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2 D ESCRIPTION DU MATÉRIAU ÉTUDIÉ

2.4 M ODES DE DÉFORMATION DES ALLIAGES DE ZIRCONIUM

Les modes de déformation dans les métaux à structure hexagonale compacte sont peu nombreux et complexes. De plus, ces modes de déformation ne sont pas symétriques du fait de l’anisotropie de la maille cristalline. Ces mécanismes de déformation sont au nombre de trois : le glissement cristallographique, le maclage et la formation de bandes de pliage [Tenckhoff 1988].

Le maclage est observé à basse température et également pour des déformations importantes (supérieures à 3 %). Ce mécanisme de déformation permet d’accommoder les déformations

DR DC

DC DL

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suivant l’axe cr de la maille hexagonale, lorsque le glissement cristallographique seul n’est pas suffisant. L’augmentation de la température et la présence d’éléments interstitiels, tels que l’oxygène, favorisent la disparition du maclage au profit du glissement cristallographique. Ce mécanisme, bien que mal connu, doit pourtant être modélisé lors de l’étude de la mise à froid en forme des alliages de zirconium (laminage de plaques et tubes).

Le mode de déformation par formation de bandes de pliage n’a été observé dans le zirconium qu’à haute température (540 °C) et dans des grains possédant des orientations particulières. Par la suite, toutes nos études et modélisations sont conduites à la température de 350 °C où le glissement cristallographique sera considéré comme le seul mode de déformation plastique.

Modes de glissement dans les métaux à structure hexagonale compacte

Le nombre de familles de glissement est important, mais chacune de ces familles possède peu de systèmes de glissement. Il a été recensé cinq familles de glissement susceptibles d’être activées dans les métaux à structure hexagonale compacte. La majorité des systèmes de glissement ont pour direction cristallographique <a>. Peu de systèmes, dont le vecteur de Burgers est <c+a>,

permettent d’accommoder la déformation suivant l’axe <c>. Ces différents modes de glissement

sont représentés à la figure V-7 et regroupés dans le tableau V-4.

(a) Plans de glissement prismatique Pri. (b) Plan de base Bas.

(c) Plans pyramidaux de première espèce π1. (d) Plans pyramidaux de deuxième espèce π2.

FIG. V-7. Principales familles de glissement observées dans les métaux à structure hexagonale.

TABLEAU V-4. Recensement des principaux systèmes de glissement de la maille hexagonale.

Plan cristallographique Direction de glissement

Nombre de systèmes de glissement

Nom Symbole total indépendants

Prismatique Pri <a> 3 2

Basal Bas <a> 3 2

Pyramidal de 1re espèce π1 <a> 6 4 <c+a> 12 10 Pyramidal de 2e espèce π2 <c+a> 6 5

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Glissement principal dans les alliages de zirconium

Dans le cas des métaux à structure cubique à faces centrées, les trois règles suivantes permettent de prévoir les systèmes de glissement potentiellement activables :

1. Les directions de glissement sont les directions denses, c’est-à-dire avec le plus petit vecteur de Burgers b

r

. Dans le cas du zirconium, il s’agit des directions <a>.

2. Les plans de glissement sont les plans denses. Comme nous l’avons vu précédemment, il s’agit des plans prismatiques pour le zirconium. Rappelons que ces plans sont des plans rugueux.

3. Sous un chargement connu, les systèmes actifs sont ceux ayant une cission effective supérieure à une cission critique : c’est la loi de Schmid et Boas, le système principal possédant la cission critique la moins élevée.

Conformément aux règles énoncées ci-dessus, les résultats expérimentaux, disponibles dans la littérature (voir par exemple [Regnard et Lemaignan 1995, Geyer 1999]), montrent que, pour les

alliages de zirconium non irradiés, le glissement principal ou facile est le glissement prismatique Pri<a> à toute température et dès les faibles niveaux de déformation.

Notons toutefois que le règle 2 n’est pas vérifiée pour le béryllium qui possède pourtant, parmi les métaux à structure hexagonale, le plus petit rapport c/a. Pour ce métal, le mode de glissement

principal est le glissement basal Bas<a>, comme pour les matériaux ayant un rapport c/a

supérieur à la valeur idéale. Legrand [1985] a proposé un critère simple (et vérifié) permettant de

prédire le système de glissement facile dans les métaux à structure hexagonale : il s’agit du système ayant la plus petite énergie de faute d’empilement (EFE).

La cission critique d’écoulement sur le plan prismatique diminue avec la température, mais augmente avec la concentration en oxygène (effet durcissant) comme le montre la figure V-8.

FIG. V-8. Évolution de la cission critique d’écoulement en fonction

de la température et de la teneur en oxygène [Soo et al. 1968].

