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machines à tromper 2 oeuvres politiques de réactualisation

Dans le document Faux et usages de faux en détrompe l'oeil (Page 43-45)

sommaire 2. machines à tromper 2.1 déconstruction d’une opération technique,

2. machines à tromper 2 oeuvres politiques de réactualisation

2.3 DIGÉRER LA

TROMPERIE

D’après François Niney, « un trompe-l’œil n’est apprécié et

appréciable que s’il est reconnu comme tel, c’est-à-dire s’il fonctionne comme un détrompe-l’œil »60. En effet, de façon à pouvoir en jouir il

est indispensable de comprendre l’ambivalence qu’il produit entre illusion et réalité, autrement s’il est impossible de cerner cette qualité il n’est alors qu’une simple illusion ou une simple peinture. C’est une forme immobile qui a l’avantage d’être autonome puisque c’est le regardeur qui, en se déplaçant, provoquera ou enlèvera l’illusion. Georges Perec associe cette technique de peinture aux mots-croisés car il considère ces définitions énigmatiques semblables à des trompe- l’œil littéraires.

« Ils posent une question dont la réponse est toute entière contenue dans

l’énoncé qui la formule (par exemple : « vide les baignoires et emplit les lavabos » pour « entracte »), mais qui demeure énigmatique tant que l’on n’a pas opéré le minuscule glissement de sens qui la résout dans son

évidence imparable. »61

Qu’en est-il de la mystification artistique, faut-il absolument

détromper ? Parmi les références étudiées, le Calais Mag semble être la forme se rapprochant au plus du trompe-l’œil. En effet, le magazine a la capacité de tromper par sa mise en forme, mais d’être la réalité par les informations qu’il présente. Tout le long de la lecture, l’objet sous-entend qu’il ne provient pas de la municipalité et de plus, selon Sébastien Thiéry il n’est pas voué à induire en erreur la scène publique quant à la réelle identité du PEROU. Tandis que du côté des œuvres et performances comme Immorose, la baleine échouée et les Sirènes de Digne, celles-ci ne révèlent jamais d’elles-mêmes leurs supercheries. De ce fait, comment peuvent-elles être « appréciables » ? Ou déjà, ont-elles l’intention de l’être ? Par ailleurs elles sont effectivement démasquées en partie par les médias journalistiques. Néanmoins, que se passe-t-il pour les personnes qui ne seront jamais « détrompées » ?

L’expérience exposée dans mon préambule instaurait un

« protocole » de révélation. À mon avis, dans cette situation il était nécessaire de révéler cette « fausse » exposition faute de quoi, je serais partie sans me douter de rien. Et quel aurait été l’intérêt dans cette démarche, si l’imposture n’avait pas été dévoilée ? Ici, la révélation était la clé de l’exposition.

60 : NINEY, François.

Le documentaire et ses faux-semblants. Paris :

Klincksieck, 2009. 50 questions 47. p. 158-159.

61 : PEREC, Georges, WHITE, Cuchi. L’oeil

ébloui. Paris : Chêne,

cop. 1981. p. 20.

En faisant référence aux médias audiovisuels comme les formats de caméras cachées, André Gattolin dénote le « politiquement acceptable »62 en termes de canular. Selon lui, c’est celui qui a comme but de

divertir. Étant présenté comme une farce - ou plus à proprement parlé de moquerie -, c’est pourquoi après avoir trompé, il doit se révéler.

« Au moment de la révélation de l’imposture, la « victime » du méfait

doit faire preuve d’humour ou de bienveillance à l’égard de celui qui l’a piégée. Le moment anxiogène et disruptif créé par la cruauté du canular doit être compensé par un retour conventionnel à l’ordre courant. La victime doit pleinement retrouver sa dignité et la plénitude de son statut

antérieur. »63

Dans cette situation, la « victime » est quelque peu forcée d’accepter son sort en devant la jouer fair-play et pourtant, ce qu’elle vient de subir n’était pas du tout fair. La révélation, en remettant les choses dans l’ordre, étoufferait quelconque conséquence et permettrait d’annuler la mauvaise blague en affranchissant à la fois la responsabilité du trompeur. Au final ce type de canular est admis car la vérité est révélée pourtant l’acte trompeur reste « gratuit ». À l’opposé, l’imposture dite politiquement inacceptable serait-elle celle où la révélation n’a pas lieu ?

Une amie64 a pu visiter l’exposition Trésors de l’Épave de l’Incroyable

(Treasures from the Wreck of the Unbelivable) installée pendant 5

mois à Venise. Une manifestation qui présentait l’épave d’une cité perdue de l’Antiquité découverte suite au naufrage d’un bateau sur les côtes africaines en 2008. En tout il y a près de 400 pièces réparties dans le Palazzo Grassi et la Punta della Dogan, deux palais qui sont maintenant des centres d’art contemporain dédiés à la collection de François Pinault.

Elle me raconte que dès son entrée dans le bâtiment, l’exposition s’annonçait aussi démesurée que la statue installée dans ce premier palais, qui était si gigantesque qu’il était impossible de la voir en entier. Et en effet, cette exposition n’est remplie que de faux, simulacres en tout genre, jusque même la fausse vidéo témoin de la découverte sous-marine de l’épave et de ses trésors. Les statues couvertes de mousses et de coquillages ont été travaillées comme si elles étaient restées pendant des siècles sous l’eau. Le long de la visite, des visages communs transparaissent, comme le visage d’une actrice américaine ou celui de Mickey. Les matériaux ne ressemblent pas à ce qu’indiquent les légendes, la pierre est du bronze et la rouille est peinte. Mais tout ça, mon amie ne le sait pas encore pourtant elle devient de plus en plus sceptique.

62 : GATTOLIN, André. « Prelude a une thérorie du hoax et son usage subversif ». Multitudes 2006/2 (n°25). p.155.

63 : ibid.

64 : Récit reconstitué à partir d’une lettre écrite, disponible en annexe.

Dans le document Faux et usages de faux en détrompe l'oeil (Page 43-45)

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