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Méthode Numérique : Monte-Carlo

La distribution de la lumière dans les photobioréacteurs diffère radicalement selon leur conception, même en conservant une source de lumière identique. De ces différences, il en résulte bien entendu des caractéristiques différentes entres les réacteurs : production, rendement et gamme opératoire réalisables pour n’en citer que trois.

Plusieurs facteurs influent sur la distribution des niveaux d'irradiance dans le réacteur : • La source de lumière :

▪ sa géométrie : ponctuelle (LED), linéique (néon), surfacique (panneau diffusant)

▪ sa collimation : l’angle solide d’ouverture du faisceau (ex. laser vs. filament incandescent)

▪ son spectre : le poids de chaque longueur d’onde dans le rayonnement total (ex. lampe à décharge au sodium vs rayonnement solaire/corps noir, cf. Figure 8)

▪ sa puissance : le flux surfacique de photons, appelé irradiance, noté 𝐼 et exprimé ici en micromoles de photons par mètre carré et par seconde : µmolPAR∙m-2∙s-1 (photons dont les longueurs d’ondes sont comprises entre 400 et 700 nm, appelé PAR, car seules ces longueurs d’ondes sont considérées utiles à la photosynthèse). Elle est communément estimée au niveau de la paroi interne (et éclairée) de la cuve (cf. II.1.C.)

• Le réacteur :

▪ sa position par rapport à la source : distance et incidence du faisceau lumineux sur la paroi

▪ propriété optique de la surface d’échange : matière et épaisseur de la paroi que la lumière doit traverser pour atteindre le milieu réactionnel (ex. verre, PMMA, surface libre, etc..)

• Les propriétés optiques du milieu réactionnel : ▪ absorbance

▪ turbidité

▪ indice de réfraction

Chacun de ces paramètres variant d’un PBR à l’autre, c’est autant d’erreurs que l’on fait lorsque l’on transpose les résultats obtenus lors d’une expérience sur un réacteur donné à un autre cas de figure. C’est pourquoi pour les photobioréacteurs, il est peu probable de réaliser un changement d’échelle (scale-up) correct vers une unité de production simplement en extrapolant des résultats obtenus sur paillasse, ce qui rend donc très difficile l’exercice de dimensionnement de ce type de procédé (cf. partie I.2.B). Une voie pour s’affranchir de cela est de prendre dans les calculs non plus les grandeurs macroscopiques comme le volume utile ou l’intensité de la source mais bien de passer par l’évaluation de la distribution de l’irradiance au sein du réacteur. En revanche, cela requiert la connaissance de tous les facteurs cités ci-avant mais aussi d’établir le calcul correspondant.

Figure 56 : Photographie macro, avec : (a) un échantillon de spiruline ayant commencé à floculé (absence prolongé d'agitation), les propriétés optiques ne sont manifestement plus homogènes (b) un échantillon de spiruline telle qu'usuellement cultivée, il est turbide (diffusant), (c) un échantillon de spiruline dont on a partiellement détruit les parois cellulaires par cisaillement (ULTRA-TURAX) (dioptres responsable de la déviation de la lumière), il présente la même teinte

Figure 57 : Photographies macro illustrant en (a) le gradient de lumière depuis une source, en (b) le phénomène de diffusion de la lumière avec l'incidence d'un laser (rouge) dans un

échantillon de culture de faible épaisseur

La difficulté est ici que le milieu est non seulement absorbant mais aussi turbide, voir Figure 56 et Figure 57, ce qui fait que la loi de Beer-Lambert ne peut être appliquée, sinon qu’au seul titre de première approximation (cf. discussion en partie II.1.B). Les équations de transfert radiatif (RTE) qui gouvernent la propagation de la lumière sont alors difficilement solvables analytiquement dans notre cas de figure. Cela est dû, justement, à la propagation non-rectiligne de la lumière dans nos cultures, car elles sont constituées d'une suspension solide (biomasse) et sont par conséquent inhomogènes en indices de réfraction. Ainsi au gré de son parcours un photon pourra être dévié de sa trajectoire s'il rencontre une cellule (et qu'il n'est pas absorbé par un pigment). C'est le phénomène de diffusion, il vient s'ajouter à l'absorption qui, elle, traduit la diminution de l'intensité lumineuse à mesure de la propagation dans le milieu, due cette fois au contenu pigmentaire de la biomasse. Néanmoins, il existe des solutions analytiques, mais pour des cas simples uniquement, comme celui d'un point source dans un milieu infini [121]. Dès lors que la géométrie du problème gagne en complexité il faut effectuer des approximations pour que des solutions analytiques existent encore. La simplification la plus répandue étant d'approximer la diffusion à un phénomène unidimensionnel, dit "méthode à deux-flux" [18], [63], consistant à réduire la diffusion au seul changement de sens le long d'une même direction. Cependant, une telle simplification n'est applicable qu'à des géométries possédant encore de fortes symétries, ainsi il est par exemple impossible de cette façon de décrire correctement la diffusion autour d'un faisceau de lumière comme ceux présents dans nos réacteurs. C'est pour cela que l'on s'est tourné vers une tout autre méthode dite de Monte-Carlo qui permet d'approcher la solution analytique de façon satisfaisante [66], [121]–[124]. Elle a pour avantage de pouvoir être applicable à tous les cas de figure possibles. Un parallèle peut être fait avec la différence qu'il y a en mécanique des

