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2.1 Méthodes de modélisation multiéchelle

2.1.2 Méthodes de superposition et d’enrichissement

Ces méthodes consistent à superposer à la solution d’un problème macroscopique un enrichissement microscopique local dans des zones d’intérêt. L’enrichissement peut être réalisé par un maillage plus fin (méthodes globale-locale) ou par un modèle

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différent (méthode Arlequin), en résolvant des problèmes à une échelle plus fine (méthode de projection de Dirichlet hiérarchique) ou en augmentant l’espace de recherche de la solution (méthodes PUM, XFEM, GFEM).

Méthodes d’analyse itérative globale-locale

Le principe de l’analyse globale-locale est de décrire la structure au moyen de deux modèles séparés : un modèle global de l’ensemble de la structure et un modèle local sur une zone d’intérêt. Ce second modèle peut non seulement être un maillage plus raffiné, mais comporter également des détails structurels ou des hétérogénéités du matériau qui n’apparaissent pas dans le modèle global. Différents types de mé-thodologies permettant le dialogue des deux analyses ont été mises en place : de type unidirectionnel (techniques descendantes) ou de type bidirectionnel (techniques de condensation statique, approches itératives). Le raccord est fait à l’interface entre les deux modèles, les plus courants sont de type déplacement, mais il existe aussi des raccords en efforts ou mixtes.

Dans [Whitcomb, 1991], une méthode d’analyse itérative globale-locale est pro-posée par le via de deux maillages : un maillage grossier de la structure, et un maillage local raffiné (voir Fig. 4.10). Les deux maillages doivent être compatibles pour rendre possible la vérification de la continuité de déplacements sur l’interface.

q

G

r

maillage local maillage global

Fig. 4.10: Méthode d’analyse globale-locale.

Chaque itération est composée de deux calculs éléments finis indépendants. D’abord, un calcul sur le maillage global qui permet de trouver les déplacements qG est réalisé. En suite, les déplacements globaux aux bords de la zone de superpo-sition sont extraits et appliqués au maillage local. Ainsi, un deuxième calcul sur le maillage local est fait pour retrouver les déplacements qL. Un résidu d’équilibre en effort r est calculé à partir des solutions précédentes (qG et qL) et de l’assemblage de la matrice de raideur du maillage local et la matrice de raideur du maillage global dans le reste de la structure. Finalement, ce résidu est appliqué au maillage global pour calculer une correction qG← qG+ ∆qG. Après la correction de la solution glo-bale, le calcul de la zone d’intérêt est à nouveau réalisé. Des itérations sont menées jusqu’à convergence.

Le principal avantage de ce type de méthodes est que le modèle éléments finis glo-bal n’est jamais modifié. Cependant, l’application de cette technique dans un cadre industriel n’est pas immédiate : si l’analyse descendante est couramment disponible

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dans les logiciels commerciaux, l’échange d’informations entre deux maillages indé-pendants est souvent impossible. Les travaux de [Gendre, Allix, Gosselet, et Comte, 2009] développent une méthode de calcul globale-locale intrusive pour des non-linéarités localisées avec des conditions de raccord mixtes.

Méthode Arlequin

La méthode Arlequin, introduite par [Ben Dhia, 1998], permet de coupler des modèles différents (en discrétisation ou en formulation). Par rapport aux méthodes globales-locales, son originalité est de raccorder les modèles dans le volume ou ils se superposent, et non pas sur l’interface. Dans ce volume, les modèles sont mis en concurrence par l’attribution de poids relatifs dans la formulation faible et le raccord est imposé par introduction d’un multiplicateur de Lagrange. Techniquement, le couplage est obtenu en recherchant le minimum d’une somme pondérée des énergies potentielles associées à chacun des modèles.

zone de collage

Ω ΩL

L

/

ω

Fig. 4.11: Méthode Arlequin : définition du domaine d’intéret. Ici, ΩL⊂ Ω = ΩG

et la zona de collage ω = ΩL.

Précisons ces idées dans le cadre d’un problème d’élasticité linéaire pour lequel on dispose d’un modèle global de toute la structure Ω (voir Fig. 4.11). Pour sim-plifier l’écriture, le domaine associé à la zone d’intérêt, noté ΩL, est strictement inclut dans Ω. La zone de couplage ω est la zone de recouvrement sur laquelle le raccord volumique est écrit (ici, on a considéré ω = ΩL). La solution en déplacement est ˜u = (uG, uL), tandis que le multiplicateur de Lagrange recherché est noté λ. Le problème de couplage est alors posé sur (˜u, λ) ∈ ˜U × M, où ˜U = UG× UL est l’es-pace d’admissibilité cinématique et M = H1(ω) est l’espace des multiplicateurs de Lagrange (appelé espace médiateur), tel que :

∀(˜u?, λ?) ∈ ˜U0× M,

(

aαu, ˜u?) + hλ, uG?− uL?i = lαu?)

