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CHAPITRE 5 - ROLE DE LA FAUNE DU SOL DANS LA CIRCULATION DE MYCOBACTERIUM BOVIS : ETUDE DE SA

C. COMPLEMENT : PRELEVEMENT ET ANALYSE DE LOMBRICS DANS UNE PATURE SUSPECTE

1. Des méthodes développées (ou adaptées) puis validées dans des matrices environnementales . 179

Notre objectif initial pour l’analyse des échantillons environnementaux était d’utiliser en parallèle la PCR quantitative après extraction/purification de l’ADN pour la détection et la quantification

adaptés, comme il en existe notamment pour l’isolement de bactéries pathogènes telluriques telles

que Listeria monocytogenes ou Pseudomonas aeruginosa. En l’absence de méthodes disponibles, nous

avons donc mis au point deux protocoles très innovants à la fin de nos travaux : un protocole d’extraction/décontamination des mycobactéries dans le sol et une méthode de détection des mycobactéries en culture liquide. Ces deux méthodes sont en cours d’évaluation par la SATT (Société d’Accélération de Transfert de Technologies) en vue d’une valorisation sous forme de savoir-faire ou de brevet. Des études complémentaires seront nécessaires pour développer ces outils innovants.

La recherche de réservoirs environnementaux potentiels de M. bovis en Côte d’Or a donc été

basée sur l’utilisation de méthodes moléculaires adaptées aux matrices environnementales. Contrairement aux méthodes culturales, la qPCR permet une détection et une quantification rapide des ADN cibles, sans être gênée par la présence de contaminants. Face au grand nombre de

mycobactéries potentiellement présentes dans les sols de Côte d’Or, dont M. microti (Michelet et al.

2015), nous avons choisi d’utiliser trois systèmes ciblant trois séquences différentes dans le génome

des espèces du MTBC ou de M. bovis que nous avons développés et validés pour leur spécificité et leur

sensibilité. L’utilisation conjointe de ces trois systèmes nous a permis d’augmenter la spécificité de la détection. Toutefois, le faible niveau de détection observé dans certains échantillons ne nous a pas

permis de quantifier le MTBC ou M. bovis dans tous les échantillons.

2. Contamination environnementale : les zones humides, les eaux de ruissellement et les sols de terriers sont potentiellement à risque

Les systèmes moléculaires développés ont été utilisés pour l’analyse de plus de 400 échantillons environnementaux variés prélevés dans les agroécosystèmes de la zone endémique de Côte d’Or et de Charente. La contamination environnementale a été détectée de façon répétée dans deux types d’écosystèmes bien particuliers: les zones humides présentes sur les pâtures (sources et « mouilles »), les terriers et latrines de blaireaux.

Concernant les zones humides, nous avons mis en évidence une contamination dans l’eau circulante et les sédiments de deux sources naturelles et permanentes situées sur des pâtures utilisées par deux cheptels différents dans deux communes différentes. Cette faible contamination de l’eau et/ou des sédiments retrouvée à l’endroit de la résurgence ainsi que sur différents points en aval est

favorisée dans les matrices humides riches en matière organique et dans l’eau (Young et al. 2005; Fine, Bolin, et al. 2011; Duffield & Young 1985; Wint et al. 2002), ces zones constituent un milieu favorable à la survie de la bactérie. Dans notre étude, la mise en évidence de la contamination des zones humides dans des pâtures suspectes corrobore le résultat de l’étude PatRisk, dans laquelle une association significative a été établie entre la présence de mouilles et le statut « à risque d’une pâture » (Bouchez-Zacria 2015).

L’origine de la contamination de ces sources et « mouilles » est inconnue, toutefois elles sont accessibles aux bovins et animaux sauvages infectés qui peuvent potentiellement excréter la bactérie lors de l’abreuvement ou du fouissement. Vu le contexte géomorphologique, il est également envisageable que les infiltrations d’eau dans les plateaux calcaires coiffant les vallées entrainent avec elles des matrices environnementales fortement contaminées (latrines, sols) qui ressortent au niveau des pâtures, avec toutefois un effet de dilution très important.

