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Le choix de l’entretien comme outil méthodologique

Pour répondre à ma problématique et vérifier mon hypothèse, l’entretien m’a semblé être le meilleur outil. Cet outil permet de déceler des hésitations, des ressentis, de rebondir sur des mots ou des expressions : « Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? Vous pouvez développer ? ». Cela permet aussi de connaitre le point de vue des enquêtés, de recueillir des témoignages sur le vif. On retrouve alors un langage moins soutenu et un discours plus subjectif puisque celui-ci n’a pas été réfléchi en amont contrairement à un questionnaire par exemple.

Description de l’échantillon de recherche

acteurs en charge de l’enfant placé. En ce qui concerne les enseignants, j’ai réalisé deux entretiens, avec une enseignante de petite section ayant eu dans sa classe différents enfants en situation de placement mais aussi avec une enseignante d’ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire) ayant quatre enfants en situation de placement dans sa classe (année 2018-2019), il était judicieux de l’interroger sur ce sujet. En ce qui concerne les acteurs en charge de l’enfant placé, j’ai interrogé deux assistants familiaux (dans un même entretien), une éducatrice ainsi qu’un psychologue de l’Aide Sociale à l’Enfance. Ces différents entretiens m’ont permis d’identifier l’importance de la collaboration dans cette situation complexe et donc de vérifier les hypothèses. Cinq entretiens ont donc été indispensables.

Dans l’idéal, j’aurai souhaité réaliser un entretien avec un professeur des écoles stagiaire, un enseignant venant d’avoir le concours de recrutement des professeurs des écoles. Seulement la PES n’a pas été favorable à participer à un entretien par manque de temps. Je lui ai donc fait parvenir par mail un questionnaire regroupant les questions de l’entretien prévu ainsi que des pistes de réponses (sous-questions).

Il est, selon moi, intéressant d’étudier et de comparer le discours de trois enseignants de parcours, d’âges et de classes différentes : le ressenti, l’expérience ainsi que la connaissance des enfants en situation de placement seront différents. Le rapport avec les différents acteurs et professionnels de l’Aide Sociale à l’enfance sera lui aussi différent d’un enseignant à un autre. De plus, le point de vue entre les professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance et les professionnels de l’enseignement peut être similaire ou cela mettra en avant une certaine incompréhension entre les individus.

J’ai pris contact avec les professionnels de différentes façons. La demande d’entretien avec les assistants familiaux s’est faite très naturellement, oralement puisque ce sont des personnes avec qui j’entretiens des relations personnelles. En ce qui concerne, l’éducatrice ainsi que la psychologue, j’ai pris contact avec eux par email, de même pour les trois enseignants.

Informations personnelles des enseignants :

Enseignant 1 : femme de 43 ans, DEUG et licence lettres modernes ensuite CAPE (Certificat d’Aptitude au Professorat des Ecoles). Sa carrière : elle a commencé en 2001 dans une école maternelle moyenne / grande section puis grande section pendant 5 ans, et depuis 2006 elle enseigne dans une école rurale en petite section. L’entretien s’est déroulé dans la salle de classe, un jeudi à 16h15, il a duré 51min44. C’est dans une ambiance détendue dans laquelle s’est déroulé l’entretien (ancienne maitre d’accueil temporaire), j’ai senti cette personne dans un état d’esprit assez ouvert et en dépassant le cadre institutionnel. Elle s’est confiée sur son ressenti, sur ses expériences…

Enseignant 2 : femme de 40 ans, professeur des écoles depuis 4 ans, avant enseignante en lycée professionnel en aménagement paysagé, puis éducateur à l’institut médico-éducatif « le château blanc » à Arques la Bataille en aménagement paysagé, puis AVS. Depuis 2017, enseignante sur un poste d’ULIS dans une école rurale. Elle prépare le CAPPEI 2019 (Certificat d’Aptitude Professionnelle aux Pratiques de l’Education Inclusive).

L’entretien a duré 34min51, il s’est déroulé dans la classe de l’enseignante le jeudi 31 janvier à 16h20 après la journée de classe. Sur sa classe de 12 élèves 4 sont en situation de placement.

