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Maintien de la variabilité génétique au sein des populations

Dans le document Genetic diversity and breed management in dogs (Page 185-189)

Discussion générale et Conclusion

II. Maintien de la variabilité génétique au sein des populations

Pour les gestionnaires de races, sélectionner une population sur un standard ou des aptitudes, tout en cherchant à maintenir une certaine variabilité génétique, doit être un défi permanent. En effet, ces objectifs sont parfois antinomiques, et il convient donc pour les éleveurs et les clubs de maintenir un équilibre entre ces deux directions. Au cours des lignes qui vont suivre, nous tenterons d’apporter un certain nombre d’éléments d’information permettant d’orienter les choix de gestion de la variabilité à l’intérieur des populations.

Il existe de nombreuses solutions permettant de gérer la variabilité au sein des races. Mais toutes ne sont pas adaptées à un contexte précis. Par exemple, les mesures de gestion doivent être adaptées aux effectifs des populations, comme le souligne Denis (1997). Si les populations à faible effectif sont concernées en premier lieu par une perte potentielle de variabilité, il convient aussi de surveiller les races plus importantes numériquement. Au cours des dernières années, un certain nombre de ces populations ont souffert de l’accroissement de l’incidence de certaines affections héréditaires (Brooks et Sargan, 2001), et nous avons pu voir au cours de ce travail que les races qui montraient une hétérozygotie faible n’étaient pas forcément des populations à faible effectif.

Les phénomènes responsables de la perte de diversité ou, au contraire, permettant d’améliorer la variabilité génétique au sein des races ont été évoqués dans la première partie de la thèse. Nous étudierons comment jouer sur ces mécanismes afin d’améliorer la gestion de la variabilité des populations, en illustrant notre propos à partir des races que nous avons pu étudier au cours de ce travail.

1. Dérive génétique et gestion des effectifs

La dérive génétique touche d’autant plus les populations que le nombre de leurs reproducteurs est faible. Notons que parmi les 54 races d’origine française, 14 montraient en 2003 des tailles de population inferieures à 1 000 individus (Leroy, 2004), et dont probablement un nombre de reproducteurs très faible. Dans notre étude, deux races pouvaient

être prises en exemple : le Barbet et le Braque Saint-Germain. La situation est un peu différente pour le Cursinu, reconnu très récemment, et qui montre déjà un nombre d’inscriptions (125 en 2007) largement supérieur aux deux races précédentes (32 et 26 inscriptions respectivement). Pour les clubs concernés, le principal objectif doit être d’augmenter les effectifs de la population active (c’est-à-dire participant à la reproduction), ce qui passe par la motivation de nouveaux propriétaires et éleveurs, et donc par une promotion dynamique de la race. Ceci est bien illustré par l’ouvrage de Triquet (1997) sur la renaissance de la race Dogue de Bordeaux. Il est aussi du devoir de la SCC de soutenir cette promotion afin de faire connaître ces populations au grand public, à l’image de ce qui a été fait, par exemple, en 2006, avec l’édition de plaquettes sur les races à petit effectif.

2. Maximisation et usage équilibré du nombre de reproducteurs

Le calcul du nombre d’ancêtres efficace (fa) a permis, nous l’avons vu, de bien illustrer l’utilisation déséquilibrée des reproducteurs au sein des races canines. Les populations à petit effectif ne sont pas les seules concernées. Dans un certain nombre des races étudiées d’effectifs importants (Epagneul breton et American Staffordshire terrier par exemple), ce nombre efficace d’ancêtres tourne autour d’une trentaine d’individus. Or nous savons que ce déséquilibre d’utilisation des reproducteurs a tendance à accélérer la dérive génétique.

Pour les clubs qui souhaitent limiter ce déséquilibre, plusieurs mesures sont envisageables. Il peut s’agir de promouvoir un nombre étendu de reproducteurs lors des expositions nationales d’élevage, ou bien de fixer un nombre maximal de saillies effectuées par un mâle au cours d’une année. Notons qu’une telle mesure est déjà employée par certains clubs étrangers (par exemple Club du Berger allemand en Allemagne) et qu’elle est d’usage courant en élevage de chevaux.

3. Limitation des unions entre apparentés

Selon certains auteurs (Caballero et Toro, 2000), la méthode la plus efficace pour maintenir la variabilité génétique au sein des populations reste de minimiser l’apparentement au sein des reproducteurs d’une génération. En conséquence, si l’union entre apparentés est à déconseiller pour les populations numériquement importantes, cette pratique est clairement à proscrire

pour les races à faible effectif. Il convient donc de saluer les efforts de maintien de la variabilité au sein de la race Braque Saint-Germain, qui se traduisent par une consanguinité réelle plus faible que la consanguinité attendue. Une deuxième recommandation peut-être faite pour minimiser l’apparentement : il s’agit de favoriser l’utilisation de lignées peu connues et moins employées.

Le plan des accouplements lui-même peut se faire selon différentes méthodes pour minimiser la diminution de variabilité (plan rotatif d’accouplements …). Ces dernières sont relativement complexes à mettre en œuvre, et restreignent profondément les choix des éleveurs. Elles nécessitent donc une importante motivation et une claire entente parmi les éleveurs. Ces méthodes ne devraient être employées que dans des cas critiques, pour des populations où le nombre de reproducteurs est relativement faible.

