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Partie I. État de l’art

Chapitre 2 : Les essais de fatigue

2.3 Différentes méthodes de modélisation

Plusieurs modèles de durée de vie ont été mis en place au fil des années dans le cadre de l’étude de la fatigue des matériaux et peuvent être classés en deux grandes catégories selon leur construction (Castillo and Fernández-Canteli, 2009; Degrieck and Paepegem, 2001; Fouchereau, 2014) :

- Les modèles statistiques, basés sur les courbes de Wöhler, expriment la durée de vie, ou le nombre de cycles à rupture, N en fonction de la contrainte S afin de déterminer un critère de fatigue expérimental.

- Les modèles phénoménologiques, basés sur la propagation de l’endommagement dans le matériau, visent à modéliser le plus fidèlement possible chaque phase d’évolution de l’endommagement.

Ces modèles ont été initialement développés dans le cas de matériaux métalliques. En sus, des modèles spécifiques aux matériaux composites ont été par la suite développés.

2.3.1 Les modèles statistiques

Les modèles statistiques sont empiriques, basés sur les courbes de Wöhler. Ces modèles décrivent analytiquement les courbes S-N par ajustement de courbes expérimentales sans prendre en compte les mécanismes d’endommagement et pour les seuls cas d’essai sous chargement d'amplitude constante. Tous ces modèles n’utilisent donc aucune information physique sur les données. Leur domaine d’application se limite aux configurations déjà testées et ne peut pas être étendu à des chargements complexes. Cependant, en raison de leur simplicité de mise en œuvre et de leur rapidité de calcul, ce sont ces modèles qui sont généralement utilisés par les industriels comme méthodes de pré-dimensionnement dans les phases de développement d’un matériau. Les modèles sont alors de la forme (I-4) :

log 𝑁 = 𝑓(𝑆) + 𝛼 (I-4)

où N est le nombre de cycles à rupture exprimé sous forme logarithmique, 𝑓(𝑆) une tendance de la durée de vie exprimée en fonction de la contrainte S, et 𝛼 un paramètre exprimant les paramètres aléatoires non liés à la contrainte, comme la dispersion des données.

Le Tableau I-2 récapitule les modèles les plus répandus. Les premiers modèles s’intéressent principalement aux durées de vie contenues dans le domaine d’endurance limité, avec une durée de vie N comprise entre 104 et 106 cycles : une interpolation linéaire du type Wöhler ou Basquin suffit. Les modèles suivants, comme Stromeyer, intègrent la notion d’asymptote pour les durées de vie supérieures à 106 cycles en ajoutant le paramètre 𝑆

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dimensionnée en fatigue pour un nombre illimité de cycles. Enfin, certains modèles interpolent l’intégralité de la courbe de Wöhler, des hauts niveaux de contraintes aux plus faibles, comme dans le cas du modèle de Bastenaire. Un tel modèle peut servir dans le cas où l’on souhaite obtenir la durée de vie du matériau quel que soit le niveau de contrainte appliqué, afin de déterminer N en cas de chargement accidentel à un niveau contrainte élevé.

Figure I-14 : Courbes de probabilité de rupture (Rabbe et al., 2000)

Tableau I-2: Récapitulatif des modèles statistiques utilisés pour interpoler une courbe de Wöhler (Fouchereau, 2014)

La répartition de cette dispersion de données est supposée suivre une loi gaussienne ou normale (courbes II et III, Figure I-14). Un ensemble de courbes percentiles S-N, associé aux percentiles correspondants, peut être suggéré pour tracer le modèle en fonction de la probabilité de rupture souhaitée. En général, la courbe médiane prédisant une probabilité de rupture de 50% et la courbe à 10% de probabilité de rupture sont présentées (courbe I, Figure I-14).

2.3.2 Les modèles phénoménologiques

Les modèles phénoménologiques rendent compte du comportement en fatigue du matériau au travers de prévisions de pertes de propriétés macroscopiques mesurables telles que la rigidité et la résistance (Rakotoarisoa, 2013; Revest, 2011). Dans le cas des modèles basés sur la rigidité résiduelle, l’étude porte sur la perte des propriétés élastiques au cours d’un chargement en fatigue, en passant par le suivi d’une variable 𝐷 telle que 𝐸 = 𝐸0(1 − 𝐷), avec

𝐸 le module d’Young calculé au cours de l’essai et 𝐸0 le module d’Young initial, avant essai, défini par les essais de traction monotone. Avec cette approche, la rupture en fatigue est définie par une valeur critique de la perte de rigidité. L’inconvénient de cette méthodologie réside dans la définition de la variable D, qui symbolise la chute du module d’Young sans différencier les phénomènes mécaniques d’endommagement entrant en jeu, alors qu’il peut s’agir d’une combinaison de fissures intra-torons, de fissures matricielles, de décohésions inter-torons ou de viscosité de la matrice.

Afin d’affiner les modèles phénoménologiques, certains auteurs s’appuient également sur les essais statiques pour intégrer les mécanismes d’endommagement ayant lieu lors des phases de traction monotone. Le résultat final, appelé modèle d’endommagement progressif, prend

en compte les deux types de sollicitation (chargement monotone et de fatigue) afin d’estimer, pour chacune de ces sollicitations, l’accroissement de l’endommagement engendré.

2.3.3 Limitations des modèles

Le choix d’un modèle par rapport à un autre soulève plusieurs questions sur la démarche. Ainsi, sur quelle base s’appuyer pour choisir le modèle interpolant le mieux la courbe de Wöhler ? De plus, ces modèles servent à interpoler la courbe, c’est-à-dire à tracer une fonction qui reproduit le comportement du matériau à partir des données existantes. Ce modèle est ensuite utilisé pour être extrapolé jusqu’au domaine à grand nombre de cycles, là où il n’a pas été possible d’effectuer des essais, pour déterminer une potentielle limite de fatigue. Seulement, selon la méthode d’extrapolation utilisée, n’y a-t-il pas un risque d’avoir plusieurs valeurs de cette limite de fatigue ? L’estimation de cette limite est alors biaisée par le choix de la méthode d’extrapolation, indépendamment du choix du modèle d’interpolation. Enfin, la courbe de Wöhler représente les caractéristiques de rupture d’un matériau qui s’est endommagé avant de rompre. L’utilisation de modèles phénoménologiques tenant compte du comportement en fatigue, et donc de l’endommagement en fatigue du matériau, nécessite de mettre en place un suivi de cet endommagement en passant par différents indicateurs (mécanique, acoustique et/ou thermique). L’environnement des essais, influant la dispersion des données, est également un point clé à comprendre et à maîtriser.