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Chapitre 5 Interprétation des résultats

5.1 Affaiblissement du contexte scolaire dans les écoles en changement

5.1.1 Magnitude du changement et pression à implanter le changement

Pour essayer d‟expliquer l‟affaiblissement apparent de la culture et de l‟environnement des écoles en changement, nous pourrions faire quelques hypothèses, dont la première concerne tout simplement la magnitude du changement mis en place dans ces écoles. Effectivement, les enseignantes des écoles en changement ont davantage rapporté qu‟il existe des risques de confusion et que les demandes quant au renouveau pédagogique sont excessives (item de la sous-échelle « Environnement ») ; elles croient qu‟on fait moins appel au consensus pour déterminer les volets du renouveau pédagogique qui peuvent raisonnablement être implantés (item de la sous-échelle « Environnement »). Ce point sur le consensus paraît d‟ailleurs un peu contradictoire avec le fait que les enseignantes de ces écoles aient en général reconnu que les directions recherchent le consensus chez leur personnel autour des priorités et des objectifs de l‟école (sous-échelle « Consensus » appartenant au leadership transformationnel) et que même une des directions ait reconnu rechercher ce consensus : « […] je demande aux gens de s‟asseoir et on s‟est entendus sur une orientation, sur des objectifs et des moyens […] alors je demande aux gens [...] de prioriser les axes d‟intervention et de [les] mettre en place [..] » (Direction de l‟école 3). Les résistances vis-à-vis le renouveau pédagogique peuvent peut-être expliquer cette apparente contradiction, alors que les items du leadership transformationnel sur le consensus ne se réfère pas au renouveau, et que les items de la sous-échelle « Environnement » y sont directement reliés.

Ainsi, même si les directions recherchent le consensus autour des priorités et des objectifs de l‟école, le fait même qu‟il y ait un processus de changement pourrait être à l‟origine des différences de perception, car selon Perrenoud (1993) : « Le renouveau est presque toujours désordonné, diversifié, fragmenté, asynchrone. Il est peu probable que l‟ensemble des acteurs de l‟établissement puissent se mettre d‟accord et avancer au même rythme. » (p. 15). De la même façon, Brown, Ralph et Brember (2002) ont trouvé dans leur

recherche que des membres du personnel enseignant rapportaient de la confusion et de l‟angoisse devant un changement de grande envergure et de la diversité des rôles qu‟ils ont dû prendre, en particulier quand ces changements sont perçus comme étant irrationnels.

De plus, la quantité et la complexité possiblement plus grande des changements initiés dans les écoles 1 et 3, malgré le fait que les enseignantes aient plutôt signalé que l‟implantation du renouveau pédagogique n‟entraînait pas d‟énormes changements dans leurs habitudes de travail, pouvaient faire en sorte que les demandes des directions relatives à l‟implantation du renouveau pédagogique soient perçues par les membres du personnel enseignant comme une pression supplémentaire à leur profession, laquelle a été identifiée, dans plusieurs pays, comme une des professions les plus stressantes (Brown, Ralph et Brember, 2002). En fait, Leithwood, Menzies, Jantzi et Leithwood (1996) signalent que les processus de restructuration des écoles augmentent généralement le stress des membres du personnel enseignant, de même que leur épuisement. Tedesco (1997, cité dans Day, Elliot et Kington, 2005) mentionne que les réformes éducatives ont détérioré les conditions de travail dans les écoles de plusieurs pays en entraînant la démoralisation du personnel enseignant, l‟abandon de la profession et l‟absentéisme, alors que Fernandez (1999) signale que les réformes éducatives ont déclenché du stress chez le personnel enseignant.

Dans la même veine, les changements à grande échelle peuvent être une source de menace au sentiment de contrôle des employés dans leur travail (Greenhalgh et Rosenblatt, 1984, cités dans Chawla et Kelloway, 2004), notamment parce que l‟ampleur des changements fait perdre aux gens le sens et la direction de leurs actions, la structure de la réalité et la confiance dans le fait de savoir quoi faire (Sikes, 1992). De fait, Geijsel, Sleegers, van den Berg et Kelchtermans (2001) signalent que, pour réussir à implanter un programme d‟innovation de grande envergure, comme c‟est le cas de la réforme de l‟éducation au Québec, on ne requiert pas que des changements dans le comportement des enseignants, mais également des changements dans leur vie professionnelle, dans leurs valeurs et dans leurs attitudes envers les programmes à implanter. Cette opinion est aussi partagée par Sikes (1992, p.38) qui propose que :

« […] the implementation of change is influenced by the teachers‟ ideologies : in other words, by the beliefs and values, the body of ideas which they hold about education, teaching, the schooling process in particular and life in general. This means that it is not possible to attempt to change one aspect without affecting all the others. ».

Devant la complexité d‟un changement de grande magnitude, il importe de s‟assurer que le changement soit compatible avec les objectifs du personnel enseignant (Leithwood, Menzies et Jantzi, 1994). En effet, selon Bandura (1980), les gens accepteraient plus facilement les innovations qu‟ils considèrent valables, alors que celles qui contreviennent avec leurs convictions morales et sociales seraient refusées. Malheureusement, nous n‟avons pas demandé aux enseignantes si elles étaient d‟accord avec les principes du renouveau pédagogique, ce qui nous aurait donné d‟autres éléments pour approfondir cette discussion. Cependant nous pouvons croire que si le personnel des écoles ne considère pas la réforme de l‟éducation comme un aspect motivant de leur travail et si le personnel enseignant n‟est pas d‟accord avec les principes du renouveau pédagogique, mais que les directions persistent à exercer une certaine pression pour l‟implanter, cela pourrait contribuer à la perception moins positive du contexte scolaire dans les écoles en changement comparativement aux écoles en statu quo.

Il nous semble intéressant de signaler que, bien que nous ayons discuté le fait que le contexte scolaire soit moins bien évalué dans les écoles en changement que dans celles en statu quo, cette différence de perception demeure mineure et le personnel enseignant a tout de même évalué positivement les pratiques de l‟école (politiques et règlements, calendrier et horaires, encouragement des collègues, et respecte de la direction envers l‟expertise des enseignants) regroupés dans la sous-échelle « Croyances liées au contexte » ; ces pratiques favorisent théoriquement l‟implantation du renouveau pédagogique.

5.1.2 Compatibilité entre le leadership transformationnel et le contexte