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Partie II: méthodologie de recherche 28

14 Méthodologie d’analyse

La combinaison de l’induction et de la déduction a également conduit à une méthodologie d’analyse qui s’enrichit de différentes procédures permettant de traiter le matériel empirique. Ces outils d’analyse vont être puisés au sein de deux approches ; celle de la Grounded Theory et celle du codage thématique. Mais avant de discuter de cela, il semble important de montrer de quelle manière les entretiens ont été retranscrits.

14.1 La transcription des entretiens

« lost in transcription »

(Bourdieu, 1999, cité par Kvale & Brinkmann, 2009, p. 178) Aborder la manière dont les transcriptions ont été faites peut se révéler importante. L’entretien correspond à une conversation en face à face entre deux personnes. Durant cette interaction, la tonalité de la voix peut varier, les expressions corporelles soutiennent le langage. Lors de la transcription, l’interaction entre les deux personnes est plus abstraite et ces éléments ne sont pas accessibles (Kvale & Brinkmann, 2009). En effet, l’enregistrement audio implique déjà une perte de tous les aspects non-verbaux. De plus, le passage de l’oral à la transcription écrite du discours enregistré engendre également une transformation. Par ailleurs, les règles du langage oral et du langage écrit ne sont pas les mêmes. Vermersch (2009) effectue une description fine de toutes ses étapes de transformation en partant du moment où la personne prend pour objet de pensée une expérience jusqu’à l’analyse des données. A l’étape de la transcription de l’entretien, il aborde des questions intéressantes : est-ce qu’il faut prendre en compte les répétitions ou les intonations, la description du non-verbal et de l’atmosphère lorsque cela est possible, etc. ? Kvale et Brinkmann (2009) expliquent également que l’étape de transcription constitue déjà un processus analytique. Pour choisir la forme des transcriptions, ils conseillent de prendre en compte les objectifs de la recherche, la nature du matériel et le temps à disposition. Ainsi, différents choix ont été faits en réfléchissant à ce qui pouvait être utile pour l’objectif de recherche (Signes utilisés dans la transcription des entretiens, annexe 5).

Premièrement, les intonations, les emphases et les augmentations de volumes ont été préservées et marquées d’un signe. Cependant, durant la transcription, il semble plus facile de repérer des intonations montantes, les intonations descendantes marquant plutôt les fins de phrase. Ces informations semblaient utiles dans la mesure où elles permettent parfois de conserver certains aspects émotifs lors de la conversation.

Deuxièmement, les pauses moyennes et les longues pauses sont également spécifiées dans la mesure où elles permettaient d’indiquer une réflexion de la part de l’interviewé. Cela offre un meilleur retour à la situation de conversation.

Troisièmement, les syllabes étendues ont également été indiquées. Ces dernières spécifient les hésitations, ainsi que les moments où le discours devient moins spontané.

Quatrièmement, certains commentaires relatifs aux rires ou aux expressions corporelles lorsque cela a été gardé en mémoire ont été ajoutés.

Finalement, les moments de coupure – comme lorsque la personne effectuait la représentation de son parcours sur une feuille – ou les segments non identifiables ont également été spécifiés.

Par ailleurs, les points, les virgules ainsi que les termes de négations ont été ajoutés par souci de clarté pour le lecteur. Comme ces éléments sont liés à la tradition écrite du langage, les insérer lors de la transcription engendre un processus d’interprétation (Kvale & Brinkmann, 2009).

Ces indications permettent de montrer comment s’est effectué le passage du langage oral au langage écrit. Cela permet à nouveau de montrer que cette étape est constituée de différents choix soulignant la nature construite des transcriptions.

14.2 Analyse de cas : les outils du codage thématique

Flick (2009) a développé le codage thématique comme procédure d’analyse en s’appuyant sur les idées de Strauss au sujet des études comparatives. L’idée est de préserver la spécificité du cas en effectuant une analyse plus profonde de ce dernier. Ainsi, la perspective de la personne et la singularité de sa trajectoire sont maintenues en développant un système de catégories propre au cas.

La procédure d’analyse

Le codage thématique s’effectue en plusieurs étapes (Flick, 2009). Dans ce cadre-là, chaque cas est abordé de façon singulière. Il s’agit de faire une description du cas. Cette dernière peut être revue et modifiée à chaque moment de l’analyse du cas si cela est nécessaire.

Premièrement, cette description inclut une phrase qui décrit la spécificité du cas, c’est ce que Flick (2009) appelle « the moto of the case » (p. 319).