Stratégies de résolution multiéchelles 79 avec, aαu, ˜u?) = Z (1 − α)T r(ε(uG)KGε(uG?)) dΩ + Z L αT r(ε(uL)KLε(uL?)) dΩ lαu?) = Z (1 − α)f d· uG?dΩ + Z L αfd· uL?dΩ + Z ∂ΩF (1 − α)Fd· uG?dΩ + Z ∂ΩF∩∂ΩL F αFd· uL?dΩ

où, h·, ·i désigne le produit scalaire sur H1(ω). Le paramètre scalaire de pondération α est tel que α ∈ [0, 1] dans ω et α = 0 dans Ω\ΩL (avec Ω = ΩG et ω = ΩL). Le multiplicateur de Lagrange λ permet de garantir l’égalité des champs uL et uG au sens faible sur la zone de collage ω = ΩL.

La solution du problème est alors définie par : u =

(

uG , dans Ω\ΩL,

α uL+ (1 − α) uG , dans ΩL. (4.9) Aucune hypothèse a priori n’étant formulée sur les modèles, la méthode se prête à une grande variété d’applications : il est possible de coupler des modèles de natures ou dimensionnalités différentes, d’introduire des détails tels que des trous ou des fissures, ou simplement de raffiner localement. Cette méthode est particulièrement séduisante pour réaliser des analyses locales lorsque la position des zones d’intérêt varie au cours du temps, le problème de départ n’étant jamais remaillé. Elle a été appliquée au suivi de fissure dans [Ben Dhia et Jamond, 2010].

Cependant, la méthode présente quelques difficultés. La qualité du raccord entre les deux modèles dépend de la zone de recouvrement et du choix de discrétisation de l’espace médiateur M.

Partition de l’unité

La méthode de partition de l’unité (PUM) [Melenk et Babuška, 1996] peut être vue comme une généralisation de la méthode des éléments finis. Elle propose un cadre mathématique rigoureux pour la construction d’espaces d’approximation conforme qui ne sont pas forcément des espaces de fonctions polynomiales. Pour cela, on définit sur le domaine d’étude un ensemble de patchs T = {Ωi}i∈I réalisant un recouvrement du domaine d’étude Ω. Sur chaque patch i ∈ I, on se donne un ensemble de fonctions Ψi= (ψi

j)j∈J possédant les propriétés d’approximation désirées. Ces fonctions sont pondérées par des fonctions (φi)i∈I formant une partition de l’unité de Ω, c’est-à-dire, telles que :

X

i∈I

φi(x) = 1 .

En général, les fonctions (φi)i∈I sont des fonctions de forme éléments finis, l’indice i étant alors le numéro du nœud du maillage associé à Ω.

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L’approximation de la solution recherchée sur le domaine Ω s’écrit alors :

uh(x) =X i∈I φi(x) X j∈J aijψij(x) ,

où, les aij sont les inconnues du problème (nodales si les fonctions de pondérations sont des fonctions de forme éléments finis). On remarquera que cette approximation permet de reproduire n’importe quelle fonction. En particulier, si l’on note us la solution du problème non discretisé, en choisissant Ψi= us|Ωi et un jeu de coefficients unitaires, on obtient :

uh=X

i∈I

φius= us.

GFEM, XFEM : La méthode des éléments finis généralisés GFEM [Strouboulis et al., 2001] et la méthode des éléments finis étendus XFEM [Moës et al., 1999] proposent de combiner une approche éléments finis standard avec la partition de l’unité. L’espace éléments finis est enrichi par des fonctions spatiales provenant d’une certaine connaissance du problème à traiter. Le champ solution est alors écrit sous la forme : uh(x) =X i∈I φi(x)ai+X i∈I φi(x) X j∈J bijψij(x) ,

où, (ai)i∈I ∈ Rd et (bij)j∈Ji ∈ R sont les inconnues du problème.

La GFEM propose de construire des fonctions d’enrichissement (fonctions hand-book) de manière indépendante pour chacun des éléments du maillage grossier de départ. On résout pour cela un certain nombre de problèmes élémentaires sur un do-maine englobant les hétérogénéités ou les trous (échelle microscopique) d’un élément grossier (voir Fig. 4.12).

handbook

Fig. 4.12: GFEM : définition des handbooks.

La XFEM propose un choix de fonctions d’enrichissement permettant de repré-senter des solutions discontinues en s’affranchissant des problèmes de remaillage. La description géométrique des surfaces de discontinuité est effectuée par la technique de level-set. Pour les calculs de suivi de fissure en mécanique de la rupture, deux types de fonctions d’enrichissement sont proposés : des fonctions représentant la so-lution analytique d’une fissure sur les noeuds des éléments contenant une pointe de

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fissure, et des fonctions représentant la discontinuité de déplacement sur les noeuds des éléments traversés par une fissure (voir Fig. 4.13).

fonctions level-set fonctions analytiques en point fissure

Fig. 4.13: XFEM : enrichissements nodaux pour la fissuration.

Bien que les techniques basées sur la partition de l’unité permettent d’obtenir une amélioration conséquente de la qualité de la solution par rapport aux approches éléments finis classiques, une attention particulière doit être portée sur le choix des fonctions spéciales afin d’éviter des problèmes de dépendances avec les fonctions élé-ments finis classiques. Une autre limitation de cette approche concerne l’intégration numérique. Les fonctions rajoutées peuvent être très complexes et nécessiter un ef-fort conséquent pour leur intégration lors de la construction du problème discretisé. Le gain en temps de calcul obtenu sur les problèmes de remaillage est donc en partie contrebalancé par le coût de l’intégration numérique.