Le vieillissement dynamique des alliages de zirconium correspond à l’ancrage/désancrage des dislocations mobiles par la diffusion des atomes d’oxygène en solution solide [Prioul 1995]. Ce

phénomène se traduit par la présence, sur l’évolution de la contrainte d’écoulement en fonction de la température, d’un palier, qualifié par abus de langage d’« athermique », et qui résulte d’effets opposés que sont l’augmentation de la mobilité des dislocations et de l’ancrage de ces dernières par les atomes d’oxygène. Dans le domaine de températures associé à ce palier athermique, sur les alliages de zirconium recristallisés, une sensibilité à la vitesse de sollicitation nulle, voire négative, est observée ; la contrainte d’écoulement diminue lorsque la vitesse de déformation augmente dans une certaine gamme de vitesses (voir par exemple [Derep et

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al. 1980]). Le domaine de températures associé au vieillissement dynamique est fonction de la

composition chimique du matériau et de la vitesse de sollicitation en déformation, ce qui rend très difficiles les comparaisons de résultats expérimentaux (caractérisation mécanique, sensibilité à la corrosion sous contrainte) entre différents alliages de zirconium. Le volume d’activation du glissement prismatique augmente avec la température, mais diminue avec la concentration en oxygène, et présente un pic dans le domaine de vieillissement dynamique. Nous verrons au paragraphe 5, que le Zircaloy-4 détendu ne présente pas, à 350 °C, de sensibilité à la vitesse anormale.

D’autres particularités sont à noter :

- Une différence de mobilité entre les dislocations coin et vis est observée, différence qui serait corrélée à la structure complexe du cœur des dislocations. La déformation plastique est contrôlée principalement par le mouvement des dislocations vis (nous ne distinguerons toutefois pas les dislocations vis et coin dans notre approche micromécanique).

- Des écarts à la loi de Schmid ont été observés à la température ambiante mais ces écarts disparaîtraient avec la température (résultats obtenus sur un alliage de titane). Sans plus d’informations, nous avons utilisé cette loi, même si elle est parfois mise en défaut pour les métaux à structure hexagonale.

Glissements secondaires dans les alliages de zirconium

Bien que les informations dans la littérature sur l’activation des systèmes secondaires soient beaucoup moins nombreuses que sur l’étude du glissement prismatique, des observations ont été réalisées et conduisent aux tendances suivantes.

- Le glissement basal Bas<a> n’est faiblement observé qu’à haute température (T > 800 K) [Akhtar 1973], ou pour des déformations importantes à 20 °C, supérieures à 1 % à 350 °C

dans le Zircaloy-4 recristallisé [Geyer 1999]. Par contre, Régnard et al. [1995] n’ont pas

observé de glissement basal dans les mêmes conditions que Geyer.

- Le glissement pyramidal π1<a> est le système secondaire le plus actif malgré une cission

critique élevée, son activation augmentant avec la température.

- Le glissement pyramidal π1<c+a> est activé quelle que soit la température, dès qu’il est

nécessaire d’accommoder la déformation plastique suivant l’axe <c> de la maille hexagonale.

En terme de cission critique τc, nous pouvons retenir le classement suivant :

τc(Pri<a>) ≤ τc1<a>) ≤ τc(Bas<a>) ≤ τc1<c+a>) .

Par contre, nous n’avons pas de classement similaire avec les volumes d’activation Vact. Toutefois, le volume d’activation du glissement prismatique est le plus élevé et celui du glissement pyramidal π1<c+a> est le plus faible. D’après la littérature (par exemple

[Geyer 1999]), les glissements secondaires sont plus sensibles à la vitesse de vitesse de

déformation que le glissement prismatique.

Impact de l’irradiation sur les modes de déformation

Le bombardement neutronique que subit la gaine en réacteur n’est pas sans conséquence sur le comportement mécanique du matériau, ainsi que sur sa résistance à la corrosion (l’irradiation modifie la composition des précipités, le fer se retrouvant dissout dans la matrice). L’irradiation neutronique crée deux types de défauts.

- Des boucles prismatiques, de type coin et de vecteur de Burgers <a>, sont engendrées dès

le début de l’irradiation et se situent dans les plans prismatiques ou proches de ces derniers. Ces boucles sont soit lacunaires, soit interstitielles (leur proportion dépendant de la température à laquelle le matériau est bombardé) ; leur taille est d’environ 10 nm. La densité de ces boucles <a> sature après une irradiation équivalente à deux cycles de

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- D’autres défauts sont créés. Il s’agit de boucles <c> fautées, lacunaires, situées dans le

plan de base, où elles engendrent des fautes d’empilement. Leur apparition intervient après un demi-cycle d’irradiation en réacteur. Leur taille est supérieure à celle des boucles prismatiques (environ 100 nm), mais leur densité est beaucoup plus faible.

Ces défauts peuvent être éliminés par recuit du matériau [Northwood 1977]. La présence de ces

défauts est à l’origine d’un changement de mode de glissement principal et d’un durcissement du matériau [Lefebvre et al. 1998]. En effet, les rares observations réalisées sur matériau irradié

(état recristallisé et faible niveau d’irradiation) montrent que le glissement basal est le système activé dès les faibles niveaux de sollicitation, alors qu’il est très peu actif sur le matériau non irradié. Le glissement pyramidal π1<a> est toujours le système secondaire le plus actif [Lefebvre

et al. 1998].

On peut également noter [Prioul 1995] que l’irradiation supprime les effets du vieillissement

dynamique (plus la teneur en oxygène est élevée, plus l’irradiation doit être importante), rendant ainsi le comportement viscoplastique du matériau normal (sensibilité à la vitesse positive). L’argument avancé pour expliquer cette disparition serait lié au piégeage des atomes d’oxygène par les lacunes.