Ensuite, il s’agit de donner des informations au sujet de la personne en relation avec les questions de recherche. Dans le cadre de ce travail, cela inclut également la description de son parcours ou de sa trajectoire personnelle.

Finalement, une présentation des thématiques centrales abordées par l’interviewé est effectuée.

Tous les cas ont été analysés de cette façon, à l’exception des deux cas réflexifs puisque la spécificité de la trajectoire personnelle était beaucoup moins apparente. Par ailleurs, cette phase de codage thématique rend possible le retour au cas et la vérification du développement des catégories transversales. Cette comparaison entre les différents cas constitue ainsi une seconde phase. Cette procédure permet de prendre en compte la singularité des différents cas.

14.3 Codage initial et codage sélectif Un processus circulaire

Selon l’approche d’analyse des données de la Grounded Theory, il est possible de souligner plusieurs procédures permettant de traiter le matériel empirique. Bien que ces procédures puissent être distinguées, Flick (2009) explique qu’elles constituent des manières de traiter les transcriptions des entretiens dans un mouvement circulaire de va-et-vient. Ces stratégies sont identifiées sous les termes open coding, axial coding, selective coding (Charmaz, 2006 ; Flick,

2009 ; Strauss & Corbin, 1998). Actuellement, les différentes variantes de cette approche soulignent l’importance de cette première phase de codage initiale, ainsi que la nécessité de développer les liens entre les différentes catégories. Pour cela, le chercheur utilise l’induction et la déduction : « the researcher moves continuously back and forth between inductive thinking (developing the concepts, categories, and relations from the text) and deductive thinking (testing the concepts, categories, and relations against the text, especially against passages or cases that are different from those from which they were developed) » (Flick, 2009, p. 311). Cependant, Strauss et Corbin (1998) ont développé leurs étapes ultérieures d’analyse – axial and selective coding – sur la base d’un modèle paradigmatique de codage. Certains chercheurs ont critiqué ce dernier car il semble forcer les données dans la structure de ce modèle (Flick, 2009).

Comme l’explique Charmaz (2001), les différentes approches qui se basent sur la Grounded Theory ont développé, à la suite des travaux de Strauss et Corbin, différentes stratégies assez souples permettant de récolter et d’analyser le matériel empirique. Ainsi, afin de permettre une certaine induction, cette recherche a utilisé quelques-unes de ces stratégies. Dès lors, il s’agit de présenter les éléments qui ont permis de maintenir une certaine induction dans l’analyse des données.

La procédure d’analyse

La première phase d’analyse s’est appuyée sur celle de l’open coding (Strauss & Corbin, 1998) appelé initial coding chez Charmaz (2001, 2006). Les auteurs expliquent qu’il s’agit de découvrir le point de vue de l’interviewé et c’est pourquoi le codage segmente des petites parties du texte. Ainsi, cette étape a permis de segmenter le texte en unités de signification pouvant comprendre un seul ou plusieurs mots, des phrases ou une partie du texte. Chaque unité est attachée à un code décrivant soit un concept ou une annotation. Charmaz (2001) conseille de préserver les processus lors de cette phase de codage, ainsi que de rendre visibles les actions afin d’éviter de rester trop spécifique ou, à l’inverse, de faire de trop grands écarts. En rendant visibles les actions, Charmaz explique qu’il est également plus facile d’effectuer une analyse transversale à travers tous les cas. Afin de faciliter ces différents éléments, il semble utile d’utiliser des expressions provenant directement des entretiens pour construire les codes– in vivo codes (Charmaz, 2001, 2006 ; Flick, 2009). Cependant, ils peuvent également utiliser des concepts de la littérature – constructed codes (Flick, 2009). Bien que cette phase vise à rester proche des données, le chercheur effectue des décisions analytiques au sujet des données, ce qui engendre une conceptualisation des entretiens. Ainsi, les codes reflètent inévitablement la perspective et les intérêts du chercheur comme le souligne Charmaz (2001). A cette étape de l’analyse, on peut se demander comment passer des codes à des catégories et comment synthétiser les différents entretiens ? Pour cela, une autre stratégie de codage va être appliquée au matériel empirique.

