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Non seulement les organismes du secteur de l’économie sociale occupent-ils une place de plus en plus grande dans l’offre de services aux personnes ayant une déficience physique, l’analyse des portraits régionaux et des monographies régionales nous amène à faire le constat qu’ils sont aussi souvent porteurs d’initiatives nouvelles, de pratiques novatrices et qui, dans certains cas, répondent à des besoins ressentis à la grandeur du Québec et dont l’initiative peut-être généralisable ou a commencé à l’être.

21 À cet égard, la région Nord-du-Québec présente des traits tout à fait particuliers. 22

C’est le cas, notamment, des nombreuses initiatives que nous avons répertoriées en ce qui a trait au développement d’alternatives à l’hébergement en CHSLD, qu’il s’agisse de résidences adaptées ou de différentes formules d’îlot résidentiel permettant aux personnes ayant une déficience physique de vivre en logement. C’est le cas également des maisons de répit ou autres ressources de répit qui, bien que souvent réalisées en partenariat avec le secteur public, sont nées le plus souvent à l’initiative d’organismes communautaires. Nous avons vu également différentes initiatives dans le domaine de l’intégration au travail, notamment en Mauricie où, avec le projet Concentra, on a développé un « modèle alternatif de travail » et dans lequel des entreprise d’économie sociale permettent à des personnes lourdement handicapées de travailler23. Le projet Les Pousses vertes en Estrie constitue également un exemple intéressant d’innovation en mettant à contribution le secteur privé.

Nous avons répertorié une foule d’autres initiatives qui démontrent la créativité des milieux. Par exemple, dans les Laurentides, l’Association régionale de loisirs pour les personnes handicapées (ARLPH) a initié, en collaboration avec le CRDP et le CRDI, la « vignette d’accompagnement touristique et de loisir », qui permet la gratuité d’accès dans les sites touristiques aux personnes qui accompagnent une personne handicapée. Dans les Laurentides également, la même association a suscité l’émergence d’une entreprise d’économie sociale, « Acco-Loisirs » qui, en plus d’offrir des fins de semaine de répit, « prend en charge et anime des activités de loisirs (…) en collaboration avec des municipalités » (Belleau-Nantel, 2004 : 91).

Il ne s’agit pas ici d’affirmer que les organismes du secteur de l’économie sociale ont le monopole de l’innovation. Au contraire, nous avons également répertorié beaucoup de pratiques novatrices émanant d’établissements ou d’organismes publics. C’est le cas, par exemple, du projet de télé-réadaptation en Mauricie visant à desservir la population de La Tuque, ville située à plus de 100 kilomètres de Trois-Rivières, ou encore des services de réadaptation à domicile offerts par le centre de réadaptation de l’Estrie. Autre exemple, dans la région de Chaudière-Appalaches, le CRDP assure sa présence en classe maternelle pour les enfants ayant un trouble sévère du langage dans le cadre d’une « responsabilité partagée entre les deux ministères » (Cloutier, 2004 : 74). Un projet- pilote initié par un organisme communautaire et impliquant le CRDP, la régie régionale de la santé et des services sociaux et une commission scolaire a conduit à un service semblable dans les Laurentides, avec l’ajout d’un volet de soutien au personnel enseignant. Dans les Laurentides également, nous avons répertorié un projet impliquant le CRDP, une commission scolaire et deux centres de la petite enfance (CPE) et visant à commencer la scolarisation des enfants de 4 ans en CPE.

Ces quelques exemples (et il ne s’agit que de quelques exemples) démontrent sans aucun doute que les pratiques novatrices peuvent également naître des établissements et organismes du secteur public. Si nous insistons toutefois sur l’apport des organismes du secteur de l’économie sociale, c’est que non seulement apportent-ils une contribution supplémentaire à l’offre de services mais, davantage que les établissements publics nous semblent-ils, ils contribuent à améliorer les pratiques, voire les politiques sociales lorsque leurs initiatives deviennent des domaines d’intervention qui se généralisent, comme c’est le cas, par exemple, avec les nombreux projets de logements regroupés en îlot résidentiel en alternative au placement en CHSLD. D’ailleurs, dans les orientations de 1995, il s’agit du seul domaine dans lequel on reconnaît de façon spécifique l’apport des organismes du secteur de l’économie sociale et que l’on appelle à soutenir leurs initiatives en cette matière (MSSS, 1995 : 53). Cette

23 Si la recherche de Mercier et al. (2005) conclue à un succès plutôt mitigé sur l’expérience de Consentra comme « consortium », elle met par ailleurs en évidence comment les entreprises membres du consortium en elles-mêmes constituent une solution intéressante au plan de l’accès à des activités de travail pour les personnes lourdement handicapées, pour qui les programmes publics existants sont peu adaptés.

reconnaissance avait aussi été soulignée dans le « Portrait de situation des orientations ministérielles 1995 » (MSSS, 2002 : 5424), mais curieusement non reprise dans les orientations qui ont suivi en 2003.

