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3 M ODÉLISATION ET INTERPRÉTATION DES ESSAIS DE CSC

1.3 É TUDE DE LA PHASE D ’« INCUBATION »

1.3.2 Iode et couche de zircone

Nous allons maintenant nous intéresser à l’interaction entre l’iode et la couche d’oxyde passive. Sur la figure VII-4, il est possible de visualiser la couche d’oxyde en rapport avec les cratères formés. Cette dernière ne recouvre pas le cratère mais apparaît comme épaisse (environ 50 nm) comparativement à la couche passive initiale dont l’épaisseur est estimée à une vingtaine de nanomètres. Au vu de ces observations, nous nous sommes alors reposé la question de l’oxygène résiduel et de la croissance de la couche d’oxyde initiale au cours de l’essai de pressurisation interne, augmentation d’épaisseur qui viendrait entraver le processus de CSC et qui ne serait qu’un artefact lié à notre dispositif expérimental. Pour tenter de répondre à cette question, des mesures2 d’épaisseur de la couche d’oxyde ont été réalisées par diffraction des rayons X. Les échantillons étudiés (réf. IN0, IN1, IN2, IN3 du tableau VII-2) correspondaient aux portions de tube ayant été écrasées puis observées au MEB. Une variation de l’épaisseur de la couche d’oxyde au cours des essais n’a pu être mise en évidence, car les épaisseurs restent faibles. En effet, cette méthode de mesure n’a donné qu’une borne supérieure de l’épaisseur des différentes couches mesurées (≤ 300 nm).

CHAPITRE VII. Étude de l’amorçage et de la propagation des fissures de CSC dans les alliages de Zr

(a) État de surface initial de la gaine (réf. IN0). (b) Essai de charge/décharge en milieu inerte interrompu après 5,3 heures d’essai (réf. IN3).

(c) Essai conventionnel de CSC, Σθθ = 350 MPa, interrompu après une heure d’essai (réf. IN2).

(d) Essai conventionnel de CSC, Σθθ = 430 MPa, interrompu après une heure d’essai (réf. LR4).

(e) Essai de charge/décharge de CSC interrompu après 3 heures d’essai (réf. LR5).

(f) Essai de charge/décharge de CSC interrompu après 4,5 heures d’essai (réf. IN1).

Repère pour les photos : Direction axiale du tube Direction circonférentielle

FIG. VII-2. Observations au MEB de la surface interne de tubes soumis à différentes

sollicitations mécaniques et durées d’exposition à l’iode à la température de 350 °C. Étude de la phase d’incubation pour le Zircaloy-4 dans l’état métallurgique détendu.

CHAPITRE VII. Étude de l’amorçage et de la propagation des fissures de CSC dans les alliages de Zr

FIG. VII-3. Bilan des observations MEB réalisées pour l’étude de la phase d’incubation

et de l’amorçage des défauts de CSC. Essais conventionnels et de charge/décharge réalisés à la température de 350 °C sur Zircaloy-4 détendu non irradié.

(a) Essai de CSC conventionnel à une contrainte Σθθ de 350 MPa, rompu après 5,6 h (réf. LR1).

(b) Essai de CSC conventionnel à une contrainte Σθθ de 350 MPa, interrompu après 3 h (réf. LR3). Attention aux effets d’optique : pour ces observations, les échantillons ont été inclinés.

Repère pour les photos : Direction axiale du tube Direction circonférentielle

FIG. VII-4. Quelques exemples d’observations MEB de la couche d’oxyde lors d’essais de CSC.

Couche de zircone

(a) Essais conventionnels.

(b) Essai de charge/décharge, palier haut de 60 min.

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Cependant, avec cette méthode de diffraction par rayons X, il est possible d’accéder à la composition chimique du matériau sur une épaisseur de 7 µm. Sur l’échantillon référencé IN2 (essai conventionnel à une contrainte Σθθ de 350 MPa interrompu après une heure d’essai), la présence d’iode ou d’un de ses composés a pu être détectée par cette méthode. Par contre, pour les autres échantillons exposés à l’iode sur des durées plus importantes, l’iode n’a pu être mis en évidence. Ceci constitue un résultat intéressant qu’il convient d’analyser. En effet, les échantillons aplatis, où la présence d’iode n’a pas été détectée, présentaient une desquamation, parfois importante, de la couche d’oxyde (fig. VII-5). Cette desquamation n’est pas du tout observée pour les essais en milieu inerte de durée équivalente. Ceci indiquerait une fragilisation de la couche d’oxyde par la présence d’iode, l’écrasement entraînant la disparition de l’iode de l’échantillon. En effet, on parle souvent de fissuration mécanique de la couche d’oxyde protectrice comme étape préliminaire du processus de corrosion sous contrainte. Mais qu’en est-il des interactions chimiques ?

Repère pour les photos : Direction axiale du tube Direction circonférentielle

FIG. VII-5. Desquamation de la couche d'oxyde suite à l’écrasement de l’échantillon

(essai de CSC conventionnel, Σθθ = 350 MPa, durée de vie de 5,6 heures).

