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machines à tromper 3 digérer la tromperie

Dans le document Faux et usages de faux en détrompe l'oeil (Page 45-51)

sommaire 2. machines à tromper 2.1 déconstruction d’une opération technique,

2. machines à tromper 3 digérer la tromperie

Ne supportant plus cette tension entre fiction et réalité, elle décide alors d’interpeller une guide qui lui explique cette supercherie. Soulagée d’avoir eu quelques doutes, elle avoue quand même y avoir cru un bon moment. Selon elle, l’exploration de la fiction ainsi que les vraies-fausses œuvres restent esthétiquement remarquables, mais cette gigantesque exposition la laisse perplexe quant aux moyens techniques et financiers employés. C’est pendant 10 ans que l’artiste Damien Hirst aurait préparé cette manifestation dont les frais de productions s’élèveraient à plusieurs millions d’euros65. Artiste

britannique, il n’est pas un inconnu de la scène contemporaine et en partie reconnu pour ses œuvres assez provocatrices et controversées. Ici il n’y a pas de protocole de révélation. Le musée, ce lieu de tous les possibles et où les limites sont floues, est-il une injonction à l’acceptable ? En effet, il se présente comme tel, néanmoins possible ne signifie pas forcément acceptable. L’exposition monumentale est accueillie tel un monument du merveilleux par la plupart des médias journalistiques. En ce qui concerne mon amie, elle a trouvé cette imposture incontestablement intéressante qui aussi sollicitait de nombreux acteurs comme des artisans, des informaticiens, des plongeurs, etc...66 Cependant elle digère moyennement ce

matérialisme extravagant et excessif, et ce qui l’inquiète c’est surtout l’avenir de ces 400 objets qui ; elle s’en doute, iront sûrement aux enchères.

D’autre part, les mystifications des H5 et du collectif Captain Boomer ne se situent pas dans un lieu muséal, elles parviennent à s’insérer dans le paysage urbain grâce aux institutions. Ces dernières sont des complices qui « autorisent » la subversivité hors des murs d’un lieu culturel. Les auteurs de ces œuvres n’ont pas la démarche de dévoiler leur tromperie puisque c’est dans leur intérêt de cultiver le doute et de laisser la réponse en suspens ce qui laisse les « victimes » interpréter ces performances, lesquelles n’ont pas pour intention de ridiculiser les trompés, bien au contraire. À l’instar de la baleine échouée où l’on peut constater sur une vidéo du Parisien les vives émotions des passants qui produisent une atmosphère assez étrange, mélangeant témoignages émouvants – les personnes interviewées semblent très peinées par cette situation – mais burlesques à la fois – pour nous, spectateurs de la vidéo qui avons conscience de l’imposture –.

Puisque les « victimes » ne sont pas détrompées, ce leurre ne paraît pas politiquement acceptable et pourtant ces artistes qui avaient conscience de ce risque ont choisi de le prendre. Soit à l’avenir, cette personne apprendra le canular, ou soit elle croira pour « toujours » à ce qu’elle a vu. Mais au final le risque, quel-est-il ? Qu’elle répète à son entourage avoir vu une baleine échouée à Paris ? Que les sirènes

65 : GENIES, Bernard (2017, 8 avril), « Le trésor retrouvé de Damien Hirst à Venise ». L’OBS, https://www. nouvelobs.com/ Consulté le 8 mai 66 : ibid.

existent ou que le marais est en quête de devenir le nouveau quartier d’affaires ? En passant de la mystification à la mythification, l’œuvre aura le pouvoir de résonner par sa propagation et éventuellement de relancer la réflexion sur ces situations. Et d’autre part ce ne sont pas des fictions nocives puisque même si la vérité se retrouve altérée, ces situations se réfèrent et suggèrent au moyen de performance, mises en scènes et vraisemblable, à ce qui est actuel donc réel.

En somme, même si au regard de la vérité les impostures révélées paraissent politiquement plus acceptables, cela ne signifie pas qu’elles soient les plus pertinentes. De plus, la révélation a tendance à tempérer l’acte trompeur. De fait l’imposture n’a pas pour fin d’être assurément plaisante mais plutôt attractive par sa spectacularité. Alors « détromper » ne semble pas être une nécessité puisque comme démontré dans les situations précédentes, tout dépend des intentions et d’une certaine éthique. En revanche, il est nécessaire d’avoir conscience des risques et de ses conséquences.

conclusion

Au cours de cette recherche, la valeur du vrai est du faux s’est petit à petit estompée. Valeurs pré-établies et de la même manière que le « bien » ou le « mal », on peut avoir tendance à penser binairement sans essayer de comprendre ce qu’il s’y passe entre. Les terrains du vraisemblable et de l’imposture sont très fertiles par les ambiguïtés de sens qu’ils peuvent provoquer et cultiver.

L’autorité s’est imposée et s’impose toujours par des formes, qu’elles soient concrètes ou abstraites. Artiste, designer, ou performer sont des techniciens qui connaissent et maîtrisent le langage de la forme; ils ont pour avantage de savoir en jouer pour déjouer. La tactique est une de ces manières de faire autrement, user d’autres moyens qui ne sont pas communs. Le faux et l’usage de faux sont des actes mystificateurs qui permettent de franchir certaines limites mais surtout s’en

affranchir pour atteindre une certaine une liberté qui permet d’ouvrir des possibles.