Enseignant 3 : femme de 22 ans, après avoir obtenu un bac S, celle-ci a effectué un DUT génie biologique option industries agroalimentaires et biologiques puis une L3 sciences et vie et de la terre option ingénierie de la santé. Elle a ensuite poursuivie un master MEEF 1er degré et a obtenu le CRPE. Elle est actuellement en M2 et professeure des écoles stagiaires dans une classe de petit-moyen en maternelle, dans une école rurale.

Informations personnelles du psychologue :

Psychologue de l’Aide Sociale à l’Enfance : femme de 37 ans, diplômée en psychologie (avec une licence et un master 2 en psychologie) à l’Université de Rouen. Elle est psychologue à l’Unité d’Accueil Familial depuis janvier 2014.

C’est un entretien qui a duré très peu de temps, d’une part car nous n’avions qu’un court créneau pour réaliser l’entretien et d’autre part, j’ai eu l’impression que le fait que ce soit un

entretien enregistré, celle-ci s’est confiée avec beaucoup de retenue malgré quelques confidences sur les difficultés de collaborer avec les enseignants. L’entretien s’est déroulé le jeudi 24 janvier à 15h et a duré 8min20.

Informations personnelles des assistants familiaux :

AF 1 : femme âgée de 42 ans, elle a commencé à travailler en tant qu’assistante familiale en 2005. Elle a accueilli un seul enfant à l’âge de 2 ans. Ses parents ont exercé aussi ce métier durant 30 ans, elle a donc toujours vécu avec des enfants placés et connait bien ce métier.

AF 2 : homme âgé de 47 ans, il a commencé à travailler en tant que charcutier puis boucher. Puis il a travaillé dans une entreprise de surgelés pendant 17 ans en tant que manutentionnaire cariste. Il est assistant familial depuis 2010.

Depuis, il a accueilli quatre enfants. Le premier arrivé à l’âge de 11 ans, le second à l’âge de 5 ans, le troisième à l’âge de 3 mois, et le quatrième à l’âge de 3 ans.

C’est un couple d’assistants familiaux qui ont tous deux des agréments bien distincts.

L’entretien s’est déroulé au domicile des assistants familiaux, le 27 décembre 2018 à 11h30 et a duré 35min 31sec. J’entretiens une relation personnelle avec ces personnes. L’ambiance était donc détendue et les Assistants Familiaux étaient en confiance pour discuter du sujet.

Cet entretien s’est passé avec les deux assistants familiaux pour une raison de temps et d’organisation.

Informations personnelles de l’éducatrice :

Éducatrice spécialisée : femme de 35 ans, trois ans de formation d’éducatrice spécialisée en Belgique après le bac. Après sa formation elle a travaillé trois ans en MECS (Maison d’Enfants à Caractère Social). Elle est ensuite revenue en France où elle a dû faire reconnaitre son diplôme par le ministère de la santé à Paris. Depuis cela fait 12 ans qu’elle travaille à l’ASE.

L’entretien s’est déroulé dans une UAF (Unité d’Accueil Familial), dans le bureau de l’éducatrice le jeudi 31 janvier à 14h. Celui-ci a duré 18min37.

Le tableau ci-dessous récapitule la population enquêtée :

Enseignants Professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance

Fonction Age Ancienneté Public

Enseignant 1 43 ans 18 ans Deux soeurs en

situation de placement (petite section)

Enseignant 2 40 ans 4 ans Quatre enfants en

situation de placement dans sa classe ULIS

Enseignant 3 22 ans Moins d’un an Deux enfants en

situation de

placement (moyenne section)

Assistant familial 1 42 ans 14 ans Accueille un enfant

(depuis qu’elle a 2 ans, aujourd’hui elle a 16 ans)

Assistant familial 2 47 ans 9 ans Accueille deux

enfants (de 2 ans et 4 ans) + il a accueilli deux autres enfants au début de sa carrière (partis de la famille d’accueil depuis)

