• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4 : LES PRATIQUES ORGANISATIONNELLES ET INSTITUTIONNELLES DES ENTREPRISES

4.2 Les pratiques démocratiques selon les organismes de soutien

4.2.2 Les contraintes de la vie démocratique

4.2.2.4 Manque de transparence

Selon les participants issus d’organismes de soutien, une saine vie démocratique exige des pratiques que certaines entreprises peinent à respecter. « Oui parce qu’il n’y a que des avantages finalement à la démocratie, sauf que des fois il y a des embûches, on [l’entreprise d’économie sociale] trouve ça tannant » (FG 56). À titre d’exemple, plusieurs répondants ont parlé d’entreprises qui étaient gérées par un petit groupe fermé. Ils voient cela comme une atteinte à la vie démocratique : […] il se crée des petits comités exécutifs avec deux, trois personnes et dans tous les cas ce n’est pas vraiment sain » (FG 58).

La gestion démocratique des entreprises d’économie sociale ne fait pas référence qu’à des considérations internes, elle englobe aussi une transparence dans les rapports avec les acteurs externes. Un répondant émet des doutes sur la bonne gestion de ces organisations.

Un des éléments importants qui fait en sorte qu’il y a des problèmes au niveau de la vie démocratique et de gestion au sein des organismes, je pense que c’est le manque de conscience […] Dans beaucoup d’organisations de type traditionnel, les gens sont obligés de faire leur rapport de taxes, ils sont obligés de payer des impôts. Dans les organismes à but non lucratif, dans beaucoup d’organisations de type d’économie sociale, on fait en sorte que ces contrôles-là existent peu ou pas […] (FG 59).

Pour remédier à cette situation, les répondants croient qu’on doit exiger des comptes : « Et je pense que la société aurait un devoir d’organiser un peu cette partie-là, de façon à ce que les organismes d’économie sociale aient un certain nombre de devoirs à respecter […] » (FG 52). On pense aussi que la solution évoquée plus tôt, celle de la formation des administrateurs, pourrait assurer la transparence dans la gestion des entreprises d’économie sociale.

Le recrutement du personnel de direction a fait l’objet de critiques de la part des organismes de soutien. En effet, il peut arriver que le recrutement du personnel de la direction soit influencé par l’intérêt personnel des administrateurs : « Je travaille plus dans les milieux ruraux, donc les communautés de 300 personnes qui se connaissent tous et c’est facile de rentrer le beau-frère et la belle-sœur » (FG 58).

Pour lutter contre ce phénomène, une entreprise d’économie sociale a procédé à des offres d’emploi pour recruter les membres de son conseil d’administration. Concrètement, cette entreprise propose de déterminer le profil des personnes recherchées en faisant remplir des formulaires aux éventuels candidats. L’exercice consiste à recruter des personnes pour leurs compétences et non pour les rapports qu’elles entretiennent avec des membres du conseil d’administration : « Et on voulait essayer d’arrêter de rentrer le beau-frère et la belle-sœur pour essayer de diversifier plus, on a créé dans le fond, avec d’autres gens, une offre d’emploi carrément. Et quand il faut recruter les membres des conseils d’administration, tout le monde a ce formulaire-là […] (FG 58).

L’idée de vouloir résoudre les problèmes démocratiques rencontrés par les entreprises d’économie sociale par un encadrement plus rigoureux du recrutement de nouveaux administrateurs a fait l’objet d’un vif débat. Certains répondants allèguent que la motivation première des personnes qui s’engagent dans les entreprises d’économie sociale consiste à améliorer les conditions de vie de leur communauté. C’est qui fait dire à un répondant : « Je crois à la participation citoyenne, ça, c’est la base » (FG 59). L’essentiel pour cette personne est de donner à chacun l’occasion de mettre la main à la pâte : « Et je pense qu’il faut impliquer […]. Même si c’est sa belle-sœur, en milieu rural, ce n’est pas grave, ils vont avoir un petit comité, ils vont participer » (FG 59). Pour certains, cette pratique écarterait les personnes qui ne détiennent pas les expertises requises, mais qui auraient envie de s’impliquer. Ainsi, les liens qui peuvent unir les membres en dehors de l’entreprise ne devraient pas favoriser la suspicion quant à leur franche implication. Les répondants ont aussi soulevé des dangers quant à la question de la professionnalisation des bénévoles au conseil d’administration.

Moi je trouve ça intéressant, par contre je trouve que le danger c’est justement de trop fermer le volontariat […]. Je parle des jeunes ou des gens qui ont beaucoup de volonté, mais qui n’ont pas nécessairement les compétences, qui peuvent avoir beaucoup de contacts, ils peuvent avoir beaucoup de créativité, beaucoup d’imagination, mais qui ne correspondent pas au profil recherché (FG 57).

Pour plusieurs répondants si la pratique de recrutement par offre d’emploi était mise en pratique par l’ensemble des organisations d’économie sociale, il y aurait un risque pour toute la dynamique communautaire. Celle-ci pourrait ainsi s’effriter et décourager la motivation et l’implication des bénévoles, qui assurent le fonctionnement quotidien d’une bonne partie des organisations issues de l’économie sociale.

4.3 En bref…

Nos résultats montrent que la démocratie est importante pour l’ensemble des acteurs de l’économie sociale. Seulement, dans de nombreux cas, la mise en pratique de ces principes pose problème. Entre autres, il s’avère difficile de recruter de nouveaux membres, particulièrement des jeunes. De ce problème en découlent d’autres, comme celui des conseils d’administration qui peinent à se renouveler et où les membres manquent parfois de compétences adéquates. Par contre, soulignons que certaines organisations interrogées ne rencontraient aucun de ces problèmes et avaient une vie démocratique très enrichissante.

Documents relatifs