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Méthodes directes

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1 Introduction générale

1.3 Exposition maternelle aux solvants organiques et malformations congénitales

1.3.3 Méthodes utilisées pour définir l’exposition professionnelle aux solvants en

1.3.3.1 Méthodes directes

1.3.3.1.1

Mesure externe

Les mesures externes de solvants peuvent être utilisées pour définir l’exposition. Il s’agit le plus souvent de mesure réalisée dans l’air de l’environnement du travail ou de mesure à partir du port de badge [282]. Des méthodes de mesures validées dans l’air existent pour de nombreux solvants [101-152].

Les principaux avantages des mesures externes sont la simplicité et la rapidité de réalisation et le caractère non invasif de la mesure [155, 172]. Leurs inconvénients sont le coût et la logistique parfois lourde pour effectuer ces mesures et l’absence de données individuelles si les mesures sont faites par postes de travail et non par individu. Un autre limite de ces mesures est, si elles sont ponctuelles, de ne pas rendre compte d’exposition intermittente mais réelle. La stratégie de choix de(s) la période(s) de mesure est alors indispensable [283].

1.3.3.1.2

Le biomonitoring

Un biomarqueur est défini [284] comme ‘toute substance, structure ou processus pouvant être mesuré dans le corps humain ou les matrices biologiques’.

On distingue classiquement [284, 285] :

- les biomarqueurs d’exposition : qui sont des ‘substances exogènes, des métabolites primaires ou la réponse à une interaction entre un agent xénobiotique et une molécule ou cellule-cible mesurée dans un compartiment de l’organisme’[284].

- les biomarqueurs d’effet : qui sont des ‘altérations biochimiques, physiologiques, comportementales ou autres, mesurables dans un organisme, qui selon leur ampleur, peuvent être reconnues comme étant associées à une atteinte, confirmée ou possible, de l’état de santé, ou à une maladie’[284]. Ces marqueurs d’effet peuvent être biochimiques ou biologiques (paramètres cytogénétiques ou immunologiques) [286].

- les biomarqueurs de sensibilité : qui sont des ‘indicateurs de la capacité innée ou acquise d’un organisme à répondre à l’exposition à une substance xénobiotique

Pour la suite de l’exposé, nous traiterons uniquement des biomarqueurs d’exposition. Ces derniers ont commencé à être utilisés dans les années 1930 avec la détermination dans le sang du plomb et du benzène [286] mais c’est avec l’amélioration des techniques analytiques que la mesure de substances chimiques en petites quantités a été possible. Ces études de biomonitoring ont été utilisées tant en milieu professionnel pour la surveillance médicale, qu’en population générale. Différents pays ont utilisé le dosage de biomarqueurs d’exposition pour décrire l’exposition en population à différentes substances chimiques : c’est le cas notamment depuis 1976 aux Etats-Unis avec les études NHANES (National Health and Nutrition Examination Surveys), en Allemagne depuis les années 1985 avec les études GerES et également en Belgique pour la région Flamande [284].

1.3.3.1.2.1 Avantages – inconvénients des biomarqueurs d’exposition par rapport à des mesures externes

Les avantages du dosage de biomarqueurs d’exposition par rapport à la mesure dans l’environnement de travail sont qu’ils peuvent prendre en compte [287]:

- L’ensemble des voies d’expositions (respiratoire, cutanée et éventuellement ingestion)

- L’effet des moyens de protection des travailleurs. Goen et al. ont par exemple montré des niveaux plus bas de BEAA (métabolite du DEGBEE) chez les travailleurs exposés au DEGBEE lors d’activités de nettoyage et portant des gants par rapport aux travailleurs exposés de la même façon mais n’en portant pas [288]. Les prélèvements externes ne reflètent pas ces particularités

- La ventilation pulmonaire qui modifie la dose réellement reçue lors d’exposition aérienne.

- Les caractéristiques métaboliques individuelles (polymorphsime génétique, co- expositions...)

- La demi-vie des substances d’intérêt. Lorsqu’il s’agit de substances avec une demi- vie suffisamment longue une seule mesure biologique d’exposition pourra mieux prendre en compte le niveau d’exposition qu’une estimation ponctuelle de l’air sur un poste de travail.

L’inconvénient principal des biomarqueurs d’exposition par rapport aux mesures externes peut être pour certains d’entre eux une importante variabilité intra-individuelle. Dans ce cas, l’utilisation d’un seul dosage pour définir l’exposition peut être à l’origine d’importantes erreurs de classement [289-291].

1.3.3.1.2.2.1 Toxicocinétique

Une bonne connaissance de la toxicocinétique des molécules d’intérêt est primordiale. Il convient de connaître leurs modalités d’absorption, de distribution, de métabolisation (et les facteurs l’influençant) et d’élimination [286, 287, 290-293]. A chacune de ces étapes on peut effectuer des dosages pour estimer l’exposition interne de la substance étudiée.

Le choix de doser la substance mère ou son (ses) métabolite(s) sera fait en partie en fonction du devenir de cette substance une fois absorbée dans l’organisme. Pour les EG se métabolisant en acides alkoxycarboxyliques, pour réaliser un biomonitoring d’exposition, il sera plus opportun de doser les métabolites acides (demi-vie de 5 à 80 heures) plutôt que les substances mères (demi-vie plasmatique de 20 à 30 minutes) au risque de sous-estimer de façon majeure la proportion de personnes exposées. Si l’on choisit d’effectuer un biomonitoring en dosant les métabolites d’une substance, il conviendra par ailleurs de discuter de leurs spécificités.

