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De part la triade complexe d’interactions entre le parasite, l’homme et l’anophèle modulé par les conditions environnementales, de nombreuses stratégies de contrôle, prévention, et traitement contre le paludisme ont été utilisées.

En premier lieu, les stratégies de contrôle visent à réduire les contacts entre l’homme et les moustiques vecteurs en réduisant les gîtes larvaires et en utilisant notamment des moustiquaires imprégnées d’insecticide (pyréthrinoïdes), des répulsifs, des protections individuelles par les vêtements long, la pulvérisation et des bâches imprégnées d’insecticide dans les maisons d’habitation.

Les méthodes de lutte utilisées depuis plus d’un demi-siècle ont engendré en plus des multiples résistances (des parasites aux médicaments et des moustiques aux insecticides), des problèmes de pollution environnementale conséquent. Les principales stratégies employées ou à l’étude sont décrites ci-après.

1. Lutte chimique et biologique sur le vecteur

Cette stratégie tend à réduire ou à remplacer les populations de moustiques par des modifications environnementales utilisant des agents biologiques ou chimiques. Il peut cibler à la fois le stade adulte et le stade larvaire du développement de l’insecte.

L’utilisation d’huile déversée sur les gites larvaires empêchant la respiration des larves ou l’introduction dans ces gites de poissons se nourrissant de moustiques ou par le drainage des eaux

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de pluie provoquant l’assèchement des gites larvaires (in Rodhain et al., 1985; Keiser et al., 2005) illustrent de façon non exhaustive quelques applications. Cependant la disparité géographique et l’apparition temporaire des gites larvaires rendent la mise en place de cette stratégie très difficile. Les insecticides ciblant le stade adulte, dont le plus connu est le dichloro-diéthyl-trichloroéthane (DDT) découvert par Othmar Zeidler en 1873 mais dont les propriétés insecticides ne sont mises en évidence qu’en 1939 par Muller. Cet insecticide est utilisé lors du 1er programme de lutte anti-vectorielle (in Rodhain et al., 1985). D’autres composés synthétiques ont ensuite été utilisés, appartenant aux groupes des organochlorés (dieldrine) comme le DDT, aux organophosphorés (malathion, gfenitrothion, téméphos, chloropyrifos), aux carbamates (propoxur) et aux pyréthrinoïdes (perméthrine, deltaméthrine, lambda-cyalothrine, alpha-cyperméthrine et bifenthrine).

La mise en contact d’agents biologiques ou de toxines au moment du stade larvaire ou adulte des moustiques a également été utilisée comme alternative de lutte biologique. Par exemple, les bactéries Bacillus thuringiensis israelensis produisent des toxines larvicides (Mittal et al., 2003). Ou encore, des champignons tels que Metarhizium anisopliae et Beauveria bassiana (Knols et al., 2010) ciblent le stade adulte de plusieurs espèces de Culicidae dont Anopheles

gambiae s.s, vecteur principal de Plasmodium en Afrique Sub-Saharienne (Scholte et al., 2005;

Scholte et al., 2006; Mnyone et al., 2010). Cette stratégie affecte la survie, la fécondité et le comportement hématophage des moustiques infectés (Scholte et al., 2006) apportant une alternative et un complément dans la lutte contre les populations résistantes aux insecticides chimiques (Farenhorst et al., 2009) qui offrent aujourd’hui la meilleur alternative de contrôle rapide des moustiques vecteurs (Blanford et al., 2011).

Ces méthodes ont permis l’élimination locale de la maladie dans plusieurs pays mais l’incidence des méthodes de lutte incontestablement néfastes au niveau écologique, dont les plus connues sont le drainage des sols et l’utilisation massive de DDT, a fait des ravages aux niveaux des sols et des écosystèmes. D’autres stratégies sont aujourd’hui privilégiées, telle que la lutte biologique citée précédemment ou la modification de nectar de plante toxique pour Anopheles (Muller et al., 2010) ou encore la modification génétique des insectes vecteurs. Toutes ces approches doivent intégrer de multiples paramètres aussi bien écologiques que socio-économiques en plus des axes d’actions classiques à renforcer (Thomas et al., 2012).

