le manuel doit en principe refléter les directives officielles, et doit sélectionner, parmi les discours sociaux, ceux qu'il relaiera et confortera, et ceux contre lesquels il s'inscrira. Sur cette question, le rôle et la responsabilité de l'auteur de manuel sont controversés. Certains le considèrent comme tout puissant, d'autres ne lui concèdent qu'une faible part de responsabilité dans le contenu du manuel. Intervient notamment le rôle joué par la maison d'édition et les nécessités du marché telles qu'elles apparaissent à l'éditeur. Pour Capelle, l'auteur possède une grande marge de manœuvre : « Selon la formation et l'expérience de l'auteur, selon son appréhension des variables de la situation, selon ses axes de recherche du moment, de multiples orientations peuvent être données à l'écriture. » (Capelle 1997, p.27). Pour Zarate au contraire, l'auteur de manuel est « au mieux co-responsable de son contenu » :

« Dans la réalisation de son ouvrage, sa responsabilité est engagée pour une part moins importante qu'il n'y paraît. Un auteur de manuel scolaire n'est pas auteur au même titre qu'un romancier. Il n'est que l'un des acteurs engagés dans la conception et la fabrication d'un outil d'enseignement : responsable éditorial, concepteur graphique, maquettiste, personne chargée des recherches iconographiques (…) imposent la logique de leur profession, parfois aux dépens des intentions initiales de l'auteur. Ce n'est pas lui qui coordonne l'action de ces co-intervenants, tout au plus peut-il suggérer, proposer, selon la reconnaissance professionnelle que lui accorde son éditeur. (…) » (Zarate 1993, p.45)

Zarate insiste sur l'aspect éditorial et commercial de la conception du livre : « les stratégies de diffusion et de vente entrent en jeu dès la conception du manuel », ainsi que sur le rôle des « conseillers pédagogiques » des maisons d'édition : « Leurs représentations du marché scolaire et de la demande des enseignants, recueillies de façon empirique au cours de leurs tournées sur le terrain, seront décisives » (ibid.). Ce qui a des implications parfois problématiques pour la mise en œuvre d'options didactiques :

« De ce fonctionnement, une règle commerciale se dégage : plus un matériel d'enseignement est innovant, moins il a de chances de bénéficier d'une grande diffusion. La motivation des élèves, la réponse précise qu'un matériel peut apporter à une situation de formation particulière, l'évolution méthodologique, arguments promotionnels toujours évoqués pour déclencher une commande, n'interviennent qu'après la prise en compte de ces contraintes économiques et commerciales. » (ibid., p.46)

Il ne nous appartient pas de trancher la question de la responsabilité de l'auteur dans la présente étude, nous nous contentons de la soulever.

Par ailleurs, en tant que discours de transmission des connaissances, le manuel est un « discours second », c'est-à-dire qu'il entretient un rapport privilégié aux discours premiers, qui sont les discours scientifiques de référence de sa discipline (Beacco et Moirand 1995, p.33). À propos de la notion de didacticité, ces auteurs écrivent :

« Les discours didactiques (globalement les discours d'enseignement) relèvent en tout cas des discours seconds dont ils constituent un sous-ensemble, en tant que reformulations des discours-sources d'une discipline particulière vers des publics moins savants. Mais, à la différence de la vulgarisation scientifique, ils s'adressent à des destinataires bien définis (par niveau, par année...) se formant précisément à cette discipline ; ils sont fortement contraints par le cadre institutionnel dans lequel ils s'insèrent et ils sont énoncés par des auteurs du domaine, dont les places sont clairement établies, voire hiérarchisées. » (ibid., p.39-40).

La didacticité se définit ainsi par une situation de communication particulière :

« A côté des discours de recherche dont la fonction vise à faire avancer l'état des connaissances du domaine, ils cherchent plutôt à faire avancer l'état des connaissances chez l'autre, à l'intérieur d'une situation ritualisée, régie par un contrat préalable tacitement accepté par les interlocuteurs. Ainsi, une situation de communication didactique s'analyse au travers des contraintes et des hiérarchies, des normes et des routines qui la caractérisent, et repose sur une visée qui se doit d'aller au-delà de la transmission de connaissances, jusqu'à l'appropriation par le destinataire des savoirs et savoir-faire transmis (« je vous dis cela pour que vous le sachiez » ou « je vous dis cela pour que vous le fassiez ») et, plus encore, jusqu'à l'évaluation, généralement quantifiée, de ce qui a été appris. » (ibid.).

La co-énonciation est également complexe, puisque, comme nous l'avons vu, le manuel adresse son discours aux apprenants, aux enseignants, et même parfois aux familles.

Documents relatifs