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La classe est un « espace-temps »42. Parce qu’il s’y joue des scénarios nourris d’habitus43, c’est un « lieu » et alors qu’il se caractérise par une culture, richesse immatérielle, c’est un territoire. Du point de vue pédagogique, c’est un « milieu » où les acteurs se transforment et c’est un « géosymbole », un « itinéraire ». (BONNEMAISON, 1981).

Nous avons retenu de l’état de l’art concernant les recherches sur les TICE que « le positionnement pédagogique des adultes et les aménagements en terme de dispositifs, lieux et temps scolaires » (BERGERON, 2013) que représente l’introduction des TICE44 dans la classe est une création qui transforme le milieu. Ainsi le territoire de la classe se transforme, devient autre, et les acteurs vivent une déterritorialisation.

Nous chercherons à voir en quoi l’introduction transforme la classe. Qu’observe-t-on in situ ? Que voit l’observateur des scènes qu’il observe ? Ce qui lui est étranger ou ce qui lui est familier ? Nous chercherons à nous déterritorialiser des disciplines selon la proposition de DELEUZE de comprendre en étranger, se laisser surprendre par l’étrange, l’étonnant, l’improviste (1985), en suivant DANVERS dans son appel à « une épistémologie de la complexité et de la « multiréférentialité » » (DANVERS, 2009 p. 16).

5.1 LA PE NSEE D’UN E TRANG ER DAN S UN NON-

L IE U

En termes de crédit scientifique, on peut se fier à HEISENBERG (2003) qui, après qu’il eut affirmé le principe d’incertitude qui permet d’unifier la dualité paradoxale

42 « A la limite de toutes les tentatives de création, il y a des espace-temps, il y a que ça, ben oui ! » (DELEUZE, 1985)

43 On pourra comprendre que ces habitus peuvent être entendus au-delà du sens vulgaire : manière d'être, comportement, tenue, disposition d'esprit, dans le sens de BOURDIEU qui donne à ces habitus un pouvoir

matière45 de la lumière, déplora l’orientation des sciences dures à la production de technologies destructrices par le fait de politiques qui découpent trop les sciences les unes des autres et isolent des sciences physiques d’autres sciences dont les sciences humaines. Une longue réflexion menée pendant un temps fort de sa vie, les années de la seconde guerre mondiale, fut pour lui une période de non production scientifique qui tout en jetant une sorte de discrédit sur l’authenticité de son travail, aboutit à une œuvre majeure qui propose une autre forme d’intelligence pour dépasser des inimaginables de la pensée scientifique et qu’elle ne l’amène pas à conduire le monde dans des interactions cruelles

qui le nient. BERGSON, DELEUZE, JULLIEN, MORIN, AUBIN n’ont pas ménagé

leurs efforts pour que les dogmes universitaires s’ouvrent à des hybridations théoriques qui ne renoncent pas aux vibrations imprévues, et qui se risquent à s’afficher « hyperdiscipline » (DELEUZE, 1985) en visant à « articuler ce qui est fondamentalement disjoint et qui devrait être fondamentalement joint » (MORIN, 1977) au risque des assonances. Nous trouvons là un nouvel oxymore qui s’accorde bien à celui produit par la recherche méthodologique pour l’observation de la complexité produite par l’introduction du technologique dans les métiers de la relation humaine.

Dans le refus d’unicité et le surplus de discipline, nous visons une recherche épistémologique d’unité. Nous cherchons à construire une méthode qui se veut être moins « comptable » « rationnelle » ou « linéaire » que paradoxale, pour éviter la simplification. Elle nous a semblé être la plus accordée avec notre objet et notre terrain.

5.2 QUE STION S P OSEE S P AR L’OB SERVA TION DE S

A C TIVITE S

Dans ce domaine de développement technologique aussi bien que d’invention ou de traduction des usages, il y a une dimension expérimentale d’un changement. Elle engage la nécessité d’une perspective diachronique qui permette de mesurer les effets prescrits ou attendus et les effets obtenus (LINARD, 1998).

45 Les aspects corpusculaire et ondulatoire de la lumière sont inséparables; la lumière se comporte à la fois comme une onde et comme un flux de particules, l’onde permettant de calculer la probabilité pour qu’un corpuscule se manifeste.