La mystification à ce pouvoir de sublimer les choses, comme les rendre à la fois monstrueuses. Mais la démarche de supercherie artistique dont l’intention première est de susciter l’attention, est-elle comparable à une méthode ? Sa démarche de conscientisation, qu’elle soit pour une cause en particulière ou pour un cas en général, a-t-elle pour vocation de changer voire même sauver le monde ? En tout cas elle a l’intention de changer le regard sur le monde. Ce sont à la fois des méthodes sans en être non plus, puisqu’elles ne cherchent pas une efficience telles qu’a persuader. Aussi, cet acte mystificateur doit être modéré au risque sinon qu’il devienne une habitude, alors ses effets s’annihileraient et la tromperie ne serait plus.

Je ne pense pas que leur but soit effectivement de convaincre, et je vois plutôt ces œuvres comme des graines disséminées qui, peut-être prendront racine ou pas. Et finalement, cette germination procède du seul choix du spectateur. Ces impostures qui opèrent par l’occasion, proposent en retour de s’offrir à la scène publique comme une occasion à saisir.

Ouvrages

- ALBERTI, Leon Battista. La peinture : texte latin, traduction française, version italienne

(De pictura). GOSLENNE, Thomas, PRÉVOST, Bertrand, HERSANT, Yves. Paris : Ed. du

Seuil : 2004. Sources du savoir (Paris). 373 p.

- BENJAMIN, Walter, et DUVOY, Lionel. L’Oeuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité

technique. 2e édition. Paris: Allia, 2011.

- BURCKHARDT, Lucius. Le design au-delà du visible. Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1991, Les essais.

- CERTEAU, Michel de. L’ invention du quotidien. 1. Arts de faire. Paris : Gallimard, 1990. Folio.

- DELEUZE, Gilles, PARNET, Claire. Dialogues. Paris, France: Flammarion, 1996. - DETIENNE, Marcel, VERNANT, Jean-Pierre. Les ruses de l’intelligence, La métis grec. Flammarion, Champs essais, 1974. 316p.

- ECO, Umberto. La guerre du faux. Paris : B. Grasset, 2008. Les Cahiers rouges (Paris. 1983). 405 p.

- MACHIAVEL, Nicolas. Le prince, et autres textes, préface de Paul Veyne. Paris : Gallimard, 1980. 473 p.

- NIETZSCHE, Friedrich. Par delà le bien et le mal : prélude à une philosophie de l’avenir. SAUTET, Marc, ALBERT, Henri, BRIERE, Véronique. Paris : Librairie générale française, 2000. Le Livre de poche. Classique 4605. 413 p.

- PEREC, Georges. Un cabinet d’amateur. Paris, France: Éd. du Seuil, 2001.

- PEREC, Georges, BURGELIN, Claude. Le condottière: roman. Paris, France: Éd. du Seuil, 2012.

- PEREC, Georges, WHITE, Cuchi. L’œil ébloui. Paris : Chêne, cop. 1981. 93 p. - PLATON. Sophiste Politique Philèbe Timée Critias. CHAMBRY, Émile. Paris : Flammarion, 1969. G.F. 203.

- PLINE, l’Ancien. Histoire naturelle. Livre XXXV. La peinture. CROISILLE, Jean-Michel, DAUZAT, Pierre-Emmanuel. Paris : Les Belles Lettres, 1997. Classiques en poche 11. p. 65. - ROBERT, Paul, REY, Alain, MORVAN, Danièle. Le grand Robert de la langue française :

deuxième édition du dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française de Paul Robert. Tome 1-6, Paris : Dictionnaires Le Robert, 2001.

- SALMON, Christian. Storytelling : la machine à fabriquer des histoires et à formater les

esprits. Paris : La Découverte, 2008. La Découverte-poche. Essais 293.

- FLUSSER, Vilém. Petite philosophie du design. MAILLARD, Claude. Belfort : Circé, 2002. 115 p.

Articles

Journaux

- CARPENTIER, Laurent. Les joies de la pêche au canular vivant. Le Monde, 25 juillet 2017.

Revues

- GATTOLIN, André. « Prelude a une thérorie du hoax et son usage subversif ». Multitudes 2006/2 (n°25). p. 149-157.

Web

- CONDOMINES, Anaïs. (2017, 27 avril) « Macron, les ouvriers et les "mains sales" : chronique d’une intox qui dépasse les frontières du web » [en ligne] . LCI. Consulté le 4 février 2018. https://www.lci.fr/

- GAIRAUD, Marie-Anne (2007, 8 octobre), « Le formidable canular qui a troublé le

Marais » [en ligne] , Le Parisien, http://www.leparisien.fr/ Consulté le 5 mai 2016 - GENIES, Bernard (2017, 8 avril), « Le trésor retrouvé de Damien Hirst à Venise » [en ligne]. L’OBS, https://www.nouvelobs.com/ Consulté le 8 mai

- LEFILLIÂTRE, Jérôme, EQUY, Laure (2018, 12 mars). « Loi anti-fake news cherche «auteur» » [en ligne]. Libération. Consulté le 5 février 2018.http://www.liberation.fr - LEPRON, Louis ( 2011, 7 juillet), « Le Grand Paris " bling-bling " vu par un collectif d’artistes » [en ligne], L’OBS, https://www.nouvelobs.com/ Consulté le 5 mai 2016

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