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TABLE DES MATIERES

1. Déclin cognitif et démence Définitions et classifications

1.4. Contributions vasculaires au déclin cognitif

1.4.1. Maladies constitutives

1.4.1. Maladies constitutives

L’angiopathie cérébrale amyloïde ou CAA a été décrite pour la 1ère fois par Oppenheim en 1909 et est caractérisée par des dépôts de protéines β-amyloïde dans les vaisseaux leptoméningés (Sharma et al., 2018). La CAA survient principalement sous forme sporadique chez les personnes âgées, alors que des formes familiales rares surviennent chez des patients plus jeunes et conduisent généralement à des manifestations cliniques plus sévères. Cette maladie est maintenant reconnue comme étant une cause importante d’hémorragie intracérébrale (HIC) chez les personnes âgées, représentant jusqu’à 1/5 des HIC spontanées dans ce groupe démographique. Cependant, la CAA a de nombreuses autres caractéristiques cliniques et radiologiques permettant de poser son diagnostic (Biffi and Greenberg, 2011) (Tableau 1).

Classification Critères modifiés de Boston

CAA certaine Examen post-mortem complet démontrant :

● Hémorragie lobaire, corticale ou cortico-sous-corticale ● CAA sévère avec vasculopathie

● Absence d’autres lésions diagnostiquées

Probable CAA avec pathologie sous-jacente

Données cliniques et tissus pathologiques (après évacuation de l’hématome et biopsie corticale) démontrant :

● Hémorragie lobaire, corticale ou cortico-sous-corticale ● CAA modérée

● Absence d’autres lésions diagnostiquées

Probable CAA Données cliniques et neuroimagerie démontrant :

● Multiples hémorragies limitées aux régions lobaires, corticales ou cortico-sous-corticales (hémorragies cérébéleuses autorisées)

● Unique hémorragie lobaire, corticale ou sous-corticale accompagnée d’une sidérose corticale superficielle focale ou disséminée

● Age ≥ 55 ans

● Absence d’autres causes d’hémorragie ou de sidérose corticale superficielle

Possible CAA Données cliniques et neuroimagerie démontrant : ● Unique hémorragie lobaire, corticale ou sous-corticale ● Sidérose corticale superficielle focale ou disséminée ● Age ≥ 55 ans

● Absence d’autres causes d’hémorragie ou de sidérose corticale superficielle Tableau 1 : Critères de Boston modifiés pour le diagnostic de la CAA. Adapté de Sharma et al., 2018.

L’amyloïde-β retrouvé dans les vaisseaux est principalement présent sous sa forme hydrosoluble à 40 acides-aminés, ce qui contraste avec le taux important de la forme soluble

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de 42 acides aminés présente dans les plaques séniles des patients atteints de la MA. L’hypothèse la plus répandue pour expliquer les dépôts de l’amyloïde-β à l’intérieur des vaisseaux repose sur un défaut d’élimination de ces protéines le long du drainage vasculaire, associé à un défaut de clairance du système nerveux central au niveau du liquide interstitiel et à une production d’amyloïde-β par les neurones (Carare et al., 2013) (Figure 13).

Figure 13 : Dépôts d’amyloïde-β dans la membrane basale des parois artérielles leptoméningées (Anomalie

d’élimination de la protéine dans la CAA). A. Image en microscopie confocale montrant les cellules musculaires lisses (CML, en vert) associées aux cellules de la membrane basale (CMB, en bleu) englobant les dépôts d’amyloïde-β (Aβ, en rouge). Echelle : 10 µm. B. Images en microscopie électronique : accumulation progressive d’amyloïde-β dans la paroi d’une artère leptoméningée. A gauche : les immunomarquages de fibrilles minuscules d’amyloïde-β (petites granules noires-pointes de flèches) sont disposés en rangée au niveau de la membrane des CML. Au centre et à droite : les fibrilles d’amyloïde-β sont bien définies, disposées au hasard (doubles pointes de flèches) et se sont accumulées dans la membrane basale entre les CML. Les dommages engendrés à la base de la CMB sont liés à l’accumulation et à la polymérisation de fibrilles d’amyloïde-β. Adapté de Carare et al., 2013.

Dans les premiers stades de la maladie, les dépôts d’amyloïde-β sont limités à la membrane basale, entrainant un épaississement des vaisseaux concernés. Avec la progression de la maladie, la membrane devient saturée de dépôts. Ceux-ci atteignent alors les cellules musculaires lisses, entrainant un épaississement de la paroi vasculaire et provoquant une perte de la réactivité vasculaire normale (Sharma et al., 2018). En raison des effets cytotoxiques de l’amyloïde-β, il s’en suit une dégénérescence ultérieure et une perte au niveau du muscle lisse, entrainant un amincissement et une fragilité de la paroi du vaisseau, suspectée par la suite de la survenue de lésions hémorragiques (Zipfel et al., 2009). De plus, il est important de

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distinguer la CAA de la MA, malgré une forte association de symptômes. En effet, il peut y avoir jusqu’à plus de 90% des patients Alzheimer diagnostiqués également pour une CAA, mais seulement 25% des patients avec une CAA sont aussi atteints de la MA (Ellis et al., 1996).

