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Une méthode pour l’histoire de l’équilibre général comme savoir

Un principe d’extension.

3. L’équilibre général comme savoir : questions de méthode On a déjà souligné que l’intérêt pour la notion de savoir tenait à la crise des

3.2. Propositions pour une méthode

3.2.2. Une méthode pour l’histoire de l’équilibre général comme savoir

Au terme de ce parcours, nous pouvons avancer les principes méthodologiques d’une histoire de l’équilibre général comme savoir. Le savoir est produit par la rencontre d’un système de production de connaissances et d’un système de pratiques et de commentaires qui donnent un sens à ces connaissances et leur permettent de circuler et de se distribuer, de se répondre et de se répandre. Le projet de recherche “ L’équilibre général comme savoir (de Walras à nos jours) ” se propose d’explorer un vaste ensemble de thématiques qui permettent de comprendre comment l’équilibre général a constamment alimenté des pratiques diverses.

De manière à rendre intelligible l’histoire et à identifier de grandes périodes qui structurent l’équilibre général en tant que savoir, on posera systématiquement la question de l’opérationalité. Quelle opérationalité est visée globalement par un ensemble de registres de savoirs qui leur donne du sens à un moment donné. Pour construire une maquette cohérente du projet de recherche, on construira des thématiques qui respectent trois contraintes. 1° Construire des objets d’étude qui ne soient pas calqués (exclusivement) sur des programmes théoriques. 2° Se poser la question de l’opérationalité des connaissances produites. 3° Articuler ces thématiques pour faire ressortir sur une période historique donnée, des ensembles cohérents. Nous développons ces trois points successivement.

Premièrement, construire des objets thématiques pertinents pour étudier des savoirs suppose de prendre quelques distances avec les questions théoriques traditionnelles identifiées par l’historiographie de l’équilibre général. Il y a toujours un sens à réfléchir sur le thème de l’existence ou de la stabilité, sur celui du bien-être ou de la dynamique, sur l’intégration de la monnaie, mais ces thèmes ne devraient pas être problématisés comme l’étude d’un programme théorique. Si l’on veut que les thèmes retenus s’inscrivent dans du savoir et qu’ils puissent être raccrochés à d’autres thèmes d’une même période, si l’on veut donc identifier des registres de savoir, il est indispensable que les problématiques retenues contiennent des références aux contextes de production, aux interprétations partagées d’un problème, aux outils techniques disponibles, aux stratégies de recherche mise en place, aux épistémologies et aux méthodes des producteurs de connaissances.

Un corollaire de cela est que l’on évite dans la mesure du possible de formuler des thèmes centrés exclusivement sur un auteur. Seule une mise en perspective avec le contexte intellectuel

de production, avec les auteurs mineurs ou oubliés, peut permettre de dessiner un contexte de réception. Un second corollaire est que l’on s’efforce de prendre des distances par rapport aux produits de l’activité scientifique, aux connaissances, et que l’on tâche systématiquement de relier ces connaissances à des commentaires, à des projets formulés en amont, qui les inscrivent dans un récit.

Deuxièmement, la question de l’opérationalité est directement dans le prolongement de ce qui précède. Dans le présent contexte, l’opérationalité ne signifie pas spécialement l’ancrage d’une construction théorique ou spéculative sur du concret, via des recommandations pratiques ou politiques, ou des actions, ou des prises de décisions. L’opérationalité désigne plus généralement la disposition d’un modèle ou d’une construction à susciter et orienter des pratiques de recherche et des projets. L’opérationalité a donc partie liée avec le contexte épistémologique et méthodologique d’un énoncé, mais aussi avec les changements sémantiques qui se produisent lorsque des constructions intellectuelles sont appropriées par d’autres. L’opérationalité a un sens indépendamment de l’exigence post-moderne que “ cela marche ” et elle doit trouver sa place dans tous les registres de savoirs. Chez Walras, par exemple, la question de l’opérationalité tient dans l’articulation entre économie pure et économie appliquée, mais aussi dans la capacité des énoncés d’économie pure à s’engrener sur d’autres énoncés chez d’autres auteurs. Chez Hicks, elle tiendra dans la disposition d’un modèle d’équilibre général à tenir compte de l’incertitude et des anticipations pour définir les conditions théoriques d’une situation de chômage keynésiens et analyser les conditions théoriques d’une action sur ce chômage.

La question de l’opérationalité est un moyen efficace d’échapper à la tentation théorique. Elle incite à rechercher un dénominateur commun entre des productions intellectuelles d’une même période, là où les auteurs semblent suivre des programmes de recherche autonomes et différents. Plus généralement, à partir du moment où l’on admet que l’activité scientifique a une dimension locale, la question de l’opérationalité s’exprime pleinement, et permet d’étudier les transferts de concepts et de techniques .

Troisièmement, sur un plan collectif et dans le prolongement direct de la question de l’opérationalité, l’objectif du projet de recherche sur l’équilibre général comme savoir est bien de faire ressortir les conditions de production des savoirs à une époque donnée. Les thématiques retenues et les problématiques mises en œuvre devront pouvoir s’articuler et se compléter. En premier lieu, les registres de savoirs identifiés à un moment donné doivent pouvoir servir de référence pour les thématiques situées en amont de l’histoire. En second lieu, les thématiques retenues sur une période donnée doivent s’articuler aux autres thématiques qui relèvent d’autres registres de savoir de manière à ce que l’on puisse reconstituer un tableau synchronique d’ensemble de l’équilibre général comme savoir à un moment donné.

nous faudra donc chercher à construire des périodes historiques au cours desquelles prévaut un agencement plus ou moins stable des registres de savoirs relatifs à l’équilibre général et à repérer les ruptures et les discontinuités qui viennent régulièrement remettre en questions ces équilibres momentanés,.