Chapitre 2 Evaluation des contraintes résiduelles
2.4 Méthode du trou profond
2.4.1 Principe de la méthode
La méthode du trou profond ou DHD (deep hole drilling) est une méthode semi-destructive qui, comme
la méthode du contour, est basée sur la mesure des déplacements résultant de la redistribution des
contraintes suite à un enlèvement de matière. Cette méthode consiste à percer un trou de référence
à travers la pièce puis à en mesurer le diamètre avant et après la redistribution des contraintes en
réalisant un carottage concentrique au trou de référence. La différence entre les deux mesures avant
et après redistribution des contraintes permet de remonter aux valeurs des contraintes résiduelles en
appliquant la théorie de l’élasticité linéaire. Cette technique permet d’évaluer les contraintes
résiduelles dans deux directions orthogonales pour des profondeurs de plusieurs centaines de
millimètres. La méthode DHD a été développée par l’Université de Bristol et est maintenant
commercialisée par l’entreprise VEQTER. Les principales étapes sont représentées Figure 2.16 (Schajer
et Ruud, 2013).
Etape 1 Etape 2
Etape 3 Etape 4
Canon de perçage 1
Pièce
Canon de perçage 2
Sonde pneumatique
Electrode EDM Sonde pneumatique
Foret
Figure 2.16 : Schéma des principales étapes de la méthode DHD d’après
(Schajer et Ruud, 2013)
Lors de l’étape 1, deux canons de perçage sont fixés de part et d’autre de la pièce à
l’emplacement de la mesure puis l’usinage du trou de référence est effectué. Les canons de
perçage permettent de guider le foret lors de l’usinage.
L’étape 2 consiste à mesurer la forme du trou de référence à différentes hauteurs (canon de
perçage compris) à l’aide d’une sonde pneumatique.
Au cours de l’étape 3 un carottage concentrique au trou de référence est effectué. L’usinage
est réalisé par électroérosion (ou EDM) entre une électrode cylindrique creuse et la pièce. C’est
lors de cette découpe (sans contact) que les contraintes sont redistribuées.
La dernière étape consiste à mesurer à nouveau la forme du trou de référence après
redistribution complète des contraintes résiduelles présentes dans la pièce. Il est alors possible
de calculer les contraintes à partir de ces deux mesures.
Les mesures par la méthode DHD ont été réalisées par VEQTER sur un demi-tronçon, pour chaque
configuration du soudage les demi-tronçons restant étant utilisés pour les cartographies de dureté
présentées au chapitre 1. Il a été décidé de réaliser la mesure au même endroit pour chaque
demi-tronçon de manière à pouvoir suivre et comparer l’évolution des contraintes résiduelles au fur et à
mesure du dépôt des cordons. Les mesures ont été réalisées avec un axe du trou de référence situé en
pied du 1
ercordon. Ce choix est justifié par le fait que cet emplacement se situe au cœur de la ZF et de
la ZAT globale permettant ainsi de visualiser l’effet de l’ensemble des cordons (Figure 2.17). Dans notre
cas, le diamètre de référence est de 1,5 mm et le diamètre intérieur du carottage est d’environ 5 mm.
Les mesures de la forme du trou de référence ont été effectuées par pas de 0,2 mm sur la profondeur.
Les constantes d’élasticité utilisées pour le calcul des contraintes sont identiques à celles utilisées pour
la méthode du contour (E=204 GPa et =0,3).
Figure 2.17 : Position du trou de référence pour l'évaluation des contraintes résiduelles par la
méthode DHD
Position du trou
de référence
x
y
Bas de la plaque
Haut de la plaque
Les résultats obtenus par la méthode DHD sont présentés Figure 2.18. Pour chaque étape du soudage
multipasse, est tracée l’évolution des composantes longitudinale et transverse des contraintes
résiduelles. Ces contraintes sont tracées en fonction de leur position à partir du bas de la plaque
jusqu’à la surface du cordon de soudure.
Pour l’ensemble des tronçons, les résultats obtenus présentent un niveau de contrainte modéré au du
bas de la plaque diminuant progressivement jusqu’à atteindre un minima en compression à une
épaisseur d’environ deux tiers de la plaque. Ensuite, le niveau de contrainte augmente jusqu’à
atteindre un pic en traction dans la zone proche du cordon, puis diminue brusquement jusqu’à
repasser en compression près de la surface. Les évolutions des contraintes longitudinales et
transverses sont similaires et les niveaux de contraintes atteints sont proches en particulier pour les
deux premières passes. Ce constat n’est plus valide pour les deux dernières passes où l’on observe un
écart plus important pour les contraintes de traction situées au niveau de la ZAT. Pour la passe 3 et
plus particulièrement pour la passe 4, il faut noter qu’après le minima en compression, la contrainte
augmente brusquement pour atteindre un premier pic en traction puis diminue légèrement pour la
passe 3 et plus significativement pour la passe 4 pour augmenter à nouveau jusqu’à atteindre un
second pic en traction. La présence de ces pics de traction est principalement due à l’aspect multipasse
du soudage du fait de la dépose successive des cordons de soudure ce qui provoque donc cette
distribution particulière de la contrainte.
Dans le cas où le niveau de contrainte résiduelle dans le joint soudé serait élevé, la redistribution des
contraintes lors du carottage pourrait générer un écoulement plastique. Si de tels phénomènes
apparaissent lors des mesures le calcul des contraintes résiduelles peut ne pas être représentatif de
l’état de contrainte post-soudage. Une variante de la technique DHD a donc été mise au point pour
pallier ce problème. Cette technique est appelée iDHD (incremental Deep Hole Driling). Contrairement
à la technique DHD classique où le carottage est réalisé en une seule fois, la technique iDHD exige un
carottage effectué en plusieurs étapes (Mahmoudi et al., 2009). Les mesures utilisant cette technique
ont été réalisées sur le tronçon représentatif de l’état final (4 passes) dans l’hypothèse où les
contraintes les plus élevées seraient présentes sur ce tronçon. Les résultats obtenus pour ces points
de mesure figurent en bleu clair (contrainte longitudinale) et bleu foncé (contrainte transverse) sur la
Figure 2.18. Cette précaution a permis de s’assurer que le niveau de contrainte résiduelle atteint était
suffisamment faible pour ne pas générer de plasticité confirmant ainsi la validité des mesures DHD.
Dans le document
Étude expérimentale et numérique du soudage multipasse : application à un acier de construction navale
(Page 50-53)