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Un manque d’intérêt de l’Union européenne pour les bibliothèques de

Chapitre 1 : Union européenne et bibliothèques de lecture publique : quels

1.4 Union européenne et bibliothèques : bilans et perspectives

1.4.1 Un manque d’intérêt de l’Union européenne pour les bibliothèques de

pour les bibliothèques de lecture publique ?

1.4.1.1

Les bibliothèques : pas une priorité pour l’Union

européenne ?

Un des bibliothécaires interviewés dans le cadre de ce mémoire estimait que « l’Europe a bien d’autres choses à faire avant d’avancer sur le plan des bibliothèques »63. En 1998, dans un rapport adopté par le Parlement européen, Mirja Ryynänen constatait « que la part cumulée du secteur des bibliothèques dans le produit intérieur brut de l’Union [était] d’environ 0,4 % »64, jugeant cette proportion insuffisante au regard des 240 000 personnes employées dans les bibliothèques européennes et répondant à « des besoins informatifs et culturels extrêmement différents »65. Est-ce à dire que les bibliothèques ne sont pas suffisamment prises en compte par l’Union européenne ?

Françoise Danset estimait en 2001 que les bibliothèques n’étaient prises en compte que sur un plan économique :

On pouvait […] attendre une politique européenne des bibliothèques développant des objectifs culturels, pédagogiques ou patrimoniaux. Mais aujourd’hui, on constate que c’est le domaine économique et juridique qui prime, et la réglementation s’est déplacée sur le terrain de la propriété intellectuelle.66

Quant à Corinne de Munain, elle admet que « le terme ‘culture’ apparaît peu dans les priorités des financeurs européens pour la période 2007-2013, qui vont à la recherche, à

63 Cf. Entretien Bpi, annexe XII p. 155.

64 Mirja RYYNANEN,Rapport sur le rôle des bibliothèques dans la société moderne, A4-0248/98, 25 juin 1998, p.6, [en ligne], < http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=- //EP//NONSGML+REPORT+A4-1998-0248+0+DOC+PDF+V0//FR>, consulté le 22 juillet 2008.

65 Ibid.

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l’éducation et à la formation pour améliorer l’emploi et la cohésion sociale »67, mais pense que les missions diverses des bibliothèques leur permettent tout de même de s’inscrire dans de nombreux programmes européens. Peut-être peut-on penser qu’il s’agit plutôt d’un « manque de visibilité des bibliothèques à l’intérieur [des programmes européens] »68.

Si les bibliothèques sont présentes dans les programmes européens, l’action en leur faveur semble être à tout le moins méconnue et probablement insuffisante pour répondre aux défis posés aux bibliothèques par l’évolution de leur environnement et de leurs missions. On peut poursuivre le questionnement en se demandant quelle place occupent les bibliothèques de lecture publique au sein de ces programmes.

1.4.1.2

Un accent mis sur le patrimoine au détriment d’autres

missions des bibliothèques ?

L’appel, en 2006, du forum NAPLE a déjà été présenté en introduction69. Pour rappel, l’association y reprochait à la Commission européenne de privilégier les projets de numérisation et d’accès à l’héritage culturel européen, au détriment des autres missions des bibliothèques. L’appel se terminait sur une injonction à la Commission européenne :

The representatives of the national authorities on public libraries in Europe […] call on the European Commission to recognise the diverse roles which public library authorities play in the cultural and multicultural sphere as well as of the civic knowledge society, and the potential of the collective European public library network to promote social wellbeing, equal opportunities, harmony and integration.70

Cet appel collectif, lancé par les représentants de 18 pays européens, pose question. L’Union européenne favorise-t-elle réellement les projets liés à la numérisation et la diffusion du patrimoine culturel ?

67 DE MUNAIN, « Union européenne et bibliothèques », p.6. 68 Introduction au « Dossier Europe », in Bibliothèque(s) n°22, p.9. 69 Cf. Supra note 5 p.12.

70 Naple, Appeal to the European Commission, p.5. Nous traduisons : « Les représentants des autorités nationales des bibliothèques publiques en Europe |…] demandent à la Commission européenne de reconnaître les rôles divers joués par ces autorités dans les sphères culturelle et multiculturelle ainsi que dans la société de la connaissance, et le potentiel du réseau collectif des bibliothèques publiques européennes de promouvoir le bien-être social, l’égalité des chances, l’harmonie et l’intégration. »

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Afin d’esquisser une réponse à cette question, on peut s’intéresser à plusieurs facteurs. Tout d’abord, il est vrai que beaucoup de projets sont liés à l’environnement numérique. C’est le cas non seulement de ceux qui sont financés par la DG Société de l’information et des médias, mais aussi de ceux qui relèvent de la DG Education et culture, puisque Animaliter mis à part, la totalité des projets qui ont été présentés ici concerne les technologies de l’information. Cependant, parmi ces initiatives, seuls les portails The European Library et Europeana sont liés au patrimoine culturel, tandis que les autres concernent la lecture publique. Il semble donc y avoir plus de projets non patrimoniaux.

Ceci peut facilement être contredit par deux éléments. Tout d’abord, les financements accordés par la Commission européenne. Les projets qui concernent la lecture publique ont un budget de quelques centaines de milliers d’euros (400 000 € pour Animaliter, 270 000 € pour TUNE). Pour Europeana, le budget a été évalué à 225 millions d’euros, la moitié étant prise en charge par la Commission. Il n’y a donc pas de commune mesure entre les deux types de projets. Deuxième élément : il semble que depuis 2004, très peu de projets sur les bibliothèques publiques aient été mis en place – Animaliter et Calimera sont des cas isolés. En revanche, c’est depuis 2004 que la bibliothèque numérique européenne prend forme.

Naple a donc bien mis le doigt sur une contradiction entre les volontés affichées par l’Union européenne et les actions effectivement menées. L’appel évoque en particulier le rapport de Mirja Ryynäken sur « le rôle des bibliothèques dans la société moderne », dans lequel l’importance des bibliothèques pour la société est réaffirmée :

[…] les bibliothèques doivent être prises en considération dans les stratégies de l’Union européenne concernant la société de l’information, dans les projets et les programmes dans les domaines de la culture, des contenus, de l’éducation et de l’information ainsi que lors des décisions budgétaires correspondantes, dans la mesure où elles constituent l’un des instruments les plus importants pour l’organisation systématique de l’accès à la connaissance et à la culture.71

Tout en nuançant la position de Naple et en admettant que les missions d’information, de formation et de développement culturel sont, dans une certaine mesure, pris en compte par les programmes européens, on constate donc que les priorités vont, actuellement du moins, à la numérisation et à la diffusion du patrimoine culturel.

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