Des mesures de biosécurité visant à limiter les risques liés aux zones humides sont déjà préconisées par la DDPP 21 et le GDS 21 à l’échelle de la pâture. L’aménagement d’abreuvoirs peu accessibles aux animaux sauvages et la condamnation par des clôtures de l’accès des bovins aux « mouilles », propices à la survie de la bactérie, sont fortement conseillés aux éleveurs des zones à risque pour limiter le risque de transmission indirecte de la maladie. Le drainage des pâtures est une solution envisagée pour assécher les zones humides et canaliser les sources dans les pâtures à risque, mais il est strictement réglementé et soumis à autorisation avec enquête publique sous le contrôle de la Police de l’eau (Direction Départementale des Territoires). La corrélation de nos résultats sur la contamination des zones humides avec le bilan des foyers bovins et des cas sauvages, ainsi que les résultats de l’étude PatRisk, ont initié une réflexion entre la DDPP21, la CIREV, le GDS et le SIRTAVA (Syndicat Intercommunal pour la Réalisation des Travaux d’Aménagement de la Vallée de l’Armançon) pour évaluer la faisabilité de travaux de drainage dans les pâtures à risque, dans le respect de la règlementation. Un problème se pose toutefois pour les pâtures présentant de très nombreuses résurgences temporaires sur lesquelles le drainage n’est pas envisageable. L’utilisation de ces pâtures

2005; Courtenay et al. 2006) et les latrines dans notre étude. La détection d’un signal moléculaire pendant 12 mois dans plusieurs entrées d’un même terrier suggère fortement que les sols de terriers

peuvent constituer un réservoir environnemental pour M. bovis. La survie des mycobactéries est

favorisée dans ces structures complexes et profondes où règne un microclimat propice (Moore & Roper 2003), tant au niveau de la stabilité de la température, de l’humidité optimale que de la protection contre les UV. Ce réservoir potentiel représente un risque pour le maintien de la maladie dans le groupe social de blaireaux qui partage le terrier, notamment pour les blairotins qui y naissent pendant l’hiver, mais aussi entre les groupes sociaux, qui peuvent régulièrement changer de terriers. Lorsqu’ils sont localisés dans les pâtures et sont accessibles aux bovins, le sol des terriers contaminés représenterait un risque potentiel pour les bovins qui les explorent, notamment un risque d’inhalation de bioaérosols contaminés générés à partir de sol. Enfin, les sols et latrines contaminés, souvent en limite des plateaux calcaires, seraient susceptibles d’être à l’origine de la contamination des pâtures par le biais des infiltrations d’eau, des phénomènes de résurgence d’eau et de ruissellement.

Les mesures de biosécurité préconisant la clôture des terriers situés dans les pâtures semblent essentielles à respecter par les éleveurs si l’on considère la longue persistance de la bactérie dans ce biotope particulier. Le repeuplement des terriers contaminés ne fait l’objet d’aucun contrôle à l’heure actuelle. Sous le contrôle du CSRPN (Conseil Scientifique Régional du Patrimoine Naturel), une étude est actuellement en cours en Côte d’Or pour l’étude de faisabilité d’un protocole de dépeuplement des terriers (piégeage de tous les individus du groupe) associé à un traitement des tunnels par des répulsifs permanents pour éviter la recolonisation immédiate.

La prévalence de M. bovis dans l’environnement des animaux infectés en Côte d’Or est

probablement sous-estimée dans notre étude à cause de limites temporelles, spatiales et méthodologiques auxquelles nous avons fait face. En premier lieu, il existe un délai incompressible de plusieurs semaines à plusieurs mois entre les trois évènements suivants : i) la contamination environnementale par un animal excréteur (bovin ou faune sauvage), ii) le diagnostic de l’infection chez cet animal (après prophylaxie et abattage pour les bovins en hiver et piégeage pour les blaireaux au printemps et en été), et iii) le prélèvement et l’analyse d’échantillons environnementaux dans les zones de vie de ces animaux. Cette limite temporelle est également évoquée par d’autres auteurs (Fine, O’Brien, et al. 2011). Il serait idéal d’effectuer les prélèvements environnementaux dans un délai le plus court possible après l’excrétion du bacille par un animal infecté, toutefois ce délai dépend du rythme

être optimisé pour aboutir à une analyse pertinente. Les résultats obtenus ne donnent de ce fait qu’une image partielle de la contamination réelle des zones prélevées. Enfin, la charge bactérienne de certains prélèvements environnementaux n’a pu être quantifiée, signifiant que les quantités de cibles présentes étaient proches des limites de détection de nos systèmes moléculaires. Pour ces différentes raisons, nous ne pouvons donc pas exclure une contamination environnementale plus large avec des quantités

très faibles de M. bovis.