Afin de répondre à cette question, nous avons observé la surface interne d’un tube n’ayant été soumis qu’à l’action de l’iode à la température de 350 °C. En fait, le tube était légèrement pressurisé sous 6 bars (Σθθ ≈ 5 MPa). Cette pression s’est maintenue tout au long de l’essai, indiquant qu’il n’y a pas eu de fuite et donc une éventuelle pénétration d’oxygène. Cet essai a été interrompu après 150 heures. La durée de cet essai est importante comparativement aux durées des essais de CSC jusqu’à présent considérés. Se pose alors la question de la disponibilité de l’iode tout au long de l’essai ; la présence d’une couleur brune lors du rinçage du creuset où est déposé l’iode montre qu’il restait encore de l’iode disponible après 150 heures.

La figure VII-6 illustre l’état typique de la paroi interne observée à la fin de cet essai. On retrouve la présence des cratères, conséquence de l’attaque chimique par l’iode. Ceci démontre que la couche d’oxyde est perméable à l’iode et ne joue pas un rôle de barrière protectrice comme on pouvait le penser. L’iode est donc capable de traverser la couche d’oxyde passive et d’attaquer ensuite le métal. On peut voir sur la figure VII-6c les étapes de cette attaque chimique de la couche d’oxyde par la formation de ce que nous appellerons une « cloque ». Les

mécanismes d’interaction entre l’iode et la couche de zircone sont méconnus. La molécule d’iode diffuse-t-elle lentement dans la couche de zircone du fait de la présence de défauts, ou l’iode forme-t-il des complexes chimiques avec la zircone (ce qui pourrait expliquer la détection de composés Zr-I-O, comme il a été mentionné au § 2.3 du chap. III) ? Toutefois, nous pouvons penser que, lors de la traversée par l’iode de la couche de zircone, les fortes distorsions du réseau de la zircone créées par la présence de l’iode entraînent la formation d’une « cloque ». Cette

Écrasement de l’échantillon

CHAPITRE VII. Étude de l’amorçage et de la propagation des fissures de CSC dans les alliages de Zr

« cloque » se fissure, puis se détache de la paroi du tube, laissant alors apparaître le cratère qui s’était formé en dessous. Ce mécanisme d’attaque chimique nous semble correct au vu des observations au MEB, même s’il reste à préciser.

(a) Paroi interne du tube.

Direction axiale du tube Direction circonférentielle

(b) Exemple de cratère.

(c) Quelques « cloques ».

FIG. VII-6. Attaque chimique de la couche de zircone et corrosion généralisée de la surface interne d’un

tube soumis à l’action de l’iode pendant 150 heures en l’absence de chargement mécanique à 350 °C.

Le rôle du chargement mécanique serait a priori double.

- En fissurant mécaniquement la couche d’oxyde, le métal serait mis à nu puis exposé à l’attaque de l’iode. Ce mécanisme interviendrait lors de sollicitations mécaniques importantes.

- Pour de faibles chargements mécaniques, ne déformant que la couche d’oxyde sans la rompre, la mise à nu du métal n’interviendrait qu’après la traversée de la couche de zircone par l’iode pour des durées d’exposition à l’iode « importantes ». La chimie joue ici un rôle prépondérant par rapport à la mécanique dans la mise à nu du métal.

- Pour des sollicitations mécaniques intermédiaires, la possibilité de la traversée de la couche d’oxyde assistée par la contrainte (diffusion de l’iode assistée par la contrainte ou ouverture de microfissures facilitant l’accès de l’iode au métal) est à envisager.

Afin d’affiner le rôle que joue la couche d’oxyde sur l’étape d’incubation lors de nos essais conventionnels et de charge/décharge, nous avons tenté de localiser l’iode par une microanalyse par dispersion d’énergie. La figure VII-7 montre deux exemples de sites de localisation de l’iode et les analyses obtenues en regard.

L’iode que nous avons pu localiser présente des concentrations tout juste supérieures aux limites de détection de l’appareil utilisé. Seul l’iode piégé en de rares endroits a pu être détecté, sans pour autant être quantifié. Les multiples nettoyages des échantillons et la volatilité importante de certains composés iodés formés avec l’humidité ambiante sont probablement la cause de l’absence de l’iode sur les échantillons. Ceci est d’autant plus vrai pour les échantillons qui ont été aplatis. La tomographie permettrait d’avoir un seuil de détection plus faible, mais les échantillons doivent être les plus plans possibles.

CHAPITRE VII. Étude de l’amorçage et de la propagation des fissures de CSC dans les alliages de Zr

Repère des photos : Direction axiale du tube Direction circonférentielle

FIG. VII-7. Localisation de l’iode à l’aide de la microanalyse par dispersion d’énergie.

Essai conventionnel de CSC à la contrainte circonférentielle de 350 MPa, rompu après 5,6 heures à la température de 350 °C. Zircaloy-4 détendu non irradié.

Le principal résultat de ces observations est que la présence d’iode est corrélée à la fissuration de la couche d’oxyde. Nous retrouvons également la présence d’une « cloque » au niveau de ces

fissures de la couche d’oxyde lors d’essais de CSC, cloque qui n’est pas observée en milieu inerte (fig. VII-8a). Sur la figure VII-8, différentes étapes de la fissuration et du « cloquage » de la couche d’oxyde suite à l’action de l’iode sont reportées. Quelques similitudes sont à noter entre les figures VII-6 et VII-8. Au niveau d’une cloque, la couche d’oxyde se desquame petit à petit sous l’effet de la contrainte appliquée, laissant alors apparaître le cratère de corrosion s’étant formé sous cette cloque.

1.3.3 Rupture mécanique de la couche d’oxyde - Comparaison calculs / expériences