fluides entre résoudre analytiquement les équations Navier-Stoker sur des cas simples, comme un écoulement de Poiseuille, et le recours à la mécanique des fluides numérique pour tous les autres cas. Ainsi, quelle que soit la source lumineuse ou la géométrie du photobioréacteur, on peut par cette unique méthode obtenir la distribution de lumière au sein du volume : le champ d'irradiance. Une méthode de Monte-Carlo est une approche stochastique, elle est basée sur le calcul (itératif) d'un grand nombre d’étapes élémentaires qui répondent chacune individuellement aux équations de la physique et dont la résultante converge statistiquement vers la solution recherchée. Le principe en est simple : après avoir implémenté la géométrie des sources et du réacteur ainsi que les propriétés physiques du système, on calcule les trajectoires de photons depuis les sources au travers du volume. Lors de leur parcours, ces photons ou plutôt ces paquets de photons vont subir cinq types d'évènements :

• Initialisation : depuis un point source aléatoire dans une direction aléatoire • Absorption : l’énergie qu’ils transportent diminue

• Diffusion : leur direction de propagation change aléatoirement • Réflexion : changement de direction en atteignant une paroi

• Terminaison : son parcours s’arrête si l’énergie qu'ils transportent n'est plus jugée significative

Remarques :

• Les évènements aléatoires respectent bien évidemment les caractéristiques du système, comme la géométrie, les phénomènes physiques sous-jacents et les propriétés optiques

• Fondamentalement, un photon constitue un quantum d'énergie, ainsi nos photons "numériques" sont en réalité des groupes de photons ayant la même trajectoire et dont certains sont absorbés le long de celle-ci

Ce calcul de trajectoire est donc réalisé un grand nombre de fois, idéalement jusqu’à ce que l’ensemble des chemins optiques possibles dans le réacteur ait suffisamment été couvert pour décrire le cas réel par convergence statistique. Le facteur clef étant l’utilisation de termes aléatoires dans la façon dont les trajectoires sont calculées, permettant d’avoir à chaque itération une trajectoire calculée différente et donc de couvrir un peu plus l'ensemble des

chemins possibles. La contrepartie à la simplicité de cette méthode de Monte-Carlo est qu'elle est gourmande en ressources et/ou en temps de calculs de par la quantité d'opérations à effectuer. Néanmoins, l'usage d'outils de calcul récents (/puissants) et de quelques réductions du problème (comme on le verra ci-après) permettent d'obtenir des temps de calculs qui ne sont pas prohibitifs.

Par ailleurs les propriétés optiques utilisées dans nos simulations sont toutes issues de la littérature, et sont énumérées dans le Tableau 6. On suppose que les données de la littérature sont représentatives des propriétés optiques de notre souche de spiruline et du mileu de culture utilisé. Néanmoins, pour garder ces grandeurs invariables dans les simulations, il nous faut faire l’hypothèse que ces propriétés sont homogènes spatialement, ce qui est raisonnable car notre réacteur est parfaitement mélangé (cf. II.2). Mais on suppose aussi la validité cette assertion dans le temps, même si, comme discuté en II.1.B, il n'est pas trivial d'affirmer que la pigmentation et la morphologie de la biomasse (dont dépendent les propriétés optiques) n’évoluent pas dans le temps.

Tableau 6 : Liste des grandeurs physiques utilisées lors de la simulation du champ d'irradiance dans le photobioréacteur pilote

Grandeurs Valeurs (unité) Sources

Irradiance en paroi 350 µmol∙m-2∙s-1 Arbitraire (condition de culture)

Ouverture du faisceau des sources

lumineuses (LED) 120°

Arbitraire : spécification matériel

Largeur de la zone éclairée en paroi 15 mm Arbitraire : géométrie du réacteur

Coefficient d'absorption 162 m²∙kg-1 Littérature :[101] Coefficient de diffusion 640 m²∙kg-1 Littérature : [101]

Coefficient d'anisotropie la diffusion

0,97 (dans la fonction de phase de Henyey-Greenstein, équation

(35))

Littérature : [125]

Indice de réfraction des parois

(PMMA) 1,49 Littérature : [89]

Indice de réfraction du milieu de culture (indépendant de la présence de spiruline)

1,34

Mesure expérimentale : refractomètre (CETI, convex)