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Avec les problèmes d’accès aux services de réadaptation en déficience physique, le manque de services de soutien à domicile est sans doute le problème le plus souvent évoqué dans les portraits régionaux. En effet, presque tous les portraits régionaux font état d’un manque de ressources dans les CLSC pour couvrir les besoins des personnes ayant une déficience physique. Ce manque de ressources peut se traduire, selon les cas, par des listes d’attente, par un nombre d’heures de services accordées insuffisant, ou encore par un taux horaire jugé trop bas dans le cas du chèque emploi service, ce qui peut occasionner des difficultés de recrutement de travailleurs dits « de gré à gré ». Dans quelques régions, on a évoqué le fait que l’avènement du virage ambulatoire aurait entraîné une diminution des heures de services accordées aux personnes handicapées au profit des personnes post-hospitalisées.

Ce problème d’accès à des services de soutien à domicile suffisants est largement reconnu par le ministère (MSSS, 2002 : 54-55; MSSS, 2003a : 41), qui note notamment « les écarts importants entre les besoins et les services offerts », ce qui peut parfois conduire à « l’institutionnalisation par défaut » (MSSS, 2003a : 41). Or, dans un contexte où l’on privilégie le maintien des personnes en milieu naturel, le maintien des personnes dans leur résidence ou en logement est largement tributaire de la disponibilité de services de soutien à domicile, qui

constituent, aux dires même du ministère, « la base incontournable de l’intégration et de la participation sociales » (MSSS, 2003a : 41). De toute évidence, les services de soutien à domicile doivent être rehaussés de façon

significative.

Les services de soutien à domicile devront être rehaussés d’autant plus avec le développement projeté de nouvelles formules de logements adaptés, tel que souhaité dans les récentes orientations ministérielles en déficience physique. De plus, le mouvement amorcé vers le développement du logement autonome en déficience intellectuelle et en santé mentale commandera un rehaussement important des services de soutien à domicile, et ceci dans un contexte déjà déficitaire en déficience physique.

Non seulement faudra-t-il augmenter de façon substantielle la disponibilité de services de soutien à domicile mais, bien qu’elle se présente clairement comme multiclientèle47, la récente politique de soutien à domicile apparaît peu adaptée pour les personnes ayant une déficience intellectuelle ou un problème de santé mentale. La nature des besoins en déficience intellectuelle et en santé mentale est en effet bien différente de ce que l’on retrouve en déficience physique, ceux-ci étant davantage de l’ordre du « soutien civique » tels l’aide à la gestion du budget, l’aide pour prendre des rendez-vous médicaux, le rappel de la prise de médicaments, l’aide pour faire des courses, etc. D’ailleurs, autant dans les orientations ministérielles en déficience intellectuelle que dans celles en santé mentale, on ne parle pas nommément de services de « soutien à domicile », mais plutôt « d’assistance relative au logement autonome » (MSSS, 2001a : 59), ou encore de services de « soutien en logement » (MSSS, 1998 : 20; MSSS, 2001c : 21; MSSS, 2005; 53-54).

D’ailleurs, il s’agit là de notions qu’il y aura lieu de clarifier : dans le cadre des efforts de développement du logement avec support communautaire en déficience intellectuelle et en santé mentale, doit-on parler de services de soutien « à domicile » ou de services de soutien « en logement » ? En d’autres termes, faut-il élargir l’offre de services de soutien à domicile sous la responsabilité des CSSS, ou plutôt développer l’offre de services de soutien en logement sous la responsabilité des CRDI et des intervenants du domaine de la santé mentale ? Cela pose, entre autres, la question des services spécialisés, qui relèvent des établissements spécialisés tels les CRDI et les intervenants sociaux des CSSS, versus les services courants, qui ne requièrent pas une intervention spécialisée.

En santé mentale, le Plan 2005-2010 confie ce rôle de « soutien » en logement aux CSSS (MSSS, 2005 : 54). Il devrait logiquement en être ainsi en déficience intellectuelle si l’on considère que des services tels l’aide à la gestion du budget ou l’aide pour faire des courses, par exemple, ne constituent pas des services spécialisés. Cette façon de faire s’inscrirait dans le mouvement plus large visant une implication plus grande des CSSS en déficience intellectuelle, dans les services de première ligne, et une concentration des CRDI, établissements spécialisés, dans les services spécialisés. C’est d’ailleurs l’orientation qui se dégage du tout récent cadre de référence entre les CSSS et les CRDI48. Plus globalement, cela s’inscrirait dans cette nouvelle approche préconisée par certains CRDI à l’effet que, les personnes ayant une déficience intellectuelle vivant davantage dans la communauté, le rôle des CRDI consiste davantage à soutenir, par leur expertise, les divers intervenants de la communauté, plutôt que de tout prendre en charge « de la vie à la mort » comme ce fut le cas historiquement.

47 Par rapport au cadre de référence de 1997, la politique de soutien à domicile de 2003 reconnaît que les services de soutien à domicile ne s’adressent pas principalement aux personnes âgées, mais à « toute personne ayant une incapacité temporaire ou persistante », incluant celle ayant une déficience physique, celle ayant une déficience intellectuelle ou un problème de santé mentale, et ce « sans distinction » (MSSS, 2003b : 3, 16 et 30).

48 Cadre de référence national pour la conclusion d’ententes de services entre les centres de santé et de services sociaux et les centres de

Quoiqu’il en soit de cette question, il ressort nettement que, avec les développements que l’on devrait voir poindre en matière de logement, la disponibilité de services de soutien à domicile (ou de soutien « en logement ») devra être augmentée de façon très importante et couvrir bien au-delà de la réponse aux besoins actuels, une couverture qui est déjà largement déficitaire. Alléguant que les services à domicile « ne forment pas un nouveau champ de services, mais bien une nouvelle manière d’offrir les services », la politique de soutien à domicile privilégie, pour ce faire, la « substitution à des services existants plutôt que le simple ajout » (MSSS, 2003b : 29). Bien que nous adhérions à cette affirmation, l’injection d’argent neuf dans les services de soutien à domicile nous apparaît

néanmoins incontournable compte tenu des besoins immenses à couvrir, aujourd’hui et pour l’avenir.