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Au vu des conséquences catastrophiques de la crise d’ébullition, la nécessité de prévoir les conditions d’apparition du flux critique est primordiale. Les travaux sur la prédiction de la crise d’ébullition sont donc nombreux et on distingue deux familles d’approches :

— l’approche empirique, — l’approche physique.

L’approche empirique consiste en l’élaboration de corrélations à partir de mesures de flux critique. Celles-ci se présentent généralement sous la forme suivante :

Le flux critique est noté qcrit, la pression notée P , G est la vitesse massique, L la

longueur du tube chauffant, D le diamètre du tube et Xeq le titre thermodynamique

à l’équilibre. Les paramètres intervenant dans cette corrélation sont des grandeurs qui sont moyennées à l’échelle du sous-canal (figure 1.4).

Sous canal REP 12.5mm

9.5mm

Figure 1.4 – Schématisation de l’espace d’un sous-canal REP.

On considère en effet aujourd’hui que c’est cette échelle spatiale qui constitue le meilleur compromis entre la connaissance des écoulements mis en jeu, la finesse de leur description et la précision des outils de calculs utilisés dans le cas réacteur.

Comme toute approche purement corrélative, elle présente l’inconvénient d’avoir un domaine de validité restreint au domaine des conditions expérimentales pour lesquelles les corrélations ont été établies. Leur extrapolation est donc risquée car elle n’est en principe jamais justifiée et nécessite une validation.

L’approche physique consiste à tenter d’identifier et de modéliser les mécanismes régissant la crise d’ébullition de type caléfaction dans le but d’étendre le domaine de validité des corrélations empiriques.

Bricard (1995) dresse dans sa thèse une liste des différents mécanismes susceptibles d’expliquer le flux critique en cas d’écoulements à faible titre thermodynamique. Il retient 3 types de mécanismes :

— assèchement d’un site de nucléation (Steven et Kirby, 1964),

— accumulation de bulles à la paroi (Kutateladze et Leont’ev, 1966, Weisman et Pei, 1983),

— assèchement d’un film liquide sous une poche de vapeur (Lee et Mudawar, 1988). Cependant, aucun d’entre eux ne permet d’expliquer ou de prédire de façon totale- ment satisfaisante l’apparition de la crise d’ébullition de type caléfaction.

Il faut noter que l’identification expérimentale des mécanismes est rendue très dif- ficile par le fait que d’une part, les échelles de temps et d’espace associées à la crise d’ébullition ne sont pas connues voire inaccessibles et probablement très faibles et d’autre part que la nature essentiellement pariétale du phénomène en rend l’observa- tion extrêmement compliquée.

1.3.1 L’Approche Prédictive Locale - APL

Une voie de progrès envisagée repose sur le pari de l’approche prédictive locale qui consiste à développer des outils de prédiction (ou de calcul) du flux critique en utilisant, à la place des paramètres moyennés sur la section d’un sous-canal, des valeurs locales des paramètres thermohydrauliques. L’originalité de l’approche prédictive locale réside donc dans le choix de l’échelle de modélisation retenue pour décrire le phénomène étudié.

Dans son principe, l’approche prédictive locale présente deux intérêts majeurs : — d’une part, ce changement d’échelle devrait permettre de mieux tenir compte

des liens entre la caléfaction et la structure locale des écoulements diphasiques bouillants,

— d’autre part, de mieux appréhender les relations entre le flux critique et les différents paramètres thermohydrauliques (forme de profil de flux, présence de paroi froide) ou géométriques, relations qui sont aujourd’hui mal comprises et qui impliquent donc un recours systématique à l’expérimentation afin de pouvoir être correctement prises en compte.

A terme, on espère que les outils développés dans le cadre de cette approche offriront une capacité d’extrapolation supérieure aux corrélations actuelles.

Le prérequis nécessaire au développement de l’approche prédictive locale ainsi qu’à sa mise en œuvre repose donc sur l’utilisation d’un outil fiable et qualifié permettant de décrire le plus précisément possible les caractéristiques des écoulements bouillants.

C’est le code de CFD3

NEPTUNE_CFD qui est à ce jour retenu pour instruire l’ap- proche prédictive locale.