3. Survie et circulation de M. bovis dans l’environnement

La survie des bactéries dans le sol dépend des facteurs biotiques et abiotiques qui caractérisent

ces sols. Les différentes études sur la survie de M. bovis ont essentiellement considéré les facteurs

abiotiques climatiques, telles que la température, l’humidité et l’exposition aux UV dans un seul type

de sol (Young et al. 2005; Jackson et al. 1995; Duffield & Young 1985). Nous avons montré que M. bovis

SB0120 était cultivable au moins cinq mois à une température basse (4°C) avec une mortalité bactérienne minime et jusqu’à trois mois à 22°C. Ces durées de survie sont supérieures à celles rapportées dans de précédentes études (Fine, Bolin, et al. 2011; Jackson et al. 1995; Duffield & Young 1985). Les sols retrouvés dans l’Auxois ont à la fois des caractéristiques différentes des sols habituellement décrits comme favorables à la survie des mycobactéries (sols sableux à pH acide), et des caractéristiques communes : leur richesse en matière organique et en fer. Bien que nous n’ayons

pas pu mettre en évidence un effet de la nature du sol dans notre étude sur la survie de M. bovis, il

nous parait probable que les sols argilo-limoneux pérennisent la maladie dans les vallées de l’Auxois. Notre expérience, limitée par des contraintes techniques liées à l’utilisation du laboratoire de confinement L3 du CHU de Dijon, aurait nécessité l’utilisation d’un plus grand nombre de sols, de points de prélèvements et de répétitions biologiques. La concentration des foyers bovins (notamment des recontaminations de cheptels) dans une zone limitée du département en Auxois interroge également sur le rôle du contexte paysager et géomorphologique commun des pâtures suspectes dans la survie de M. bovis.

températures permettent de montrer que la période de novembre à avril, où les températures sont les

plus basses, est compatible avec une survie optimale de M. bovis dans les sols.

Les résultats obtenus dans notre étude de survie ont soulevé la question de la persistance de

M. bovis dans le sol dans un état viable mais non cultivable (VNC), puisque la bactérie n’est plus

cultivable mais toujours détectée par qPCR. L’état VNC de M. bovis a déjà été suggéré dans des études

de survie dans du sol (Adams et al. 2013; Young et al. 2005). Les mycobactéries possèdent une capacité particulière à s’adapter et à survivre dans des conditions défavorables, en l’absence de nutriments, d’oxygène, sous différents stress exogènes, notamment dans les phagosomes de l’hôte pour les mycobactéries pathogènes (Gengenbacher & Kaufmann 2012; Boon & Dick 2012; Voskuil et al. 2003). Les mycobactéries disposent de différents systèmes à deux composants (permettant une transduction de signal) leur permettant la perception sensorielle des conditions environnementales et en particulier de la composition du milieu extracellulaire (Cook et al. 2009; Cole et al. 1998). Dans les substrats environnementaux, la bactérie conserve probablement tout son potentiel de perception du milieu qui l’entoure et ses capacités d’adaptation mais elle ne peut pas interagir avec lui comme avec les cellules

de l’hôte. A l’heure actuelle, les mécanismes d’adaptation mis en jeu par M. bovis pour survivre lors de

son excrétion par l’hôte dans l’environnement sont inconnus.

Nous avons montré pour la première fois que les lombrics, véritables ingénieurs du sol, ont la capacité de disséminer la bactérie dans leur environnement par le biais des tunnels qu’ils creusent et des turricules qu’ils émettent à et sous la surface du sol. L’enfouissement de la bactérie à quelques centimètres sous le sol favorise probablement sa survie. Les lombrics peuvent également jouer un rôle de vecteur quand ils portent du sol contaminé dans leur tube digestif et qu’ils sont ingérés par des blaireaux ou des sangliers. Cette étude soulève la problématique du rôle de la faune du sol dans la

survie et la circulation de M. bovis dans l’environnement et le risque que des réservoirs cachés de la