Ces cinq dernières années, de nombreuses recherches ont démontré que la CAA montre diverses manifestations cliniques, liées à la présence de différentes lésions cérébrales (microinfarctus, microhémorragies, lésions de la substance blanche...). La CAA est ainsi associée à une atrophie cérébrale et à un déclin cognitif, et ce en l’absence d’AVC symptomatique (Case et al., 2016). Ces symptômes pourraient résulter de l’un ou d’une association des trois mécanismes suivants : 1/ les effets de la destruction tissulaire induite par les HIC, 2/ les effets d’une maladie associée telle que la MA, 3/ les effets d’autres mécanismes pathologiques non liés aux HIC ou à la MA (Figure 14).

Figure 14 : Déclin cognitif dans l’angiopathie cérébrale amyloïde. HIC : Hémorragie IntraCérébrale. MA :

Maladie d’Alzheimer. Adapté de Smith, 2018.

Une autre maladie vasculaire constitutive concernée par la mise en place d’un déclin cognitif est le CADASIL ou « Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy ». Cette maladie génétique est la cause monogénique la plus fréquente de la maladie cérébrovasculaire progressive de l’adulte. Le gène sous-jacent responsable de la maladie est le NOTCH3 qui code pour un récepteur transmembranaire

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trouvé dans les cellules musculaires lisses artérielles cérébrales et systémiques. Plus de 200 mutations dans le gène NOTCH3 ont été associées au CADASIL, la majorité étant des mutations faux-sens au niveau des résidus de cystéines, entrainant une perturbation de la structure et de la fonction des protéines (Liao et al., 2015). Les investigations microscopiques et structurelles montrent une artériopathie spécifique affectant principalement les petites artères pénétrantes et leptoméningées. Cette artériopathie est caractérisée par un épaississement de la paroi artérielle, conduisant à une sténose de la lumière vasculaire accompagnée de la présence de granules non amyloïdes (Figure 15).

Figure 15 : Lésions artérielles caractéristiques de CADASIL (Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy). A. Coupe d’une petite artère de la substance blanche cérébrale marquée avec un anticorps anti-NOTCH3. Noter l’épaississement de la paroi du vaisseau, la dégénérescence des cellules musculaires lisses (SMC) et les agrégats de NOTCH3 autour des cellules musculaires lisses résiduelles (flèches). B. Image en microscopie électronique d’une artère dermique montrant des cellules musculaires lisses irrégulières et de nombreux dépôts granulaires (flèches) situés dans la membrane basale des cellules musculaires lisses. Adapté de Chabriat et al., 2009.

Bien que la présentation clinique du CADASIL varie considérablement entre et au sein des familles, cette maladie est essentiellement caractérisée par 5 symptômes principaux : la migraine (avec ou sans aura), les évènements ischémiques sous-corticaux, les troubles de l’humeur, l’apathie et les troubles cognitifs. Ces symptômes varient en fréquence avec l’âge et la durée de la maladie (Chabriat et al., 2009). Le profil temporel des manifestations cliniques est résumé dans la figure 16. Bien que chacun des symptômes principaux puisse apparaître isolément, ils se produisent successivement. La migraine avec aura commence vers 30 ans, les évènements ischémiques et les troubles de l’humeur entre 40 et 60 ans, et la démence entre 50 et 60 ans. Les patients ont des difficultés à marcher aux alentours de 60 ans et ont une

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espérance de vie d’environ 65 ans pour les hommes et 71 ans pour les femmes (Chabriat et al., 2009).

Figure 16 : Evolution naturelle des principales manifestations cliniques du CADASIL. L’âge exact du début

et des premières anomalies en IRM reste incertain (lignes pointillées). La fréquence des anomalies de substance blanche augmente progressivement et devient constante à environ 35 ans chez tous les patients. Adapté de

Chabriat et al, 2009.

Le déclin cognitif est la 2ème manifestation clinique la plus fréquente dans le CADASIL. Les signes les plus précoces dans la plupart des cas sont des altérations de la fonction exécutive et de la vitesse de traitement de l’information. Le déclin cognitif devient plus important avec le vieillissement, avec des altérations progressives des activités de tous les jours, de la mémoire verbale ou visuelle, du langage et du raisonnement. Les déficits cognitifs sont initialement attribués à la région sous-corticale, mais récemment il a été démontré que le cortex cérébral peut aussi être affecté, soit par des mécanismes directs (microlésions) ou par dégénérescence secondaire (Duering et al., 2012).