• Aucun résultat trouvé

Chapitre IV – Comportements de santé, déclin physique et dépendance

IV.1. c. Méthodes statistiques

i. Constitution de l’échantillon Nous avons exclu les participants :

- dépendants à l'inclusion,

- qui ont abandonné l'étude avant le suivi 1 et étaient vivants à la fin du suivi (qui ne contribuent donc ni au risque de dépendance, ni au risque de décès),

- dont au moins un comportement de santé était manquant à l’inclusion, - dont le statut de dépendance était inconnu à toutes les visites.

ii. Analyse de survie pour données censurées par intervalle avec prise en compte du risque concurrent lié au décès

o Censure par intervalle

La date de survenue d’un évènement est dite censurée par intervalle quand, au lieu d’observer avec exactitude le temps de l’évènement, la seule information disponible est qu’il a eu lieu entre deux dates connues. La censure par intervalle est due au fait qu’une personne est suivie de manière discontinue, ce qui est le cas dans les études de cohorte comme 3C, et si on ne connait pas la date de survenue de l’évènement d’intérêt, ce qui est le cas pour la dépendance dont l’installation est progressive. La méthode habituelle d’analyse de survie consiste à définir la date de l’évènement à la date du diagnostic (Figure 11, A). Une alternative est de définir la date d’évènement comme le milieu de l’intervalle entre la date de diagnostic et la date de la visite précédente (Figure 11, B). Ces approches tendent à biaiser les estimations des coefficients des modèles de survie, surtout quand les intervalles sont longs et de longueur différente (Law et al., 1992). Des techniques spécifiques pour la prise en compte des données censurées par intervalle sont alors préférées, comme des modèles de Weibull pour données censurées par intervalle par exemple ; dans ce cas, le modèle va prendre en compte le fait que la maladie peut commencer n’importe quand entre la visite du diagnostic et la précédente (Figure 11, C). Dans cette étude, la dépendance est censurée par intervalle puisque nous ne connaissons pas la date exacte du début de la dépendance mais savons seulement qu’elle a débuté entre la visite où le diagnostic a été effectué et la visite précédente.

84

Figure 11. Données censurées par intervalle : différentes approches de prise en compte

o Risque concurrent avec le décès

Le décès est un évènement concurrent majeur dont il faut tenir compte, surtout dans le cadre d’études sur le vieillissement. Dans cette étude, une personne dépendante a plus de risque de décéder qu’une personne non dépendante, d’où l’importance de tenir compte du décès dans nos analyses.

Pour tenir compte du risque concurrent lié au décès dans un modèle de survie habituel, on peut censurer les sujets qui décèdent avant l’apparition de l’évènement à la date de leur décès (Figure 12, A). Lorsque l’évènement est censuré par intervalle, la prise en compte des risques concurrents devient plus compliquée. En effet, un sujet peut développer la maladie après sa dernière visite et décéder avant la visite suivante ; cette personne ne serai pas identifiée comme étant malade ce qui conduit à sous-estimer l’incidence de l’évènement si on censure ce sujet à la visite 3 (Figure 12, B). Cette sous-estimation est d’autant plus importante que l’évènement d’intérêt augmente le risque de décès (Leffondre et al., 2013). Le modèle

illness-death pour données censurées par intervalle va tenir compte du fait que les sujets

peuvent développer la maladie entre la dernière visite et le décès ou la date de dernières nouvelles (Figure 12, C).

85

Figure 12. Méthodes d’analyses des risques concurrents

o Modèle illness-death pour données censurées par intervalle Ce modèle (Figure 13) repose sur trois états (sain, malade et décédé) et permet d’estimer simultanément l’effet de l’exposition sur la maladie et sur le risque de décès chez les personnes saines et malades (Joly et al., 2002 ; Leffondre et al., 2013). Les intensités de transition entre ces états s’écrivent et s’interprètent de la façon suivante :

- 𝛼01(𝑡|𝑍) = 𝛼01,0(𝑡)𝑒𝑥𝑝(𝛽01𝑇 𝑍) : incidence de la maladie à l’âge t pour les sujets ayant une certaine valeur des covariables Z,

- 𝛼02(𝑡|𝑍) = 𝛼02,0(𝑡)𝑒𝑥𝑝(𝛽02𝑇 𝑍) : taux de mortalité à l’âge t pour les sujets non malades ayant une certaine valeur des covariables Z,

- 𝛼12(𝑡|𝑍) = 𝛼12,0(𝑡)𝑒𝑥𝑝(𝛽12𝑇𝑍) : taux de mortalité à l’âge t pour les sujets malades ayant une certaine valeur des covariables Z,

où t représente le temps (ici l’âge), 𝛼𝑘𝑙,0 représente l’intensité de transition de base non spécifiée entre les états k (k=0, 1) et l (l=1, 2), et 𝛽𝑘𝑙𝑇 représente le vecteur des coefficients de régression qui mesurent l’effet des covariables Z sur l’intensité de transition entre les états

