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CHAPITRE  1   : PROBLÉMATIQUE 6

1.2   La maitrise technique des TIC des futurs enseignants 12

Mais qu’en est-il vraiment des compétences technologiques des futurs enseignants ? L’habileté technologique (manipulation des ordinateurs, maitrise de logiciels de base, etc.), qui se nomme également l’alphabétisation informatique (Larose, Lenoir, Karsenti, & Grenon, 2002) cause obstacle aux futurs enseignants, mais les recherches dès 2000 montraient qu’au Québec, cette alphabétisation ne constituait plus un obstacle majeur (Conseil des ministres de l'Éducation, 2000; Québec, 2000). Mais est-ce toujours le cas, dans une société où le matériel et les logiciels informatiques évoluent à un rythme effréné et où l’enseignant doit régulièrement utiliser Internet et découvrir ce qui s’y cache pour se former ? Ainsi, au niveau des connaissances technopédagogiques, soit l’utilisation des technologies au service de la pédagogie, on remarque que les praticiens et praticiennes de l’enseignement « tendent à considérer le recours pédagogique aux TIC comme ayant une utilité restreinte […] Lorsque c’est le cas, ils intègrent ces ressources de façon limitée… » (Larose, et al., 2002, p. 268) et le constat semble ne pas trop différer avec les années où les enseignants intègrent toujours les TIC que minimalement (Larose, et al., 2008). Même si la compétence professionnelle à intégrer TIC doit être maitrisée à la fin de leur formation, la littérature révèle, que les futurs enseignants en formation initiale des maitres possédaient encore des carences au niveau de la maitrise et de l’intégration des technologies et cela, même pour des outils de base (Enochsson & Rizza 2009). À titre d’exemple, une étude révèle que les futurs enseignants en fin de formation initiale ont de mauvaises habitudes de stratégies de recherche d’informations et de traitement de l’information dans des environnements informatiques (Fournier & Loiselle, 2009). Entre autres, les futurs enseignants planifient très peu leur démarche de recherche avant de les

débuter, utilisent peu les opérateurs booléens, choisissent mal les résultats de recherches obtenus, etc. La recherche d’information sur Internet constitue le type d’activité le plus fréquemment utilisé en classe par les enseignants (Hsu, 2011; Larose, Grenon, & Palm, 2004) et les résultats de Fournier et Loiselle (2009) montrent un constat plutôt inquiétant pour cette activité de base.

Nous l’avons vu plus tôt, les futurs maitres en formation dans les universités sont encore réticents à intégrer les TIC dans leur pédagogie lors de leurs stages, mais la littérature tend à montrer qu’ils sont un peu plus habiles qu’autrefois avec les logiciels de base (Grenon, 2007). Cependant, lorsqu’il est question de logiciels plus complexes utiles à l’apprentissage des élèves, leurs compétences sont jugées nulles. En effet, chez la plupart des futurs enseignants « les seuils de compétence au regard du recours aux logiciels plus sophistiqués, tels ceux qui permettent la création et la gestion de sites Internet ou de « pages Web » sont faibles ou nuls » (Larose, et al., 2004, p. 121), Karsenti (2007) rapportant le même constat où 86 % des futurs maitres se perçoivent comme novices. Quand nous savons que les pages Web permettent de diffuser et de créer de l’information scolaire aisément, cela peut paraitre inquiétant. De plus, la fréquence d’utilisation et de construction de sites Web de classe a été identifié comme le meilleur prédicteur d’activités intégrant les TIC favorisant le partage (Hsu, 2011).

Cet état de fait n’est pas nouveau. En effet, au Québec, une enquête sur les stagiaires autant à l’ordre d’enseignement préscolaire et primaire qu’au secondaire indiquent que de façon générale, les futurs maitres manquent de maitrise avec certains logiciels qui, comme le cite l’auteur, « sont au cœur des innovations pédagogiques en classe » (Karsenti, 2007). Entre autres, en ce qui a trait au logiciel de traitement de texte, on n’y a décelé aucune difficulté au niveau de leur maitrise. Cependant, pour les autres logiciels tels ceux de présentation, le constat est plutôt faible où plus de 55 % se considèrent novices avec ce type de logiciel pourtant présent depuis plus de vingt ans en éducation. Point intéressant, un fort sentiment

de compétence envers les TIC permet une utilisation plus élevée de ces technologies lors des stages. Également, sur une échelle comportant des questions sur la valeur accordée aux technologies, les résultats ont révélé que ceux y prêtant une grande valeur sont plus enclins à intégrer les TIC en salle de classe. En bref, cette étude montre que ce ne sont pas seulement des problèmes techniques qui influencent les futurs maitres à intégrer les TIC, mais que des facteurs personnels tels la motivation et le sentiment de compétence envers les TIC ont aussi un rôle à jouer.