La demi-vie du biomarqueur dosé est également à prendre en compte au moment de l’interprétation des résultats du biomonitoring. En effet, un biomarqueur ayant par exemple une demi-vie de 5 heures est plutôt un marqueur d’exposition ponctuelle au contraire d’un marqueur ayant une demi-vie plus longue (par exemple 50 heures) qui peut être à la fois témoin d’exposition ponctuelle ou chronique. Les horaires de prélèvements (fin de poste ou au contraire en début de matinée) seront à discuter en fonction de la demi-vie du biomarqueur dosé et des modalités possibles de l’étude. En milieu professionnel si la demi-vie des biomarqueurs est courte il faudra mieux faire les prélèvements au plus près de la fin de l’exposition, classiquement en fin de poste.

En fonction des substances à étudier, différents facteurs peuvent influencer le métabolisme de la molécule d’intérêt :

- l’âge - le sexe

- l’interaction synergique ou antagoniste avec d’autres substances : - alcool, tabac

- facteurs nutritionnels

- autres substances chimiques

- le polymorphisme génétique des systèmes enzymatiques participant au métabolisme. Si on choisit de doser les métabolites plutôt que la substance mère, il est donc parfois primordial lorsqu’il y a des différences de voies métaboliques (en fonction de l’âge, du sexe

Idéalement pour relier un niveau d’exposition à un effet sanitaire, il conviendrait de doser la substance d’intérêt ou son (ses) métabolite(s) au niveau de l’organe ‘cible’ où un effet toxique est suspecté [294]. La plupart du temps l’organe cible n’est pas accessible en routine au biomonitoring, d’autres échantillons biologiques, les matrices, sont alors prélevés pour estimer les niveaux d’exposition interne.

Ces matrices peuvent être entre autres : le sang, les urines, l’air expiré, les cheveux, les ongles, la graisse, le lait maternel, le méconium, le liquide amniotique ou plus rarement le liquide séminal, les dents ou encore les fèces.

La bonne connaissance de la toxicocinétique guidera le choix de la matrice à prélever, mais ce n’est pas le seul élément.

La matrice doit être prélevée si possible facilement (au mieux par le sujet inclus dans l’étude), rapidement et de façon non invasive pour être acceptée très largement (ex : un prélèvement urinaire est généralement plus accepté qu’un prélèvement sanguin).

La stabilité du biomarqueur dans la matrice prélevée est également primordiale. La matrice ne doit pas par exemple contenir d’enzymes pouvant transformer la ou les substances à doser. Un exemple classique est celui des phtalates où dans différentes matrices comme le lait maternel, le liquide amniotique et le méconium, des estérases sont présentes et favorisent leur biotransformation. Ceci limite donc l’intérêt de ces matrices et explique l’utilisation fréquente de l’urine (où il n’y a pas d’estérase) comme matrice pour le biomonitoring des phtalates [289, 290].

Enfin certaines spécificités propres à chaque matrice doivent être prises en compte. Ainsi quand on s’intéresse à la matrice urinaire, la dilution des urines est un élément primordial. L’idéal serait d’avoir un prélèvement des 24 heures. Ceci est rarement possible pour des raisons de simplicité du recueil et de stockage des prélèvements. Le plus souvent on prélève uniquement un échantillon d’urine. Il convient alors de réaliser le prélèvement chez l’ensemble des participants à l’étude à un moment identique afin de limiter la variabilité d’excrétion liée au nycthémère. Le prélèvement en fin de poste de travail ou sur la première miction du matin est souvent choisi afin de prendre en compte la dilution des urines ; il est classique d’ajuster les résultats sur la créatinine [293, 295, 296].

1.3.3.1.2.2.3 Méthodes d’échantillonnage, de transport et de stockage

La qualité des modalités de prélèvements, de leur transport et de leur stockage jusqu’à l’analyse peut influencer la stabilité des biomarqueurs et donc les résultats des analyses [287, 290, 291]. Lors de l’écriture du protocole de prélèvement, un recueil précis des dates et des heures, et des modalités de réalisation, de transport, de conservation et d’analyse doit être prévu. Le recueil de données de chacune de ces phases permettra d’estimer l’influence de ces paramètres sur les résultats et éventuellement leur prise en compte au moment des analyses. 1.3.3.1.2.2.4 Méthodes analytiques

La nécessité d’avoir une méthode de dosage fiable (reproductible) et valide (sensible et spécificique) est impérative [287, 290, 291, 297].

Les suivis d’assurances et de contrôles qualité sont bien entendu primordiaux tout au long des analyses [293, 298]. Les dosages seront réalisés idéalement sur une même machine avec des techniciens aguerris. Pour les études étiologiques, afin de s’assurer de l’absence d’erreur différentielle, l’analyse sera réalisée aléatoirement et en aveugle du statut cas ou témoins (ou exposé / non exposé).

1.3.3.1.2.3 Conclusion

Même si les méthodes analytiques de dosage des biomarqueurs d’exposition sont un élément important pour réaliser un biomonitoring performant ce ne peut être le seul. Les bonnes connaissances des toxicocinétiques des molécules étudiées, des matrices accessibles et des bonnes pratiques de prélèvements, de transports et de stockages sont importantes. Ceci suggère bien évidemment une bonne communication entre toxicologues, chimistes, épidémiologistes et cliniciens.

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