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5. Les modèles expérimentaux chez le rat BN et LEW

5.3. La maladie induite par les sels de métaux lourds

5.3.1. Le rat BN: un modèle pour l'étude de l'atopie et des désordres immunopathologiques associés aux IgE

En accord avec la polarisation préférentielle des réponses immunes du rat BN vers des réponses de type 2, les concentrations sériques d'IgE chez cet animal sont significativement supérieures à celles observées chez le rat LEW (10µg/ml vs 0.5-2µg/ml) (Fournie et al., 2001). Cet état "atopique" peut se convertir en désordre immunopathologique systémique important quand le rat BN est traité par des sels de métaux lourds (sel d'or et sel de mercure). L'injection à des doses non toxiques de ces produits induit chez le rat BN une splénomégalie et une hypertrophie de toutes les chaines ganglionnaires associée à une lymphoprolifération des lymphocytes T CD4 et B. Au cours de la maladie apparaît une hyperimmunoglobulinémie touchant principalement les isotypes IgE et IgG1, des anticorps sont également produit, en particulier des anticorps anti-ADN ou anti-laminine. Ces dernier se déposent sur les membranes basales glomérulaires et sont responsables du développement d'une glomérulopathie. Une des caractéristiques remarquables de ce modèle est l'aspect transitoire de la maladie, après un mois de traitement par les sels d'or ou de mercure, les symptômes disparaissent et les rats deviennent résistants si les injections sont reprises.

Si les injections de sels de mercure ou d'or induisent de façon similaire différents événements, certains symptômes sont spécifiques de la maladie mercurielle qui est de façon générale beaucoup plus sévère. Le traitement s'accompagne d'une perte de poids importante chez les animaux reflétant un état général précaire et d’une vascularite touchant différents organes comme les poumons, le foie ou l'intestin. Cette vascularite est associée à la production d'anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA). C'est donc un des rares modèles permettant de reproduire certains des symptômes observés dans les vascularites à ANCA chez l'homme. Par ailleurs, il faut souligner que, dans le modèle mercure, la glomérulopathie induite par les sels de mercure est sévère et s’accompagne d’une protéinurie avec syndrome néphrotique.

Au niveau cellulaire, les sels d'or et de mercure agissent comme des activateurs polyclonaux des lymphocytes T et B. Différentes études réalisées chez le rat BN ou chez des souches de souris susceptibles ont permis d'élucider quelques mécanismes impliqués dans la physiopathologie de la maladie. Comme lors des réponses immunes normales, la production d'anticorps par les LB dépend d'une aide des LT et le blocage à l'aide d'anticorps des signaux de co-stimulation impliqués dans l'interaction T-B comme CD40/CD154, OX40/OX40L ou encore CD80-86/CD28 prévient la génération d'anticorps (Biancone et al., 1996) (MacPhee et

al., 2006). Comme le traitement par les métaux lourd induit la production d'IgE et d'IgG1, deux isotypes dont la production est sous la dépendance de l'IL-4, il a été proposé que la maladie était dépendante des cellules TH2 et que les cellules TH1 pouvaient avoir un rôle

protecteur. En effet, la neutralisation de l'IL-4 à l'aide d'anticorps ou l'utilisation de souris déficientes pour cette cytokine limite l'hyperimmunoglobulinémie IgE et IgG1, ce qui montre que ce phénomène est dépendant de l'IL-4 (Bagenstose et al., 1998) (Kono et al., 1998). Toutefois la production d'auto-anticorps anti-ADN et les dépôts d'Ig glomérulaires ne sont pas affecté suggérant l'implication d'une réponse mixte à la fois TH1 et TH2. Cette hypothèse est

confirmée grâce à l'utilisation de souris déficientes pour l'IFN-!. Chez ces animaux, le

traitement par les sels de mercure n'induit pas la production d'auto-anticorps et les lésions tissulaires sont réduites (Kono et al., 1998) (Hu et al., 1999). En conclusion, si, comme dans les maladies allergiques, les réponses TH2 jouent un rôle important dans la maladie induite par

les sels de métaux lourd, la pathologie est en fait plus complexe qu'initialement imaginé.

5.3.2. La résistance du rat LEW aux traitements par les sels de métaux lourds: une base pour les études génétiques

La forte susceptibilité du rat BN au traitement par les sels de métaux lourds n'est pas une caractéristique générale de l'espèce Rattus Norvegicus. En effet le rat LEW est lui hautement résistant au développement de la maladie. Le traitement du rat LEW par les sels de mercure n'induit aucun des symptômes observés chez le BN mais ce traduit par une immunosuppression active dépendante du compartiment CD8 le rendant résistant au développement de l'EAE à laquelle il est normalement susceptible (Castedo et al., 1993). Ces différences de réponse entre les deux souches LEW et BN font de ce modèle un système de choix pour l'analyse génétique des gènes et des voies physiopathologiques impliqués dans cette maladie. Notre équipe a entrepris la recherche des facteurs génétiques mis en jeu dans le contrôle de ces différences par une analyse de liaison sur une population F2 LEWxBN. Ces études ont permit d'identifier 3 locus contrôlant la susceptibilité du rat BN aux sels d'or initialement baptisés Atps1 (Atps: Aurothipropanol sulfonate, sels d'or) Atps2 et Atps3. Atps1 est colocalisé avec la région du CMH sur le chromosome 20, Atps2 est localisé sur le chromosome 10, dans une région qui comprend le groupe de gènes de la réponse TH2 en

particulier l'IL-4. Une association avec la région synthénique chez l'homme est retrouvée dans le cas des maladies allergiques. Enfin Atps3 est localisé sur le chromosome 9, les analyses statistiques ont montré que le "poids" de ce locus d'environ 7 cM sur la réponse IgE et la production auto-anticorps était particulièrement important (Lod Score=16) (Mas et al., 2000).

Pour affiner la localisation des gènes présents dans ces locus et en particulier dans Atps3 (rebaptisé par la suite Aiid3: Aurothiopropanol sulfonate-induced immunological disorder), l'équipe a créé des lignées congéniques qui nous ont permis de réduire la taille de la région portant les gènes de contrôle de la maladie induite par les sels d'or de 7 à 1.2 cM (Mas et al., 2004). L'autre conclusion majeure obtenue à partir de ces lignées congéniques était la parfaite co-localisation entre Aiid3 et Cec1, ce dernier locus contrôlant le niveau d’expression du CD45RC sur les populations lymphocytaires CD4 et CD8, c'est-à-dire le rapport entre les populations lymphocytaires CD45RChigh

et CD45RClow

(Xystrakis et al., 2004a). Ces données suggèrent fortement qu'un déséquilibre entre les sous populations lymphocytaires se traduit par des différences de susceptibilité à la maladie. De façon importante les deux locus Aiid3 et Cec1 sont compris dans une région définie par le groupe de Thomas Olson qui contrôle la susceptibilité du rat à l'EAE (locus EAE4) (Dahlman et al., 1999). Ces travaux ont conduit à proposer que la région du chromosome 9 du rat portant Aiid3/Cec1 joue un rôle majeur dans le fonctionnement du système immunitaire et à emmètre l’hypothèse qu’un même gène contrôle l’ensemble de ces phénotypes.