86 Figure 13. Modèle illness-death

Tous les participants qui ont développé une dépendance au cours du suivi ont été censurés par intervalle entre la visite où la dépendance a été constatée et la visite précédente. Les participants qui sont restés en vie sans dépendance au cours du suivi ont été censurés à droite à la dernière visite. L'âge a été utilisé comme échelle de temps, avec le temps d'entrée défini comme l'âge du sujet à l’inclusion. La méthode d’estimation du risque de base utilisée est une distribution paramétrique (Weibull). Les modèles ont été ajustés pour tenir compte des facteurs de confusion (sexe, éducation, statut marital) ; l'interaction entre le sexe et le statut marital a été ajoutée puisque des analyses préliminaires ont montré que l'association entre le statut marital et la dépendance est modifiée par le sexe.

Ces analyses ont été effectuées avec le package R SmoothHazard.

iii. Déroulement des analyses

Tout d’abord, nous avons construit des modèles distincts pour chaque comportement de santé (modèle 1). Pour évaluer leurs effets indépendants, nous avons ensuite inclus tous les comportements de santé dans un seul modèle multivarié, d’abord pour les variables en classes (modèle 2) puis pour les variables binaires (défavorables/sains) (modèle 3). Enfin, nous avons construit un score de comportements de santé défavorables, défini comme le nombre de comportements de santé défavorables (Knoops et al., 2004 ; Khaw et al., 2008 ; Sabia et al., 2009 ; Kvaavik et al., 2010 ; Hamer et al., 2011) et indépendamment associés au risque de dépendance dans le modèle 3 (activité physique faible ou intermédiaire ; consommation de fruits et légumes moins d’une fois par jour ; fumeurs actuels ou ayant arrêté récemment) ; ce score va de zéro à trois. Enfin, nous avons examiné la relation entre ce score et le risque de dépendance (risque relatif pour l’augmentation d'une unité du score de comportements de santé défavorables).

87

iv. Prise en compte des covariables

Les comportements de santé défavorables sont associés à d’autres comorbidités qui, à leur tour, représentent des facteurs de risque de dépendance. Par exemple, les comportements de santé défavorables sont associés à un IMC plus élevé (Botoseneanu et al., 2012) qui est, lui-même, associé à la dépendance (Artaud et al., 2015a) (Figure 14).

Figure 14. Contribution de médiateurs à l’association entre les comportements de santé et la dépendance

Nous avons donc examiné dans quelle mesure l'association entre les comportements de santé défavorables et la dépendance était expliquée par des médiateurs potentiels en estimant le pourcentage de variation : PV=100×(logRRModèle1-logRRModèlei)/logRRModèle1. Pour ces analyses, nous avons exclus les sujets qui avaient des données manquantes pour l'une des covariables. Les médiateurs considérés sont les suivants : performances cognitives, IMC, symptômes dépressifs et médicaments psychotropes, traumatismes, maladies chroniques, maladies cardiovasculaires et leurs facteurs de risque.

v. Analyses de sensibilité

Nous avons conduit différentes analyses de sensibilité. La première a consisté à répéter les analyses principales pour d’autres définitions de la dépendance : la dépendance pour la mobilité uniquement et la dépendance pour les ADL ou IADL (regroupés dû au très faible nombre de participants dépendants pour les ADL uniquement) (Feart et al., 2011).

Les interactions entre les comportements de santé défavorables et le sexe ne sont pas statistiquement significative ; nos analyses principales sont donc présentées pour les hommes et femmes ensemble, tout en ajustant sur le sexe. Comme le risque de dépendance est plus élevé chez les femmes et que les comportements de santé varient en fonction du sexe, nous avons également stratifié les analyses sur le sexe.

La définition des comportements de santé défavorables a été effectuée a priori, en se basant sur les résultats de la littérature. Nous avons voulu examiner d'autres définitions des comportements de santé défavorables afin d'évaluer la pertinence des définitions utilisées.

La dépendance est le plus souvent un processus progressif et le déclin fonctionnel qui peut précéder le diagnostic de la dépendance pourrait influencer les comportements de santé à

88

l’inclusion, en particulier en cas de dépendance survenant peu de temps après l'inclusion (causalité inverse) ; afin d'évaluer ce biais potentiel, nous avons exclu les participants ayant un diagnostic de dépendance aux visites 1 ou 2 (c'est à dire, ceux qui ont développé une dépendance au cours des quatre premières années du suivi).

Les analyses principales ne tiennent pas compte de la possibilité que certains participants puissent redevenir autonomes ; nous avons donc exclu ces cas et répété les analyses.

Enfin, les analyses de survie requièrent un évènement binaire ; afin de tenir compte de la nature ordinale de l'indicateur hiérarchisé de dépendance, nous avons utilisé une régression logistique multinomiale à chaque visite, avec l'indicateur hiérarchisé de dépendance en quatre classes comme variable dépendante.