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MAIA et public cible : des patients atteints de la maladie d’Alzheimer aux personnes âgées en perte

PARTIE  I   L’INTEGRATION GERONTOLOGIQUE, CONTOURS D’UN PROBLEME DE

ANNEXE  2:   ENTRETIENS 127

III. L’organisation de la coordination gérontologique dans le département de la Savoie 41

3.   MAIA et public cible : des patients atteints de la maladie d’Alzheimer aux personnes âgées en perte

Une des principales évolutions de la MAIA est l’élargissement de son public cible. Initialement pensée comme un dispositif spécifiquement dédié aux malades d’Alzheimer dans le cadre du plan, le cahier des charges MAIA de 2011 élargit le public cible du dispositif : « Les dispositifs MAIA visent à créer un partenariat co-responsable de l’offre de soins et

d’aides sur un territoire donné, pour les personnes atteintes de maladie neuro-dégénérative et plus généralement pour toutes les personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle, quelle que soit la nature de leurs besoins »103. Comment expliquer cette évolution ?

La remise en cause de la spécificité Alzheimer du dispositif : le passage d’une politique ciblée à une politique généraliste ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer cet élargissement du public cible de la MAIA. Mme Gucher, dans un entretien, insiste sur le rôle des acteurs gérontologiques dans l’élargissement du public cible :

la politique spécifique des MAIA a été quand même largement critiquée, y compris par des acteurs gérontologiques qui ont un peu de poids. La spécificité d’Alzheimer ne se justifie pas tant que ça.

Selon certains observateurs des politiques publiques, les activités de lobbying d’autres associations d’aidants ont probablement joué un rôle. Les associations liées à la maladie de Parkinson ont notamment fortement critiqué qu’autant de moyens soient consacrés spécifiquement à la maladie d’Alzheimer.

Vu de l’association France Alzheimer, l’élargissement du public cible de la MAIA est critiqué : la spécificité de la maladie d’Alzheimer est mentionnée, et la peur de ne pas voir la MAIA orienter correctement les malades et les familles vers l’association est évoquée. Cependant, la présidente de France Alzheimer Savoie reste relativement partagée sur cet élargissement du public :

102 MAIA de la filière d’Annecy et MAIA iséroises

Et comment vous vous positionnez, vous, par rapport à justement cet élargissement du public des MAIA ?

(hésitation)

Est-ce que c’est quelque chose que vous jugez pas souhaitable dans l’évolution du dispositif, ou est-ce que pour finir, ça n’aura pas beaucoup d’incidence ?

C’est un peu compliqué… C’est vrai que l’accompagnement d’un malade Alzheimer est vraiment (accent) très différent d’un malade âgé autre (…).

(…) Au fond, si on dit qu’on coordonne juste pour les malades d’Alzheimer, alors que pour finir, dans les institutions qui seront présentes, ce sera des institutions qui seraient utiles pour l’ensemble peut-être des personnes âgées en perte d’autonomie (…). Et c’est pour ça que je trouve que cette évolution de la MAIA, elle n’est pas complètement… Non, non. Vous voyez, c’est pour ça que… je suis quand même assez modérée par rapport à ça. (…) La MAIA qui redevient générale… Mais après cela pose la compétence. (…) Et il faut questionner, il faut orienter et amener pour, voilà, pour se confier et pour exprimer. (…) Donc les MAIA qui fonctionnent bien, qui fonctionneraient bien, si les personnes de MAIA orientent, voilà, dans le sens… je ne suis pas contre…

Pour ce qui est du volet « intégration », il semble effectivement que la mise en place d’un dispositif de coordination uniquement destiné aux malades d’Alzheimer ne se justifie que difficilement : les acteurs de la coordination ne se limitent pas à leur action Alzheimer et les bénéfices d’une bonne coordination sur le territoire profitent à l’ensemble des personnes âgées. Cependant, cet élargissement du public pose la question de l’articulation de la MAIA avec les autres dispositifs de coordination et soulève le risque du chevauchement de compétences entre les dispositifs. Les différences entre attributions des MAIA et attributions des CLIC s’amenuisent.

Avec cet élargissement du public cible, passe-t-on véritablement d’une politique ciblée à une politique généraliste ? Il faut souligner que le dispositif MAIA, tel que décrit dans le cahier des charges, est destiné « à toutes les personnes âgées en perte d’autonomie fonctionnelle ». Il s’agit donc d’un dispositif ciblé sur la dépendance, et qui n’est théoriquement pas destiné à l’ensemble des personnes âgées. De plus, le ciblage du dispositif sur les situations complexes ne permet pas de conclure, véritablement, à une politique généraliste.

La gestion de cas et les cas dits « complexes »

La gestion de cas MAIA était initialement destinée aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées en situation complexe. L’association France Alzheimer Savoie critique cette orientation des MAIA vers les cas complexes. La notion de « cas complexe » fait débat, comme le souligne la présidente de l’antenne savoyarde de l’association.

Parce que qu’est-ce qu’un cas complexe ? Pour nous, tous les cas sont complexes. Ça veut dire qu’aujourd’hui, nous, cette MAIA devait pouvoir centraliser (accent) tous les malades, (accent) toutes les familles. Aujourd’hui, on s’occupe d’une poignée de malades dits complexes. Mais il y a beaucoup plus de cas complexes !

Il est vrai que les critères permettant d’identifier un « cas complexe » ne sont pas clairement définis dans le cahier des charges MAIA. Les différentes MAIA orientent donc des personnes vers la gestion de cas selon des critères définis sur les territoires. Il est intéressant de constater, que l’élargissement du public de la MAIA est aussi lié à la pratique de la gestion de cas. Les expérimentations ont montré que les situations complexes ne sont pas l’apanage de la maladie d’Alzheimer, même si les troubles cognitifs sont fréquents pour les personnes suivies en gestion de cas. Les situations sont rendues complexes par la multiplicité des problématiques et les alertes portent majoritairement sur des aspects de santé physique et psychologique, mais aussi socio-économiques et liés à l’environnement de la personne. La complexité associe donc problème de santé et/ou d’ordre psychologique, alerte sur la

nutrition, et environnement inadapté104. Les expérimentations ont donc montré que la

complexité « ne doit pas tant que ça à la pathologie en elle-même »105.

Cette évolution nous renseigne sur la nature même de la politique du dispositif MAIA. Dans un premier temps, issu d’un plan spécifique sur la maladie d’Alzheimer, le dispositif MAIA s’apparentait plus à une politique sanitaire qu’à une politique vieillesse. Avec l’élargissement du public cible, la MAIA peut s’apparenter à une politique vieillesse spécifique.