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Une alternative pour tester l'impact des prédateurs sur le succès de reproduction des oiseaux est de délimiter deux zones. Dans l'une on contrôle ou éradique les prédateurs, l'autre sert de contrôle et l'on suit le succès de reproduction des oiseaux dans les deux régions. Cette méthode a l'avantage de ne pas se concentrer uniquement sur le facteur « prédation au nid » comme je l'ai fait lors de mon travail.

Bramley (1996) a utilisé cette approche pour les râles weka mais son expérience n'a pas été concluante en raison du faible nombre de couples de râles wekas qu'il a suivi et dont certains ont ôté leurs émetteurs ou sont morts. Cet auteur suggère donc de suivre le ou les mêmes couples plusieurs années de suite sous différents régimes de contrôle des prédateurs afin de déterminer le succès de reproduction sous chacun de ces régimes. Bien entendu, ceci ne peut fonctionner qu'avec des espèces dont l'espérance de vie est longue, les cagous et perruches étant de bons candidats pour cette méthode.

Les nids artificiels sont couramment utilisée pour tester la prédation sur un grand échantillon. Cela évite d'avoir à chercher de vrais nids, tâche longue et ingrate. Des études récentes indiquent cependant que seuls les vrais nids permettent de vérifier s'il y a prédation ou non (Zanette 2002, Berry & Lil 2003). Les taux de prédation sont significativement plus hauts sur des nids artificiels que sur de vrais nids (Berry & Lil 2003). Leur étude est intéressante en soi pour la Nouvelle-Calédonie puisqu'elle touche des Eopsaltria australis, espèce proche du rossignol à ventre jaune.

Les nids artificiels peuvent cependant servir à déterminer les conditions qui favorisent la prédation sur les nids ainsi que les prédateurs qui

visitent les nids. C'est ce qu'on fait Laurance et al. (1993) en Australie mais l'échantillon pour parvenir à ce but est nécessairement élevé (ces auteurs avaient 610 nids artificiels) et l'on peut se demander si les résultats en valent l'effort. Il n'est en effet, pas garanti que les prédateurs se comporteront de la même façon que sur des nids naturels. Pärt & Wretenberg (2002) ont d'ailleurs trouvé que les nids artificiels n'étaient représentatifs de la prédation sur un nid naturel uniquement si les mêmes prédateurs sont attirés par ce nid et si l'attirance du prédateur est similaire pour les nids artificiels ou naturels. Ceci implique donc une bonne connaissance des prédateurs et de leur taux de prédation sur une espèce avant de pouvoir utiliser des nids artificiels de façon comparable à de vrais nids.

Robinet et al. (1998) ont également eu recours à cette méthode pour quantifier le taux de prédation sur des oeufs de caille déposés dans des cavités d'arbres creux à Ouvéa (rats polynésiens présents) et à Lifou (rats noirs et rats polynésiens présents). Il n'y a presque pas eu de prédation à Ouvéa alors que les taux de prédation étaient beaucoup plus élevés à Lifou. Si cela indique un potentiel prédateur plus important des rats noirs, il faut cependant prendre en compte que ces nids artificiels n'étaient pas gardé par une femelle incubant, ce qui, selon mes résultats, pourrait être un facteur important dans la prévention de la prédation. Il est aussi possible que les résultats de Robinet et al. (1998) s'expliquent plus par la plus grande arboréalité des rats noirs (voir chapitre précédent), ce qui les mettrait plus en contact que des rats polynésiens avec des oeufs placés dans des arbres. Robinet et al. (1996) pensent que l'introduction de rats noirs à Ouvéa pourrait avoir des conséquences désastreuses pour les perruches d'Ouvéa. Si les perruches d'Ouvéa sont, comme les perruches de la Grande-Terre, capables de chasser les rats de leur nid, la présence de rats noirs à Ouvéa ne leur poserait pas de problèmes. Il est en revanche probable que d'autres espèces locales en pâtiraient. Il est également possible que les perruches d'Ouvéa n'aient pas développé de mécanismes comportementaux leur permettant de combattre les rats.

Campbell et al. (1984) et McConkey et al. (2003) ont cherché les restes des aliments consommés par des rats polynésiens afin de documenter une partie de leur régime. Ces restes se trouvent dans des endroits où les rats

mangent régulièrement (husking stations). Il s'agit d'endroits semi-clos et protégés de la pluie où les restes de repas des rats sont évidents. Cette méthode est intéressante car elle permet de trouver relativement facilement une grande quantité d'informations sur le régime des rats. Malheureusement, on ne trouve en ces endroit que les restes non-comestibles des repas du rat. Je n'ai pas trouvé de tels endroits en forêt humide. J'évoquerais trois raisons pour lesquelles le seul endroit de ce type que j'ai trouvé était en bord de rivière. Premièrement, Campbell et al. (1984) ont travaillé en zone côtière, où il y a probablement beaucoup moins de végétation et autres débris au niveau du sol. Deuxièmement, il est probable que tous les restes laissés par les rats (hors coquilles d'escargots) soient rapidement emporté par les nombreuses fourmis présentes en forêt et dans le maquis. Enfin, il est possible que les rats polynésiens de Nouvelle-Calédonie se cachent en sous sol pour manger afin d'éviter les rats noirs.

Plusieurs auteurs ont pu analyser les contenus stomacaux des rats (Copson 1986, Daniel 1973, Fall et al. 1971, McPhee 1988, Miller & Miller 1995, Sugihara 1997) . McPhee (1988) remarque cependant que cette technique est difficile en raison de la petitesse des restes alimentaires et des conditions de macération dans l'estomac des rats. Fall et al. (1971) ont aussi noté que les contenus d'estomacs de rats polynésiens étaient tellement fins qu'il n'était pas possible d'identifier les plantes consommées. Ces auteurs n'ont trouvé que peu de fragments d'insectes dans l'estomac des rats. Compte tenu du travail que cela représente, je n'aurais pas eu le temps lors de mon étude d'analyser chaque estomac de la sorte. D'autre part, il m'aurait fallu consulter des experts capables d'identifier les restes d'insectes, de graines ou autres. L'organisation de ce travail dépassait mes moyens.

Daniel (1973) et Fall et al. (1971) ont également effectué des tests de préférences en laboratoire. Des tests de « cafétéria » auraient été possibles dans le cadre de mon étude mais je n'en ai pas fait de crainte que la captivité ne modifie le comportement des rats. Il m'aurait été très difficile de proposer aux rats des échantillons de chaque source potentielle de nourriture.

Chapitre 6.

Chapitre 6.