L’observation des activités nécessite d’aller en milieu naturel produire une observation longitudinale et des mesures diachroniques des dynamiques et leurs effets. Il semble alors que cette étude comparative pourrait se rapprocher d’une « pédagogie comparée » historico-géographique. Cela nous invite à compléter les temps de l’observation par une étude statistique.

5.3 OB SE RVER DE S SITUA TIO N S D’AP PRE N TISSAGE E T

D’E N SE IGNEM EN T

La classe est un système vivant. Le chercheur est un vivant aussi. La nature fragile et complexe du milieu et des processus à observer, une classe et son activité, les capacités limitées de perception du chercheur qui donnent un caractère partiel, partial et parcellaire à tout travail, nous font renoncer à chercher une totale objectivité mais nous engagent à croiser les regards et les outils méthodologiques. « Il faut que l’objet de recherche soit bien découpé, les nôtres sont des objets de traverse, feuilletés, énigmatiques, toujours en mouvement et peinant à se définir. Et d’ailleurs l’accent n’est-il pas mis souvent sur le cheminement du chercheur ? » (CANTER KOHN, 2013 p. 25). Nous observons avec nos filtres. Nos expériences de manque de ressources dans des situations d’apprentissage ou d’évaluation en sont. Ils nous font interpréter malgré nous nos observations : quand l’activité de l’élève s’éloigne de l’activité didactique, nous voyons l’élève en limite de viabilité46, les manques dépassant le désir et les « pulsions scopiques ou groupales» qu’évoquent Jacques LEVINE et Michel DEVELAY dans leur ouvrage sur les dynamiques anthropologiques scolaires. Pour « voir » si l’apprenant est ou n’est pas, plus dans l’activité avec la classe, en situation de transformer des ressources ou « en attente » d’autres ressources, nous corrélons des éléments langagiers et extra langagiers, corporels en particulier.

Notre approche empirique situe nos observations en classe : sur le terrain des situations d’apprentissage. Elles prennent en compte les gestes du corps, signes d’aise ou de malaise comme indicateurs d’engagement de l’apprenant dans ses apprentissages. Les « détails » comportementaux sont essentiels à observer. Ils signent les processus en marche ou la présence de freins à la pensée, la sortie du contrat didactique, l’absence symbolique…la reprise d’activité, la portée sémiotique des échanges entre acteurs (acteurs en réseaux, acteurs réseau)… la place d’où parlent les acteurs, le sens et l’orientation du discours. Ils peuvent être recueillis par des échanges ciblés avec certains élèves pour recueillir le sens qu’ils confient à leur comportement au cœur de l’action.

5.4 SC IEN TIF ICITE DE S E XP ERIE NCE S E N P SY CH OL O G IE

DY NAM IQUE

Kurt LEWIN reconnaît à la psychologie le droit de s'affranchir de la force probante de la fréquence des événements observés dans les expérimentations (LEWIN, 1959 p. 37). « On croit généralement que le déterminé est fonction de la régularité et se situe à l'opposé du cas particulier. » Kurt LEWIN veut lutter contre ce « simple principe de régularité » comme « la physique galiléenne a dû lutter » (LEWIN, 1959 p. 40). « Il devient stupide d'avoir recours à des situations différentes aussi nombreuses que possible et de ne considérer comme absolument valables que les variables observées dans tous les cas et dans n'importe quelle situation» (LEWIN, 1959 p. 53). En soulignant le fait que d'une expérience à l'autre le contexte historico-géographique change, il dénie « le principe d'addition des phénomènes observés.» Ce faisant il initie une psychologie qu'il dit dynamique, parce que comme la physique qui décrit le mouvement par un différentiel des états dans le temps, elle s'appuie sur une approche différentielle dans un repère historico-géographique des comportements observés. Il affranchit sa méthodologie des concepts aristotéliciens et galiléens, et réclame le droit de décrire et catégoriser les comportements observés sans nécessité de répétition. « Le passage du cas particulier à la loi, de « ce phénomène » au « phénomène » ne demande plus la confirmation de la régularité historique caractéristique du mode de pensée aristotélicien » (LEWIN, 1959 p. 53).

Notre recherche s’appuie sur l’étude longitudinale d’une simple expérience en un lieu unique, une classe de 1ère S.

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