Or, si nous insistons aussi sur l’apport des organismes du secteur de l’économie sociale dans les pratiques qui apparaissent innovantes, c’est justement parce que cet apport ne nous apparaît pas suffisamment reconnu. Ainsi, au Québec, les organismes communautaires intervenant auprès des personnes ayant une déficience physique n’ont reçu en moyenne qu’un peu plus de 50 000 $ en 2004-2005 des Agences de développement des réseaux locaux de services de santé et de services sociaux (voir Annexe 1G)25. En ce qui a trait aux maisons de répit, par exemple, le compte- rendu des discussions tenues à Montréal lors d’une rencontre nationale en février 2004 par des personnes provenant d’une trentaine de maisons de répit ne laisse aucun doute quant aux difficultés qu’elles rencontrent dues au manque de reconnaissance et de financement : roulement de personnel; personnel bénévole et vieillissant; difficulté à desservir les clientèles plus lourdes; manque de formation; etc. (AQRIPH, 2004a : 15). Bref, il ne fait aucun doute que la contribution des organismes du secteur de l’économie sociale n’est pas suffisamment reconnue, non seulement pour le rôle qu’ils jouent dans l’offre de services, mais également et surtout pour leur rôle important sur le plan du renouvellement des pratiques.

Au-delà des initiatives individuelles, nous avons par ailleurs pu constater, dans plusieurs régions, le dynamisme évident des tables de concertation régionale pour l’intégration au travail des personnes handicapées. C’est ainsi par exemple que, dans le Bas-Saint-Laurent, la table régionale a initié des travaux de recherche portant sur la formation offerte au niveau secondaire pour les personnes handicapées, puis une autre sur les « représentations sociales » des employeurs vis-à-vis l’embauche des personnes handicapées. En Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine, la table régionale a initié un projet de soutien aux gestionnaires d’entreprises oeuvrant dans des secteurs d’emploi bien rémunéré pour favoriser l’embauche de personnes handicapées. Dans les Laurentides, la table régionale a créé un organisme du secteur de l’économie sociale voué exclusivement à la sensibilisation des employeurs.

Issus de partenariats locaux, les services de transport collectif que l’on retrouve dans plusieurs régions font certes également figure de pratique novatrice en permettant une intégration des modes de transport, une utilisation plus efficace des ressources présentes sur le territoire et, au moins potentiellement, un élargissement des heures de desserte. À titre d’exemple, à Sainte-Anne-des-Monts en Gaspésie, le service de transport collectif a « diversifié ses modes de transport ainsi que les heures d’accès et couvre maintenant l’ensemble de la MRC » (Kaltenback, 2004 : 85). Il a aussi élargit sa clientèle, de sorte que 1 300 personnes sont aujourd’hui inscrites au service de transport collectif. Les régions qui ont développé des services de transport collectif sont le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine, le Centre-du-Québec, l’Outaouais, la Capitale nationale et les Laurentides. Dans Lanaudière, dans le but de faciliter « l’interconnexion » entre les territoires, on a aussi fait œuvre originale en procédant au regroupement des OTA en un Conseil régional de transport, tout en conservant une gestion du service au palier local. On vise également l’intégration des modes de transport.

En somme, l’analyse que nous avons tirée des portraits régionaux et des monographies régionales montre qu’aucune région n’a le monopole de l’innovation et que celle-ci se retrouve dans toutes les régions du Québec. Globalement, la région des Laurentides apparaît toutefois particulièrement novatrice. Par ailleurs, dans des domaines particuliers, certaines régions semblent se démarquer. C’est le cas notamment des régions de Chaudière-Appalaches, de la Mauricie et du Centre-du-Québec en ce qui a trait au développement d’alternatives au placement en CHSLD. C’est

24 On y mentionne que « toutes les régions soulignent l’apport très important des organismes communautaires (OC) dans le domaine du soutien à l’intégration et de l’hébergement alternatif ».

25

aussi le cas des régions de la Montérégie, des Laurentides et de Montréal en ce qui a trait au développement de ressources de répit26.

Enfin, puisque l’innovation ne réside pas uniquement dans le développement de nouveaux services mais aussi dans les façons nouvelles de faire, soulignons que, en déficience physique, trois régions nous sont apparues particulièrement dynamiques au plan du partenariat. Il s’agit des régions de la Mauricie, des Laurentides et de l’Estrie. Par ailleurs, parmi les tables de concertation régionale pour l’intégration au travail des personnes handicapées, celles de sept régions nous sont apparues particulièrement dynamiques : Abitibi-Témiscamingue; Gaspésie/Îles-de-la-Madeleine; Mauricie; Centre-du-Québec; Laval; Montérégie; et Bas-Saint-Laurent.