Psychologue ASE 37 ans 5 ans Inconnu

Éducatrice spécialisée

Une obligation : le secret professionnel

Lors de ces entretiens la question du secret professionnel se pose. D’après le code pénal art. 226-13 « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » Mais ce secret peut être partagé. La prise en charge d’un mineur est un travail d’équipe, cela nécessite donc un échange d’informations. Mais comment respecter le secret professionnel dans ce cas ci ? « Un professionnel tenu au secret peut confier à un autre professionnel une information confidentielle si cette information est indispensable à la bonne exécution de la mission qui lui est confiée. »

Validité de l’outil : après les entretiens

L’entretien a, selon moi, été révélateur. Il a été révélateur de certains comportements qui n’auraient pas pu être détecté dans un outil écrit du type questionnaire. J’ai pu remarquer lors des entretiens que certains professionnels étaient sur la défensive, sur la réserve. Ces comportements s’expliquent par le fait que ce soit un entretien enregistré (ce qui a permis de restituer les propos de l’interviewé de manière claire et fidèle), mais cela est dû aussi notamment au secret professionnel. De plus, pour ne pas être jugé ou se sentir jugé, les professionnels, à mon ressenti, ont eu l’envie de ne pas tout dévoiler et d’avoir un discours en accord avec l’institution sans donner leurs points de vue sur certains sujets.

Mais cet outil n’a pas été le seul de mis en place pour recueillir les informations. Malgré son efficacité, l’entretien prend du temps. Les emplois du temps ne coïncident pas toujours, il a donc été difficile de trouver un créneau pour réaliser l’entretien. De plus, je me suis rendue compte que lorsque les personnes interviewées étaient des personnes avec qui je n’entretenais aucune relation, que je ne connaissais pas auparavant, la communication était difficile, notamment au début. Mettre en confiance les personnes tout en restant professionnel, cela n’a pas toujours été le cas. J’ai donc réalisé cinq entretiens ainsi qu’un questionnaire

« ouvert ». En ce qui concerne le questionnaire, après la lecture de ses réponses, quelques- unes étaient incomplètes, je lui ai donc fait parvenir par mail un deuxième questionnement.

Les différents guides élaborés m’ont permis de me repérer lors des entretiens, de me repérer par rapport aux questions déjà posées ou même déjà répondues par les professionnels en surlignant au fur et à mesure. Seulement, après un premier entretien, et avec l’aide de mon directeur de mémoire, j’ai décidé de modifier mes guides d’entretiens. Lors de mon premier entretien, des questions trop complexes étaient posées dès le début de l’entretien. Il est préférable de commencer plutôt par des questions sur le vécu, les expériences des professionnels pour créer un climat de confiance.

Les difficultés de la recherche

Quelques difficultés ont été rencontrées lors de la recherche. La première difficulté est une difficulté rencontrée dans le sujet du mémoire en lui même. Il ne s’agit pas de stigmatiser ces enfants en situation de placement mais de reconnaitre que dans une situation comme celle- ci un enseignant doit collaborer avec des professionnels de l’Aide Sociale à l’Enfance et pas seulement avec les parents d’élèves. De plus, le fait d’avoir réalisé un entretien avec un enseignant d’ULIS, cela pourrait engendrer une stigmatisation et renforcer les stéréotypes mais la réalité en est là. Sur 12 enfants, 4 d’entre eux vivent une situation de placement. Maintenant, ce mémoire n’a pas pour objectif de mettre les enfants dans des catégories. Tous ne sont pas en difficulté et tous n’ont pas de troubles nécessitant des soins. Il faut donc nuancer nos propos notamment dans l’analyse de l’entretien avec l’enseignante ULIS. Cette recherche a donc ses limites.

Une autre difficulté concerne le contact avec les enseignants, les enseignants contactés étaient sur la défensive, j’émets l’hypothèse que les enseignants qui n’ont pas souhaité communiquer avec moi leurs impressions, leurs points de vues et leurs vécus, peuvent avoir des connaissances sur le sujet insuffisantes ou encore avoir vécu des expériences, avec les enfants en placement et avec les professionnels qui les entourent, négatives.

Ma connaissance du sujet a été une difficulté supplémentaire dans cette recherche, des notions qui me semblaient claires et connues de tous ne l’étaient pas. Il a donc fallu prendre

du recul et mettre une certaine distance entre mes connaissances, les connaissances théoriques ainsi que ce que pouvaient apporter les différents individus interrogés.