1.3.2 Le code NEPTUNE_CFD

Le projet NEPTUNE (Guelfi et al., 2005) est un programme de Recherche et Dé- veloppement lancé en 2001 et impliquant les quatre principaux acteurs du nucléaire

français - CEA, EDF, IRSN et AREVA-NP - dont l’objectif final est de développer une plate-forme d’outils de simulation thermohydraulique adaptée aux besoins spécifiques de l’industrie nucléaire.

Trois applications industrielles majeures sont concernées : — étude du choc froid,

— étude de l’accident de perte de réfrigérant primaire (APRP), — prédiction du flux critique en conditions réacteur.

Le code NEPTUNE_CFD est l’outil de calcul thermohydraulique développé dans ce cadre. Reposant sur une approche eulérienne, ce code calcule l’évolution des grandeurs locales moyennées dans le temps en résolvant les 3 équations de bilan suivantes dans chaque phase :

— masse,

— quantité de mouvement, — enthalpie.

A ces 6 équations, on peut également coupler une équation de transport d’aire interfaciale. Montout (2009) décrit le modèle de façon exhaustive dans sa thèse.

Néanmoins, si le code a aujourd’hui atteint un degré de maturité jugé satisfaisant au dire des partenaires et au regard de la majorité des applications industrielles d’intérêt, de nombreux développements sont encore nécessaires pour améliorer les relations de fermeture du code. Montout (2009) cite ainsi par exemple, la modélisation des termes d’échange d’énergie interfaciaux ou encore la turbulence de la phase continue. Ce der- nier fait également remarquer que la complexité du code tant du point de vue du nombre de relations de fermeture, que du point de vue des aspects numériques rendent tout développement physique extrêmement compliqué. De plus, toute validation ex- périmentale est impossible à cette échelle au regard de la connaissance actuelle des écoulements.

1.3.3 La modélisation de la turbulence en écoulement dipha-

sique

L’APL nécessite de disposer d’un outil de prédiction des conditions locales qualifié. Or, comme indiqué par Montout (2009), un certain nombre de relations de fermeture du code ne sont pas validées.

Au regard de la thématique de l’ébullition et du flux critique en particulier, il nous paraît intéressant, si ce n’est essentiel, de nous concentrer en premier lieu sur les mécanismes pilotant le transport de l’énergie depuis la paroi qui représente la source

vers les puits que constituent le liquide et les interfaces.

Nous nous sommes intéressés dans le cadre de cette étude au transport turbulent. En effet, on peut aujourd’hui faire le constat que les modèles classiquement retenus pour la modélisation de la turbulence en ébullition sont des modèles directement empruntés au domaine des écoulements monophasiques ou diphasiques adiabatiques à faible taux

de vide (k − ε, Rij − ε). Ces modèles ne sont absolument pas qualifiés en situation

d’ébullition. Le modèle k −ε exprime la viscosité turbulente par la fermeture suivante :

µT = Cµk

2

ε, où µT est la viscosité turbulente, k l’énergie cinétique turbulente et ε la

dissipation turbulente. Rien ne permet aujourd’hui de garantir, par exemple, que la

valeur communément admise pour la constante Cµ(= 0.9) dans l’expression du modèle

reste valable dans le cas d’un écoulement bouillant sans même parler de la validité des équations de transport et de leurs fermetures en diphasique. Rien ne garantit par ailleurs qu’un tel niveau de raffinement pour la description de la structure mécanique des écoulements soit nécessaire pour comprendre et modéliser les mécanismes de crise d’ébullition.

Sato et Sekoguchi (1975) observent dans les essais qu’ils ont réalisés, le lien direct entre la turbulence et le profil de température liquide, indiquant par la même que la connaissance du profil de température liquide pouvait permettre d’accéder à des informations caractérisant la structure turbulente de l’écoulement.

Par ailleurs, même si aujourd’hui le mécanisme de la crise d’ébullition n’est pas clairement identifié, il est en revanche tout à fait imaginable que ce phénomène soit plus ou moins directement lié à l’existence d’un mécanisme qui ralentit ou supprime l’évacuation de l’énergie depuis la paroi vers le reste de l’écoulement. C’est notamment ce concept sur lequel repose le modèle de crise d’ébullition de Weisman et Pei (1983). Selon ces auteurs, le flux critique survient lorsque dans l’écoulement, une couche pa- riétale de bulles suffisamment dense se forme, bloquant l’évacuation de l’énergie par transport turbulent. Le critère de flux critique se caractérise ici par une notion de taux de vide critique en paroi supposé égal à 0.82, à l’apparition de la crise d’ébullition.

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