L’université qui forme le plus de futurs enseignants dans l’état américain de l’Ohio s’est penchée sur le développement d’un questionnaire appelé l’Assessment of Technology Competencies (ATC) qui évalue les futurs enseignants sur leurs habiletés reliées aux TIC dès leur entrée dans leur programme de formation (Banister & Vannatta, 2006). Cette préoccupation d’évaluer les étudiants est liée au fait que les institutions de formation des maitres doivent respecter les standards du National Educational Technology Standards for Teachers (NETS-T). Les résultats du questionnaire issus d’une cohorte montrent que les futurs enseignants maitrisent des tâches liées au traitement de texte (78,4 %), au chiffrier électronique (71,6 %) et au logiciel de traitement de l’image (72,7 %). Moins de la moitié maitrisent les logiciels de présentation (42,3 %), tel Power Point. Au niveau du succès de l’ATC, seuls 28,6 % des futurs maitres ont réussi les quatre sections qu’elle comporte. Fait à noter, après avoir effectué l’évaluation une première fois, ils avaient la possibilité de la répéter et lors de cette deuxième passation, les pourcentages d’échec pour chacune des quatre tâches est passé à 12,7 %. Cela montre que les futurs maitres sont tout de même réceptifs face à l’apprentissage des technologies. Quoique cette dernière étude s’intéresse beaucoup plus à la maitrise qu’à l’intégration des TIC, les chercheurs justifient leur objet de recherche en soulignant qu’avant même de pouvoir intégrer les TIC dans la salle de classe, la maitrise de ces outils s’avère essentielle. De plus, le fait d’intégrer l’ATC avant même que les futurs enseignants s’inscrivent au cours de TIC permet

aux étudiants d’entrer en classe avec un niveau de compétence suffisant pour compléter les tâches demandées dans le cours de technologies. À titre d’exemple, une étude impliquant 400 écoles australiennes montre que les enseignants sont conscients des bénéfices que les TIC peuvent apporter à leurs élèves ainsi qu’à leur propre développement professionnel, mais que des lacunes importantes apparaissent dans leurs connaissances et leurs capacités à exploiter les technologies. Plus précisément, ils se considèrent habiles en informatique, mais deviennent beaucoup moins confiants lorsque vient le temps d’intégrer des activités pédagogiques intégrant les TIC qui sollicitent des compétences plus avancées (Glenn Russell, Finger, & Russell, 2000). Également, une des causes que les chercheurs avancent dans leur étude est que les cours universitaires exploitent trop peu d’habiletés technologiques avancées, et ne font que se concentrer sur des habiletés de base tel que le soulignent implicitement d’autres auteurs (Goktas, Yildirim, & Yildirim, 2008).

Si les futurs enseignants maitrisent en surface les TIC, il n’est pas surprenant d’observer que les enseignants les utilisent peu en classe (OCDE, 2009; Yunus, 2007). Même si les enseignants ont accès à des ordinateurs et à des logiciels, cela n’indique pas pour autant qu’ils seront utilisés correctement. D’autres chercheurs relatent que les futurs enseignants peuvent acquérir un sentiment de compétence et de confiance envers l’utilisation des TIC lorsque la réussite d’un cours universitaire sur les technologies de l’information et de la communication fait partie de leur cheminement scolaire. Cela permet aux futurs enseignants d’accéder à une étape supérieure au niveau de l’intégration des technologies (Swain, 2006). Il fut aussi observé un changement positif sur les façons d’utiliser Internet pour des fins de recherche d’informations (ex : planifications de leçons), sur la capacité à utiliser des logiciels permettant de regrouper l’information (ex : chiffrier électronique, base de données, etc.) et finalement sur l’aptitude à créer des leçons qui intègrent les technologies à l’aide de logiciels. Paradoxalement, même si Swain a constaté que ces futurs enseignants

possédaient une perception positive des TIC, il en est tout autrement sur leur perception de l’intégration des TIC dans leur pédagogie. En effet, il en est venu à l’autre conclusion que les futurs enseignants ne considèrent pas l’intégration des TIC comme une pratique valant la peine d’être appliquée, même si la presque totalité des futurs enseignants de leur cohorte possèdent un ordinateur. C’est d’ailleurs cette problématique qui semble être répandue chez plusieurs futurs enseignants.

En résumé, la maitrise des technologies constitue un atout important pour les futurs enseignants s’ils veulent acquérir un sentiment de compétence suffisant leurs permettant par la suite, d’intégrer les technologies de l’information et de la communication en salle de classe (Loiselle, Harvey, Lefebvre, Perreault, & Fournier, 2006). Malgré le fait que les futurs enseignants d’aujourd’hui baignent dans une société imprégnée de technologies, leur maitrise n’est pas encore généralisée. Ce qui est plus préoccupant encore, c’est lorsque des logiciels un peu plus complexes doivent être maitrisés, les futurs enseignants achoppent. Les résultats de cette thèse permettront ainsi d’apprécier où les stagiaires en sont rendus quant à la maitrise des outils technologiques. Nous le verrons dans la section suivante, des facteurs personnels et externes viennent aussi mettre un frein à l’intégration des TIC en salle de classe. Mais comme nous venons de le voir, l’intégration des TIC en salle de classe ne semble pas chose facile. La réticence des futurs enseignants à intégrer les technologies est le résultat de divers obstacles, et à ce niveau, la littérature regorge d’études ayant étudié les contraintes liées à l’intégration des TIC. La prochaine section s’y attardera plus en détails.

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