2. Réduire la transmission : vaccin et/ou modification génétique

des vecteurs

Les stratégies vaccinales ont pour objectif de protéger la communauté en réduisant la transmission (l’endémie) et pas seulement les individus. Les stratégies vaccinales ciblent principalement :

1 le stade hépatique du parasite qui diminuera la probabilité de déclencher les symptômes de la maladie,

1 le stade asexuel sanguin qui diminuera la sévérité des symptômes et la transmission,

1 les stades parasitaires chez le moustique ou le moustique lui-même ce qui limitera directement la transmission.

Pour être efficace, cette dernière stratégie doit utiliser des antigènes très immunogènes (Kaslow et al., 1992). En effet, les cibles de cette stratégie étant soit des protéines du moustique, soit des protéines parasitaires exprimées lors de ses stades de développement chez le moustique,

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les molécules antigéniques ne sont jamais naturellement en contact avec le système immunitaire humain et aucune stimulation secondaire naturelle de l’immunité ne se produira.

De plus, les pays endémiques, où les stratégies vaccinales doivent être appliquées, sont pour la majorité en difficulté économique, rendant difficile la distribution et pratiquement impossible l’utilisation de rappel vaccinal. Pour optimiser la réussite de ce type de stratégie, elle doit être efficace en termes d’immunogénicité et de persistance des anticorps dès la première injection.

Grâce à l’avancée des connaissances sur le moustique, d’autres stratégies ciblant la réduction des populations vectorielles ou leur remplacement ont été explorées. Elles reposent sur l’établissement de lignées de moustiques génétiquement modifiés, qui peuvent être combinées avec une action sur le parasite. Les modifications confèrent des dominants létaux aux moustiques qui reposent par exemple sur le lâcher de mâles fertiles donnant naissance à des femelles non viables (Coleman et al., 2004) ou sur des moustiques qui deviennent réfractaires à l’infection (Boëte et al., 2003). L’objectif étant de limiter les populations de moustiques vecteurs ou de les remplacer par des populations non vectrices afin d’arrêter la transmission (Miller et al., 2002; Christophides et al., 2005; James et al., 2005; Catteruccia et al., 2007).

II. Le parasite Plasmodium

A. Généralités

L’agent pathogène responsable du paludisme est un hématozoaire du genre Plasmodium également appelé hématozoaire de Laveran, appartenant à la famille des Plasmodiidae, à l’ordre des Haemosporidae, à la classe des Aconoidasida, sous-embranchement des Apicomplexa et le sous embranchement des Alveolata du phylum des chromalveolata du domaine eucaryote. C’est un parasite unicellulaire protozoaire de petite taille (de 1 à 20 µm selon son stade de développement) qui parasite entre autre les globules rouges du sang.

De très nombreuses espèces de plasmodies sont répertoriées (plus de 140) possédant des cycles biologiques similaires et assez complexes. Ces cycles de vie nécessitent deux hôtes : un hôte intermédiaire vertébré et un hôte définitif insecte dont le plus commun est la femelle hématophage du moustique du genre Anopheles seule à transmettre les plasmodies de mammifères. Malgré le fait que les hôtes vertébrés des plasmodies soient très diversifiés, incluant en plus de l’homme : reptiles, oiseaux, rongeurs, singes… Chaque espèce de Plasmodium a des hôtes et vecteurs bien spécifiques limitant les possibilités d’interactions et d’infections transversales entre espèces.

Parmi toutes ces espèces, seules 5 d’entre elles ont la capacité de parasiter l’homme :

Plasmodium falciparum (Welch, 1897), Plasmodium vivax (Grassi, 1890), Plasmodium malariae

(Laveran, 1881), Plasmodium ovale (Stephens, 1922) et Plasmodium knowlesi, qui jusqu’à lors était cantonné au singe et qui a été récemment décrite comme pouvant infecter l’espèce humaine avec des foyers d’infection trouvés en Asie du sud-est (Antinori et al., 2012).

Figure I.4 : Cycle de développement de Plasmodium Source : Adaptation des rapports EMBO de 2010 et 2011.

P. falciparum a longtemps été considéré comme la seule espèce qui, en absence de

traitement médical, engendre des accès palustres mortels et du neuropaludisme, lorsque les globules rouges infectés bloquent les vaisseaux sanguins irriguant le cerveau (Idro et al., 2010). Cependant, Cox-Singh en 2010 montre que le parasite P. knowlesi peut lui aussi engendrer des pathologies cérébrales dont les mécanismes encore inconnus engendrent des différences symptomatiques avec son cousin africain (absence de coma malgré l’apparition d’hémorragie pétéchiale et la séquestration des parasites dans le cerveau).