4. Faire appel à des reproducteurs d’origines différentes

L’utilisation de reproducteurs d’origines différentes constitue l’unique moyen d’augmenter la variabilité génétique et de diminuer la consanguinité au sein d’une population. Il convient d’être conscient que plus le reproducteur sera génétiquement différent de la population ciblée, plus la variabilité de celle-ci s’en trouvera renforcée, mais plus le reproducteur aura des chances d’apporter à la population des caractères exogènes non souhaités. Une fois le reproducteur sélectionné, il devra donc être utilisé dans un premier temps avec prudence. Après quelques portées concluantes (un nombre variable en fonction de la taille du cheptel), il conviendra alors de l’employer de manière élargie, tout en évitant de trop l’utiliser afin de ne pas entraîner une nouvelle chute de variabilité. Nous différencierons au sein du paragraphe suivant trois catégories d’origine : les populations de pays étrangers, les inscriptions à titre initial, et les retrempes à partir d’autres races.

Certaines races sont élevées de manière indépendante dans différents pays, et ce depuis près d’un siècle, ce qui a pu avoir pour conséquence une certaine différenciation génétique entre populations. Jones et al. (2006) ont en effet indiqué qu’il existait, dans certaines races, d’importantes différences de pool génétique entre populations américaines et britanniques. En conséquence, l’utilisation de chiens importés peut constituer une source intéressante d’apport de variabilité. Cependant, les statistiques d’imports et d’exports du LOF indiquent que

certaines races sont d’ores et déjà gérées de manière internationale, ce qui restreint l’utilisation des imports comme source de variabilité. Au sein de la race Bull terrier, qui connaît de forts apports étrangers (en 2007, 6,4 % des inscriptions étaient issues de saillies avec des mâles étrangers), nous avons obtenu une hétérozygotie très faible, comparable aux résultats de deux autres études menées aux Etats-Unis (Irion et al., 2003) et en Suède (Bjornerfeldt et al., 2008). En conséquence, l’utilisation de reproducteurs étrangers ne semble pouvoir constituer pour cette race une source de variabilité. Ce moyen ne peut donc pas être utilisé pour toutes les populations.

L’utilisation de reproducteurs de généalogie inconnue, par le biais des inscriptions à titre initial, peut constituer une autre source de variabilité génétique. Elle est cependant souvent considérée avec méfiance par les éleveurs et clubs. Un chien inscrit à titre initial peut en effet tout aussi bien être directement issu du pool génétique usuel de la race, et donc n’apporter aucune variabilité génétique, qu’être porteur de caractères morphologiques ou comportementaux non désirés au sein de la race. Ceci a justifié, nous l’avons vu, la fermeture d’un certain nombre de livres au titre initial, les livres d’attente ne pouvant être considérés comme comparables en terme d’entrées. Les titres initiaux peuvent pourtant constituer une importante source de variabilité, en particulier pour les races à effectif réduit qui peuvent ainsi élargir leur nombre de reproducteurs potentiels. Les affectations raciales à partir de marqueurs peuvent permettre de mettre en évidence l’appartenance de ces individus au pool génique de la race, ou d’exclure des individus trop différents (Leroy et al., 2006c). Elles pourraient donc constituer des outils utiles à l’intégration de reproducteurs de généalogie inconnue au pool génétique des races.

La retrempe à partir de races différentes constitue le moyen le plus radical pour accroître la variabilité génétique au sein des populations raciales, et faire chuter la consanguinité. Dans l’histoire de l’ensemble des races, les retrempes semblent avoir existé de manière plus ou moins officielle. Nous l’avons vu, cela n’a pas empêché la plupart d’entre elles de constituer des groupes génétiques cohérents. Même la race Barbet, reconstituée au moins en partie au cours des trente dernières années, semble relativement homogène vis-à-vis des autres populations étudiées. La retrempe pouvant être autorisée, sur demande du club, et avec l’accord de la SCC, les clubs ne doivent pas hésiter à l’employer si le besoin s’en fait sentir. Il convient cependant que cette dernière soit effectuée de manière réfléchie, et officielle. Le choix de la race employée pour la retrempe dépendra des besoins du club. Les approches

inter-raciales constituent une source d’information intéressante quant à la proximité génétique des autres populations, et peuvent être utilisées pour orienter les choix des éleveurs en matière de retrempe.

En conclusion, deux points méritent d’être abordés. D’une part, les décisions doivent rester aux mains des éleveurs et des clubs, qui connaissent leur race mieux que personne. A partir des indicateurs de diversité qui peuvent leur être fourni, c’est à eux de décider où s’arrête la recherche de l’homogénéité, et où commence le maintien de la variabilité. D’autre part, des actions de gestion de la variabilité ne pourront être menées à bien que s’il existe une certaine entente au sein du club de la race. Il est donc important de prendre en compte le facteur humain, et de comprendre la nécessité de trouver des compromis entre les éleveurs. Obtenir une entente parfaite peut paraître illusoire, étant donné la diversité de points de vue que nous avons pu mettre en évidence au sein même des races. Cette diversité peut cependant être exploitée si chacun reste conscient que l’objectif doit être avant tout d’avoir une race viable et en bonne santé.

Dans le document Genetic diversity and breed management in dogs (Page 185-189)