En effet, afin de synthétiser l’ensemble des données, Charmaz (2001, 2006) propose une deuxième phase appelée selective or focused coding. Ces codes sont plus abstraits et recouvrent plus de données. Ainsi, ce deuxième codage a permis une analyse transversale des différents cas car les codes traversent les différents entretiens. Les codes ont été regroupés pour former des catégories pertinentes par rapport aux questions de recherche, à chacun des cas et à l’ensemble des cas. Durant cette deuxième phase de codage, l’élaboration d’une première liste de codes et de catégories décrivant les phénomènes étudiés a été constituée. De plus, elle est également complétée par le contenu des mémos. En effet, comme expliqué plus haut, l’écriture des mémos a permis de souligner certaines idées qui surgissaient au fil des entretiens et des analyses. Cela a été possible grâce aux choix d’effectuer les entretiens et les analyses en parallèle. Ainsi, cela a permis d’intégrer de nouveaux cas en s’inspirant du modèle de l’échantillonnage théorique. Les nouveaux cas peuvent permettre au chercheur de clarifier ses interprétations. Il a donc semblé

intéressant d’effectuer deux entretiens avec deux cas scolaires à la moitié de la récolte des données, ainsi que deux entretiens avec des cas plus réflexifs à la fin de la phase de terrain.

Les limites

Cette procédure est la partie principale du processus de recherche qui conduit à développer une théorie. Cependant, Flick (2006) relève quelques limites. Tout d’abord, il est parfois difficile de distinguer les méthodes et « l’art » du chercheur, ce qui requiert une certaine expérience pour mieux maîtriser ce genre d’analyse. Ensuite, le codage peut être infini et il peut être difficile de savoir quand il faut s’arrêter. Finalement, la méthode donne peu de conseils au sujet de la sélection des passages et des critères correspondant à la fin du codage. Il semble alors utile de revenir assez souvent aux questions et buts de la recherche et d’établir une liste de priorités comme le conseille Flick (2006). L’appui de l’approche déductive et certains outils développés pour la procédure d’analyse thématique permettent également de conserver un cadre pour l’analyse, mais aussi d’effectuer une analyse plus profonde du cas individuel afin de préserver sa perspective – les études de cas.

Comment ont été combinées ces différentes stratégies ? La partie suivante tente de décrire les étapes d’analyse afin de les rendre explicite.

14.4 Les étapes d’analyse

Comme la récolte des données et l’analyse ont été faites en même temps, les différentes étapes d’analyse doivent être comprises dans le contexte d’un va-et-vient entre le terrain et un travail d’analyse.

Le travail de transcription de chaque entretien a été fait peu après que ce dernier ait été effectué avec les interviewés. Durant cette phase, les mémos sont également écrits, ce qui permettait de prendre quelque peu de la distance par rapport aux entretiens. Ensuite, le codage initial a été réalisé (Exemple de codage d’un entretien, annexe 6). Comme expliqué auparavant, il s’agissait de coder le texte en restant proche des données afin de découvrir le point de vue de l’interviewé.

Ceci découle donc sur une liste de codes propres au cas. En ayant bien le cas en tête, la description du cas selon les étapes décrites au sein du codage thématique a été effectuée. Ainsi, chaque cas contient une description contenant une phrase qui décrit sa spécificité, des informations concernant son parcours, des indications en lien avec les questions de recherche et les thématiques centrales abordées. Cette première phase a été réalisée durant toute la récolte des données. Par ailleurs, alors que les premières idées ont émergé, de nouveaux types de cas – scolaires et réflexifs – ont été inclus.

Ensuite, après avoir analysé tous les cas de cette façon, une analyse transversale de ces derniers est effectuée. Cela permet de traverser l’ensemble des cas. Cette étape correspond au codage sélectif qui implique une élaboration de codes plus abstraits et recouvrant plusieurs cas, la création de catégories transversales qui rassemble des codes sous une même thématique et une mise en évidence des liens entre les différentes catégories. De façon très concrète, chaque cas a été repris en élaborant une liste de codes et de catégories permettant d’inclure tous les cas. De cette façon, il est possible de vérifier le développement de ces catégories transversales par rapport aux catégories et codes développés au sein de chaque cas (voir annexe 6, codage transversal). Les catégories restent ainsi plus facilement ancrées dans le matériel empirique, ainsi que dans la singularité des différents cas.

Les deux entretiens d’experts, ainsi que les différents documents ont été analysés en suivant les procédures du codage initial et sélectif. En effet, une analyse thématique ne semblait pas pertinente dans le cadre de l’analyse des entretiens effectués avec le maître de culture général et l’ancien directeur. En effet, le but de ces entretiens est de contextualiser les propos de ces jeunes en formation en apportant des informations relatives au Centre de formation professionnelle.

Ce chapitre a permis de montrer les choix relatifs à la transcription des entretiens, ainsi que la manière dont ces dernières ont été analysées. Lors de la discussion des résultats, plus de détails seront donnés concernant le choix des extraits sélectionnés parmi l’ensemble des entretiens et le choix des études de cas présentées plus en profondeur.